Se mettre en condition d’échec pour réussir…

On dit souvent que l’on apprend de ses erreurs, mais ne serait-il pas plutôt souhaitable de mettre tout en œuvre pour réussir dès la première fois ? La technique du pre-mortem a été inventée par Gary Klein (psychologue américain), à la fin des années 1980, pour anticiper toutes les raisons qui feraient qu’un projet, un produit, un service, une entreprise… pourraient échouer. Avec cette technique, des problèmes importants, et parfois critiques, qui auraient pu passer inaperçus sont révélés. Explications.
11:0007/10/2020
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 12 | Octobre 2020

Avez-vous remarqué que lorsqu’un événement survient qui nous semblait hautement improbable, nous n’avons a posteriori aucune difficulté à lui trouver des explications. Nous retrouvons dans le passé les éléments nécessaires qui nous permettent de conclure que l’histoire était écrite et que nous aurions dû ou pu nous en douter. Nous éliminons aussi de notre récit tous les éléments contradictoires.

 

Cette capacité étonnante que nous avons à expliquer le passé, nous pouvons aussi la mettre au service de notre capacité à prédire l’avenir.

 

Le psychologue américain Gary Klein a eu l’idée de se dire : puisque nous sommes tellement doués pour regarder dans le rétroviseur, pourquoi ne pas utiliser le rétroviseur pour regarder le futur ? C’est ce qu’il appelle la prospective rétrospective ou le pre-mortem.

 

Gary Klein & technique pre-mortem : pensons au futur comme s’il était déjà arrivé

 

La technique du pre-mortem s’intercale juste avant la prise de décision finale, au moment où l’on peut encore craindre que certaines objections n’aient pas encore été exprimées. Des études montrent que les chefs de projet, quels qu’ils soient, ont tendance à être extrêmement confiants. Les plans élaborés sont raisonnables, et chaque étape est plausible.

 

Alors, pourquoi s’inquiéter ?

Tout le monde veut désespérément croire au plan qu’il s’apprête à réaliser.

 

Et puis, le début d’un projet est généralement le moment de la plus grande harmonie entre les membres de l’équipe chargés de celui-ci. Faire apparaître des problèmes peut sembler obstructionniste et déloyal. Donc, pour s’assurer que le projet reçoit l’examen dont il a besoin, il est nécessaire de mener une analyse pre-mortem.

 

L'analyse pre-mortem exige un changement de point de vue temporel

 

Le pre-mortem exige un changement de point de vue temporel. Lorsque nous pensons au passé, nous réfléchissons en termes de « pourquoi » et, lorsqu’il s’agit du futur, en termes de « quoi ». Mais que se passe-t-il si nous pensons le futur comme s’il était déjà arrivé?

 

Contrairement à une séance d’analyse critique habituelle, où l’on se demande ce qui pourrait mal se passer, le pre-mortem part du principe que le « patient » est mort et se demande pourquoi.

 

Côté relations humaines, autoriser et encourager des collaborateurs à mettre à l’épreuve et critiquer un projet (un produit, une organisation…) permet de libérer davantage la parole, de faciliter l’expression des doutes, des craintes, des ressentis… qui n’auraient sans doute pas été évoqués en utilisant d’autres méthodes prenant moins en considération les dimensions émotionnelle, relationnelle et situationnelle.

 

Cette méthode transforme les critiques négatives (souvent non exprimées) en actions positives. Cela crée aussi une émulation collective.

 

Par ailleurs, le fait d’avoir vécu collectivement, de manière virtuelle, l’échec génère une cohésion et une solidarité que l’on ne retrouve pas lors d’une analyse des risques traditionnelle.

 

Ouvrir la réflexion à différents profils de collaborateurs apporte d’autres points de vue, multiplie l’énoncé des causes probables d’échec et débouche sur un plan d’action beaucoup plus riche et mieux adapté, ce qui facilitera son appropriation par le plus grand nombre.

 

La technique du pre-mortem permet de ne plus être effrayé par l’échec et de se concentrer sur la façon de l’éviter.

 

5 avantages à utiliser le pre-mortem
  1. Identifier les problèmes avant qu’ils ne se produisent.
  2. Réduire le risque d’un démarrage prématuré ou fragile pour le projet, le produit, le service, l’entreprise, etc.
  3. Apporter des réponses plus créatives et structurées face aux défis que vous allez rencontrer dans un futur proche.
  4. Identifier les signes avant-coureurs d’un problème que vous aurez déjà envisagé afin de mettre en place des signaux d’alerte.
  5. Accroître l’implication de vos salariés.

