Non-respect d'un cahier des charges de lotissement : pas de démolition si cette sanction est jugée disproportionnée

Pour la première fois, la Cour de cassation retient le critère de la proportionnalité de la sanction par rapport au préjudice subi par les requérants, lorsqu’il y a non-respect d’un cahier des charges de lotissement. Dans le cas où la démolition est jugée disproportionnée, seuls des dommages et intérêts pourront être alloués. Explications.
 
9:0426/04/2023
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 8 | avril 2023

Quelles sont les règles applicables en lotissement ?

 

Tout lotissement est régi par un règlement, qui fixe les règles d’urbanisme spécifiques applicables sur son périmètre. Il vient compléter les règles déjà fixées par le plan local d’urbanisme.

Un autre document est généralement mis en place pour fixer des règles purement privées régissant les rapports entre les colotis et entre l’aménageur du lotissement et les colotis, il s’agit du cahier des charges.

 

Depuis 1978, les cahiers des charges de lotissement ne sont plus approuvés par les préfets et n’ont donc plus de valeur règlementaire dans les rapports entre les colotis et l’Administration, lorsque cette dernière instruit une demande de permis de construire. Or, ces cahiers des charges contiennent des règles parfois plus que centenaires qui peuvent entrer en contradiction avec des objectifs récents tels que la densification urbaine.

 

En 2014, le législateur a tenté de supprimer, dix ans après la délivrance du permis d’aménager, toutes les règles spécifiques applicables au sein du lotissement qui viendraient limiter la constructibilité 1.

Mais la Cour de cassation a retenu par la suite que le cahier des charges d’un lotissement, quelle que soit sa date, est un document contractuel qui engage les colotis entre eux 2.

Dès lors, la Cour a estimé que tout coloti était fondé à demander que les bâtiments construits en violation d’un cahier des charges soient démolis, sans avoir à justifier d’un préjudice 3.

 

Y a-t-il une limite à la possibilité pour les colotis de demander la démolition d’un ouvrage construit en violation d’un cahier des charges de lotissement ?

 

Jusqu’en 2022, la Cour de cassation avait une position très stricte : une demande de démolition devait être acceptée dès lors que la violation d’un cahier des charges de lotissement était démontrée, sans qu’il soit nécessaire de contrôler la proportionnalité entre la violation et le préjudice en résultant 4, voire sans que les colotis aient besoin de démontrer un préjudice.

 

En 2022, elle opère un important revirement de position dans deux arrêts 5 : pour la première fois, elle retient qu’il existe une disproportion manifeste entre le coût de la démolition et son intérêt pour le requérant.

Elle estime qu’il convient donc d’octroyer des dommages et intérêts plutôt que d’accepter la demande de démolition.

La Cour de cassation instaure ainsi un contrôle par le juge de la proportionnalité entre le coût de la démolition pour le propriétaire concerné et l’intérêt de celle-ci pour le coloti qui la demande.

 

Quelles conséquences tirer de cette nouvelle position de la Cour de cassation ?

 

Ces arrêts offrent de nouveaux moyens de défense pour les constructeurs qui verraient leur projet attaqué pour une violation d’un cahier des charges de lotissement. Ils peuvent désormais invoquer que la demande de démolition est disproportionnée au vu de son coût et en comparaison du préjudice subi par le requérant.

 

Cependant, il faut garder à l’esprit que ce contrôle de proportionnalité laisse une place importante à l’appréciation souveraine du juge. Dès lors, l’issue d’un recours en démolition pour violation d’un cahier des charges reste incertaine.

 

Que conseille la FFB aux constructeurs ?

 

Les constructeurs doivent rester attentifs aux règles prévues dans les cahiers des charges de lotissement. Si un projet devait entrer en contradiction avec ce document, mieux vaut tenter d’obtenir une modification du cahier des charges, par un vote des colotis, selon les modalités prévues à l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme.

  1. Article L. 442-9 du Code de l'urbanisme
  2. Arrêt Cour de cassation, 3e civ., du 14 septembre 2017, n° 16-21 329.
  3. Arrêt Cour de cassation, 3e civ., du 21 juin 2000, n° 98-21 129 .
  4. Arrêt Cour de cassation, 3e civ., du 17 décembre 2020, n° 19-23 520 .
  5. Arrêts Cour de cassation, 3e civ., du 13 juillet 2022, n° 21-16 407 et n° 21-16 408.

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