Flambée des prix et pénurie des matériaux : Bercy fait des préconisations aux acheteurs publics et aux entreprises

La direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’Économie et des Finances a publié, le 1er juin, une fiche technique qui, d’une part, rappelle aux acheteurs publics les moyens dont ils disposent pour accompagner les entreprises face à la flambée des prix et à la pénurie des matériaux et qui, d’autre part, fournit quelques arguments juridiques aux entreprises pour obtenir une adaptation des délais d’exécution et/ou une indemnisation. Éclairage.
11:0030/06/2021
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 12 | Juin 2021

Dans le contexte de flambée des prix et de pénurie des matériaux de construction que nous traversons, Bruno Le Maire avait invité les acheteurs publics à adapter les modalités d’exécution des marchés : non-application des pénalités de retard ou prolongation des délais d’exécution.

 

La fiche technique publiée, le 1er juin, par la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances (DAJ) complète et précise ces recommandations pour les marchés en cours et à venir.

Pour les marchés publics en cours

Difficultés d’approvisionnement

Aménagement des délais d’exécution

La fiche rappelle que l’acheteur dispose toujours de la possibilité de suspendre ou de prolonger le délai d’exécution en cas de circonstances extérieures mettant l’entreprise dans l’impossibilité de les respecter.

 

Pour cela, il est indiqué que :

  • l’entreprise devra apporter la démonstration qu’elle n’est pas en mesure de respecter certains délais d’exécution, ou que l’exécution des prestations encadrées par ces délais entraînerait pour elle un surcoût manifestement excessif ;
  • il lui est possible de solliciter l’autorité contractante afin d’obtenir la prolongation de ces délais spécifiques.

 

À noter : le CCAG Travaux 2021 a intégré en son article 53.3.1 la possibilité de suspendre l’exécution des travaux en cas de circonstances imprévisibles.

Celui-ci impose au maître de l’ouvrage de prononcer la suspension de tout ou partie des travaux lorsque la poursuite de l’exécution du marché est rendue temporairement impossible du fait d’une circonstance imprévisible que les parties ne pouvaient prévoir dans sa nature ou dans son ampleur.

Dans le cas où la demande émane de l’entreprise, l’acheteur doit se prononcer dans les meilleurs délais sur le bien-fondé de celle-ci.

 

Non-application des pénalités de retard.

La DAJ rappelle que les acheteurs sont toujours libres de ne pas appliquer des pénalités de retard et que le juge administratif recommande de faire une application mesurée des pénalités de retard. Celui-ci pouvant moduler leur montant en cas de contentieux.

 

À noter : le CCAG Travaux 2021 a prévu un plafonnement des pénalités de retard à 10 % du montant total hors taxes du marché (article 19.2.2).

 

De manière globale, la DAJ précise que les entreprises peuvent invoquer la force majeure pour justifier une demande d’adaptation des délais d’exécution ou de non-application des pénalités de retard, à condition toutefois que ses caractères (imprévisibilité, extériorité et irrésistibilité) soient remplis. Seulement, cette appréciation se fait au cas par cas selon les aménagements prévus par les contrats.

Augmentation des prix des matières premières

La DAJ rappelle et précise les conditions dans lesquelles le titulaire du marché peut obtenir une indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision.

 

La théorie de l’imprévision pourra être invoquée :

  • si les circonstances imprévisibles (en l’occurrence, l’augmentation du prix des matières premières) entraînent un bouleversement temporaire de l’économie du contrat 1 ;
  • si le titulaire est à même de démontrer que l’augmentation était imprévisible eu égard à l’ampleur de celle-ci et qu’elle a provoqué un réel déficit d’exploitation. Le simple manque à gagner ou la perte totale de bénéfice ne pourra suffire à fonder une demande d’indemnisation.

L’entreprise devra apporter tous les justificatifs, et notamment « la preuve que l’achat des matériaux concernés était bien postérieur à la période durant laquelle le prix de ces derniers a augmenté de façon imprévisible ».

 

Évidemment, la résiliation du contrat pourra être envisagée en cas de bouleversement définitif de l’économie du contrat.

 

À noter : le nouveau CCAG Travaux a prévu une clause de réexamen, applicable lorsque des circonstances imprévisibles affectent significativement les conditions d’exécution du marché, sans pour autant faire obstacle à la poursuite des prestations, afin que les parties examinent les conditions notamment financières de ces circonstances (article 54 du CCAG Travaux 2021).

Pour les marchés publics à venir

Clauses de variation des prix

La DAJ recommande aux acheteurs de respecter leurs obligations en matière d’actualisation et de révision des prix, en prévoyant des clauses de variation lorsqu’elles sont obligatoires, et des formules de variation représentatives des différentes composantes du coût des prestations et de leurs facteurs d’évolution.

 

Rappelons qu’en marchés publics :

  • la révision des prix est obligatoire lorsque les prestations sur lesquelles ils portent sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d’exécution des contrats (article R. 2112-13 du Code de la commande publique) ;
  • l’actualisation des prix est obligatoire lorsque le marché est conclu à prix ferme, et qu’un délai supérieur à trois mois s’écoule entre la date à laquelle l’entreprise a fixé son prix dans l’offre et la date de début d’exécution des prestations (article R. 2112‑11 du Code de la commande publique).

 

Sur ce dernier point, la DAJ incite même les acheteurs à prévoir un délai d’actualisation du prix inférieur au délai de trois mois fixé par le code. Ainsi, il pourrait être envisagé contractuellement d’actualiser le prix même si le délai entre la remise des offres et le début effectif des prestations est inférieur à trois mois.

 

Les conséquences de l’oubli d’une clause de variation obligatoire sont précisées.

En effet, si des marchés ont été conclus sans respecter l’obligation d’actualisation ou de révision des prix, et que des difficultés surviennent en cours d’exécution du contrat du fait de fortes fluctuations, l’acheteur est susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle.

 

La méconnaissance de cette obligation constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d’entraîner l’annulation de la procédure de passation.

Il convient par conséquent d’encourager les entreprises à être vigilantes et à alerter les maîtres d’ouvrage en cours de passation des marchés, si ceux-ci ont omis d’insérer une clause de variation obligatoire en leur rappelant les risques encourus.

Clauses relatives à la gestion des délais

Les acheteurs sont appelés à insérer dans leurs marchés à venir des clauses exonérant les entreprises des pénalités de retard et prévoyant la prolongation des délais en cas de circonstances imprévisibles.

1

La circulaire du 20 novembre 1974 relative à l'indemnisation des titulaires de marchés publics en cas d'accroissement imprévisible de leurs charges économiques a fixé le seuil du bouleversement à 1/15 du montant du marché. Cependant, le juge administratif ne s’estime pas tenu par ce seuil et apprécie le bouleversement de l’économie du marché au cas par cas.

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