Comment organiser un examen pre-mortem?

Il s’agit d’un exercice dans lequel, une équipe (multidisciplinaire et réunissant tous les niveaux de hiérarchie) est réunie, pendant une ou deux heures, pour se projeter collectivement dans un avenir où un projet a échoué.

Chacun est invité à effectuer une autopsie anticipée et à trouver les raisons qui ont conduit à une telle catastrophe.

Cinq étapes

1. Imaginez la pire situation possible.

Démarrez la rencontre en choisissant une date réelle dans le futur (quelques semaines ou mois) et annoncez que le projet en question est un désastre absolu.

 

2. Réfléchissez à toutes les raisons pour lesquelles il se révèle tellement catastrophique.

Demandez à chacun d’écrire sur des Post-it, en silence, toutes les raisons qui pourraient expliquer ce phénomène.

Aucun frein, mais une limite de temps (maximum 15 minutes) pour maintenir le sentiment d’urgence.

Les idées sont ramassées, puis collées sur un paperboard, un tableau blanc ou un mur.

 

3. Partagez les réponses.

Demandez à chaque personne de donner une des raisons écrites sur sa liste, et continuez jusqu’à ce que tout le monde ait épuisé sa liste.

 

4. Priorisez les risques et identifiez le top 10.

Regroupez sur le support celles qui sont similaires. Classez les problèmes en fonction de leur vraisemblance et du niveau d’impact sur la réussite du projet. Éliminez ceux sur lesquels vous n’avez aucun contrôle.

Concentrez-vous sur les situations que vous pouvez réellement résoudre.

Demandez aux participants de voter sur les raisons qui leur paraissent les plus probables.

 

5. Établissez un plan d’action.

Une fois que les risques les plus critiques sont identifiés et partagés, il faut analyser chacun d’entre eux et définir un plan d’action.

En face de chaque problème majeur, vous devrez trouver une ou deux solutions préventives à mettre en place.

En fonction du résultat, reste alors à revoir le projet initial pour le renforcer, le réorienter ou l’abandonner purement et simplement.

Évidemment, qui dit plan d’action dit responsable et acteurs, plan de suivi des actions, etc.

Une variante de l'analyse pre-mortem

Il faut noter que le pre-mortem ne sert pas qu’à éviter de prendre des décisions risquées ou hâtives, cela peut aussi être une excellente arme contre l’indécision.

Projetez-vous en 2025 et vous regrettez amèrement de ne pas avoir pris cette décision. Demandez-vous pourquoi et décrivez ces raisons.

Au fond, le pre-mortem nous force à imaginer plusieurs futurs possibles au lieu d’un seul et à prendre en compte le fait que l’avenir est imprévisible. C’est une bonne manière de lutter contre l’excès de confiance.

 

Une variante du pre-mortem

 

La prospective rétrospective peut aussi être utilisée pour imaginer des choses qui se déroulent bien. Imaginons que le projet se termine par une grande réussite. Posons-nous la question : qu’est-ce qui nous y a menés?

 

Sur le même principe que le verre à moitié vide, pensez verre à moitié plein

Partons d’un pre-mortem classique: imaginez votre échec, trouvez des raisons qui l’expliquent et des solutions à apporter. Mais à partir de là, fini les catastrophes. Réfléchissez à toutes les façons dont votre projet pourrait réussir. Avez-vous dépassé vos objectifs ? Avez-vous réussi d’une manière inattendue ? Est-ce que créer ce produit ou ce service s’est effectué sans douleur ?

Le groupe effectue son analyse de la même manière que pour les échecs: on écrit tout ce dont on est fier, puis tout est affiché sur un tableau ou un mur. Une fois que chacun a partagé ses victoires imaginaires, les idées similaires sont regroupées en thèmes. Le groupe cartographie les principales opportunités. Enfin, le plan tactique est révisé en conséquence.

 

Puisque le recul prospectif peut être tout aussi efficace lorsqu’il repose sur des résultats positifs, et puisque imaginer un échec cuisant n’est jamais plaisant, pourquoi ne pas combiner reculs positif et négatif ?

 

Bien sûr, cette technique peut être utilisée dans de multiples circonstances professionnelles ou personnelles.

Albert Einstein

« Si j’avais une heure pour sauver le monde, je passerais 55 minutes à définir le problème et 5 minutes à trouver des solutions. »

Marcel Proust

« Il n’y a pas de réussites faciles ni d’échecs définitifs. »

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