Construire : quels besoins ? Des recrutements et de la formation

Pour construire, il faut des constructeurs. Le secteur est traditionnellement dense, à la fois en emplois et en créations d’emplois. Il devrait le rester à l’avenir. Il connaît cependant d’importantes difficultés de recrutement. Investir dans les compétences s’impose pour attirer, recruter et fidéliser.
11:1327/03/2024
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 6 | avril 2024

Le bâtiment est l’un des principaux secteurs d’activité de l’économie française et l’un de ses principaux employeurs. Il a connu une période de croissance continue depuis 2016, qui lui a permis de retrouver en 2022 le nombre d’actifs qu’il connaissait avant la crise financière de 2008. Cette hausse continue des effectifs s’accompagne toutefois d’importantes difficultés de recrutement, qui concernent toutes les fonctions (production, études, encadrement de chantier) et tous les corps d’état.

 

La crise de la construction neuve, qui a débuté en 2022, vient enrayer une dynamique positive, ce qui conduit la profession à envisager une diminution des effectifs salariés à partir de 2024, dans une proportion encore difficile à prévoir.

 

Cependant, malgré ce retournement de conjoncture, le bâtiment aura besoin dans les années à venir d’attirer des compétences pour faire face aux mutations en cours : une part plus importante de la rénovation vis-à-vis de la construction neuve, des bâtiments avec des contraintes environnementales plus fortes, des métiers intégrant plus de numérique et une plus grande attention au conseil apporté aux clients amenés à faire des choix complexes.

 

Des évolutions qui vont définir les besoins en recrutement et auxquelles l’offre de formation initiale et continue va continuer de s’adapter.

 

Évolution des effectifs du bâtiment : que disent les travaux de prospective ?

 

Dans leur exercice de prospective sur les métiers en 2030, publié en 2022, France Stratégie et la Dares dessinaient une perspective de croissance soutenue des effectifs dans le bâtiment. La construction devait être le troisième secteur le plus créateur d’emplois (190 000 emplois supplémentaires) entre 2019 et 2030.

 


Cette croissance devait être d’autant plus forte dans le cas d’un « scénario bas carbone », avec l’augmentation des travaux de rénovation énergétique des bâtiments. Un élément clé de cette projection réalisée avant 2022 était fondé sur le maintien de taux d’intérêt bas. Or, la remontée des taux, qui est l’une des causes de la baisse des ventes de logements neufs, atteignant aujourd’hui un niveau critique, a remis en question cette projection. Celle-ci a néanmoins le mérite de modéliser les effets d’un « scénario bas carbone » sur le secteur.

 

Le think tank The Shift Project a imaginé, de son côté, les actions à réaliser pour adapter l’économie française aux objectifs de limitation à deux degrés du réchauffement climatique. Dans le volet « emploi » de son plan de transformation de l’économie française, le centre de réflexion prévoit un besoin supplémentaire de 100 000 ETP1 dans la rénovation énergétique des bâtiments à l’horizon 2050.

 

La transition écologique aurait un impact très différent en fonction des corps d’état : « Cette perte d’activité se fait ressentir fortement sur les métiers exclusivement dédiés à la construction neuve, tandis que les artisans du second oeuvre, qui interviennent souvent aussi bien sur des chantiers de construction neuve que de rénovation, peuvent pivoter plus facilement.

 

Les objectifs en termes de rénovations thermiques globales s’accompagnent d’une forte hausse du besoin en emplois pour les corps d’état concernés : travaux d’isolation, d’étanchéification, de couverture, de menuiserie, de plâtrerie, de plomberie et de chauffage, et d’installations électriques. »

 

Selon ce scénario, l’augmentation de l’activité dans la rénovation – nécessaire pour la décarbonation complète du secteur – serait plus que compensée par la forte diminution des activités de construction neuve, ce qui entraînerait une diminution d’environ 100 000 emplois dans le secteur à l’horizon 2050. L’enjeu serait alors principalement d’accompagner le transfert de l’activité de la construction neuve vers la rénovation énergétique.

 

France Stratégie et la Dares ont aussi récemment consacré un travail aux besoins de main-d’oeuvre à l’horizon 2030 pour la rénovation énergétique des bâtiments. La prévision d’emplois supplémentaires liés à la rénovation énergétique y est plus élevée que celle du Shift Project : le besoin est estimé entre 170 000 et 250 000 emplois supplémentaires. Quelle que soit l’évolution de l’activité dans le logement neuf, le secteur connaîtrait, d’ici à la fin de la décennie, une création nette d’emplois.

 

Les différents scénarios divergent sur le chiffrage du besoin en emplois, mais ils se rejoignent sur un point : l’activité de rénovation devrait, à terme, prendre le pas sur la construction neuve. On peut donc émettre l’hypothèse d’une baisse de l’activité pour les métiers du gros oeuvre, consacrés principalement à la construction neuve (maçons, coffreurs-bancheurs, notamment), et une augmentation de l’activité pour les métiers de la rénovation : métiers de l’isolation, installateurs d’équipements thermiques et sanitaires, électriciens chargés de l’installation et de la maintenance des panneaux solaires et des équipements de recharge pour véhicules électriques, par exemple.

 

La rapidité et l’intensité de l’évolution de l’activité du bâtiment dépendront de la durée de la crise du logement neuf, qui peut être conjoncturelle ou s’inscrire dans le temps. Elles tiendront également à la vigueur du développement du marché de la rénovation, qui connaît une croissance certes soutenue d’environ 3 % par an, mais encore éloignée des objectifs annoncés d’amélioration de la performance énergétique du bâti.

 

Le niveau de tension en matière de recrutement est actuellement si élevé que, même dans le cas d’une conjoncture moins favorable dans les années à venir, le secteur devra poursuivre ses efforts pour attirer et fidéliser des jeunes, via l’apprentissage notamment, ainsi que des actifs d’autres secteurs pouvant être intéressés par une reconversion dans le bâtiment.

 

Les compétences clés pour le bâtiment de demain

 

Le secteur va donc continuer à recruter, mais il va devoir également accompagner la montée en compétences de ses actifs pour faire face aux défis qui vont se présenter à lui. Sur quelles compétences investir en priorité dans les années à venir ?

 

Des compétences métiers solides

 

Dans un contexte où les exigences de qualité, les attentes en matière de performance énergétique ou les contraintes règlementaires vont aller grandissant, la priorité pour le bâtiment est d’assurer le bon niveau de compétence de ses professionnels. Cela commence par la formation initiale.

 

Or un nombre relativement important d’actifs entrent dans le bâtiment sans formation initiale en lien avec ses métiers : on estime qu’environ 20 % des nouveaux entrants n’ont aucun diplôme, dans le BTP ou un autre secteur. Les compétences liées au métier sont souvent acquises dans l’entreprise, par la formation sur le terrain ou au travers de la formation continue.

 

Or, actuellement, les formations suivies dans le bâtiment portent, pour une large part, sur les aspects règlementaires, en lien notamment avec la sécurité sur les chantiers. Le renforcement de la formation continue liée au métier apparaît, dès lors, comme une nécessité.

 

Des compétences spécifiques au marché de la rénovation

 

La montée en charge des chantiers de rénovation, et, parmi eux, des chantiers de rénovation énergétique va nécessiter de mobiliser un certain nombre de compétences spécifiques. Dans une récente étude sur l’évolution des métiers et des compétences en lien avec le marché de l’entretien-rénovation, l’Observatoire des métiers du BTP a mis en évidence que « la bonne réalisation des chantiers d’entretien- rénovation ou de rénovation énergétique nécessite des compétences spécifiques, mais également des compétences similaires à la construction neuve. Toutefois, dans le dernier cas, leur exercice est plus complexe et difficile. »

 

 

Le chantier de rénovation implique, en effet, de faire le bon diagnostic et de s’adapter à l’existant, de trouver les matériaux et les solutions pouvant s’intégrer dans l’environnement déjà présent (système de chauffage, tuyauterie…), d’intervenir sur des chantiers où les clients sont parfois présents, de les conseiller sur les aides disponibles. Autre dimension régulièrement rappelée à propos des chantiers de rénovation énergétique : l’importance de la coordination entre les différents corps de métier, en particulier lors de rénovations globales ou par bouquets de travaux (isolation, chauffage…).

 

S’y ajoutent des compétences techniques spécifiques : savoir installer, raccorder et assurer la maintenance des équipements d’énergies renouvelables (solaire thermique et photovoltaïque, pompes à chaleur) et savoir conseiller les clients sur les différentes solutions.

 

Les connaissances des techniques d’isolation, des matériaux et de leurs qualités énergétiques doivent également être maîtrisées pour s’engager sur des chantiers de rénovation. Enfin, les professionnels ont l’obligation d’appliquer la nouvelle règlementation environnementale (RE 2020) et celle qui concerne le traitement, le recyclage et la valorisation des déchets du bâtiment (REP bâtiment).

 

Une offre de formation s’est développée pour répondre à ces besoins : citons par exemple le dispositif FEEBAT, qui propose aux chefs d’entreprise une offre de formations sur la rénovation énergétique des bâtiments. Dans les années à venir, le recours à ces formations va croître, face à l’augmentation attendue de l’activité de rénovation, la montée en charge des exigences en matière de performance énergétique et les attentes toujours plus fortes des clients en matière de conseil, du fait notamment de l’augmentation du coût de l’énergie.

 

Des compétences numériques

 

Les logiciels de modélisation 3D et de conception assistée par ordinateur (AutoCAD, SketchUp…) sont assez largement utilisés dans la phase d’étude et de chiffrage des chantiers. De nombreux logiciels de gestion (ERP, CRM), de logiciels « métiers » spécialisés sont utilisés par les professionnels.

 

Le BIM, utilisé sur certains chantiers de grande taille, reste, quant à lui, une compétence certes importante pour les professionnels des bureaux d’études, mais qui demeure une compétence de niche.

 

On peut dire que le bâtiment a réalisé sa transition numérique, mais celle-ci pourrait s’intensifier dans les années à venir. Elle pourrait connaître une nouvelle ère avec l’avènement de l’intelligence artificielle : si les applications de l’IA dans les phases de conception, de construction et d’usage des bâtiments sont, à l’heure actuelle, encore expérimentales, elles pourraient fortement se développer, ce qui aura des implications sur les compétences des professionnels et leur façon de travailler.

 

Cette révolution devra être anticipée et accompagnée par les acteurs de la profession.

 

Des compétences liées à l’encadrement de chantier

 

Les compétences d’encadrement de chantier occupent une place stratégique dans l’activité du bâtiment. La part des encadrants dans l’emploi total du secteur a régulièrement augmenté, ce qui explique en partie les fortes tensions quant au recrutement de ces profils.

 

La compétition est rude avec d’autres secteurs pour attirer des conducteurs de travaux, des chefs de chantier et des chefs d’équipe. Or, le rôle des encadrants de chantier s’est progressivement complexifié, avec l’accroissement des contraintes règlementaires liées à la qualité ou au respect de l’environnement.

 

Ils doivent donc combiner de solides compétences techniques et managériales avec des compétences commerciales et juridiques et la capacité à communiquer avec l’environnement du chantier (riverains, collectivités). Ils ont aussi la responsabilité de la sécurité sur les chantiers. Les difficultés de recrutement sont particulièrement fortes sur ces profils d’encadrants de chantier, pour la plupart des diplômés de l’enseignement supérieur courtisés par d’autres secteurs (conseil, industrie, notamment).

 

Des actions spécifiques devront être menées pour attirer et fidéliser ces professionnels en mesure de concevoir les futures constructions à forte performance environnementale, rompus aux usages du numérique, capables de conseiller les clients et, enfin, d’encadrer et de coordonner les professionnels du bâtiment de demain.

  1. Équivalents temps plein.

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