Accélérer sur la voie de l'habitat bas carbone - Emmanuelle Wargon

À la fois ambitieuse et pragmatique, la RE 2020 sera mise en œuvre progressivement, en ajustant ses exigences aux résultats effectivement obtenus au fil des années et en accompagnant les acteurs de la filière. Parallèlement à la transition écologique de la construction neuve, le Gouvernement entend massifier les rénovations énergétiques en mettant l’accent sur l’accompagnement des bénéficiaires d’aides publiques.
13:5801/06/2021
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 63 | Juin 2021

Quelle est l’ambition du Gouvernement avec la RE 2020 au regard des enjeux du changement climatique ?

Emmanuelle Wargon — L’ambition générale est très claire : elle est de faire de la France un pionnier du bâtiment bas carbone en Europe, avec l’une des réglementations les plus avancées dans ce domaine. Cet objectif se décline dans les trois grandes orientations de la RE 2020. La première concerne la sobriété énergétique, en capitalisant sur le pas très positif de la RT 2012 et en allant un cran plus loin. La seconde, la plus nouvelle, concerne les émissions de CO2. Consommer moins d’énergie, c’est bien, mais il faut s’assurer que cette énergie est décarbonée, en travaillant sur les sources d’énergie les moins émettrices. Et surtout, il s’agit de prendre en compte l’empreinte carbone du bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, en commençant par les émissions associées à l’acte de construire et aux matériaux utilisés. Là est le grand challenge de la RE 2020. La troisième orientation, moins souvent évoquée mais pas moins importante, porte sur le confort d’été, pour préparer nos bâtiments à des étés plus chauds et nous protéger des canicules. C’était une faiblesse de la RT 2012, que la RE 2020 va corriger en introduisant un vrai critère de confort d’été, qui incitera à réfléchir aux meilleures conceptions dans ce domaine.

 

Avec l’introduction du critère carbone, la RE 2020 va profondément transformer les modes constructifs. Va-t-on laisser aux acteurs de la filière le temps de s’adapter ?

E. W. — Une transition aussi importante ne se fait pas du jour au lendemain. La réglementation que nous mettons en place sera progressive – et cette progressivité est un acquis du dialogue technique très constructif mené ces derniers mois avec les acteurs de la filière, en particulier via le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique. La RE 2020 introduit des jalons, qui seront davantage étalés dans le temps que ce qui était prévu initialement. Dans la première étape, qui entre en vigueur au 1er janvier prochain pour les nouveaux permis de construire et durera trois ans, l’enjeu essentiel sera l’appropriation par la filière de la méthode d’analyse en cycle de vie, en l’intégrant dans les calculs de l’empreinte carbone des bâtiments et donc dans leur conception.

C’est seulement lors des étapes suivantes – 2025 et surtout 2028 et 2031 – que les nouveaux seuils réglementaires sur le cycle de vie emporteront des exigences plus fortes que ce qui se fait aujourd’hui. Entre-temps, dès le 1er janvier prochain, nous allons recueillir les données sur les nouveaux bâtiments construits, en constituant un observatoire de la RE 2020. Au fur et à mesure, en mettant ces données effectives en regard des exigences prévues par la RE 2020, nous verrons si des difficultés apparaissent ou si, au contraire, il sera possible d’être plus ambitieux sur certains critères. Et de manière pragmatique, en discussion avec toute la filière, nous pourrons ajuster collectivement ces exigences. C’est le principe de la « clause de revoyure », sur laquelle Barbara Pompili et moi-même nous sommes engagées. Dans l’immédiat, les logiciels et outils de calcul associés à la RE 2020 doivent être prêts et disponibles avant l’été, pour que chacun ait le temps de se les approprier.

 

L’esprit de la nouvelle réglementation est tout le contraire d’exclure ou d’imposer, et les ajustements qui ont été faits lors des discussions avec les acteurs de la construction, dont la FFB, ont levé les derniers doutes dans ce sens.

Emmanuelle Wargon

Comment éviter que certains matériaux et modes constructifs ne soient pénalisés, voire exclus, par les nouveaux seuils réglementaires, et comment les accompagner dans cette transition ?

E. W. — L’esprit de la nouvelle réglementation est tout le contraire d’exclure ou d’imposer, et les ajustements qui ont été faits lors des discussions avec les acteurs de la construction, dont la FFB, ont levé les derniers doutes dans ce sens. La RE 2020 indique des résultats à atteindre, pas des obligations de moyens. Nous nous sommes assurés que tous les matériaux permettront d’atteindre les seuils proposés, compte tenu des trajectoires de décarbonation sur lesquelles leurs filières industrielles se sont engagées. Dans la décennie, qui est l’horizon de la RE 2020, les matériaux et les produits de construction, avec le levier de l’innovation et des aides que nous mettons en place pour favoriser leur décarbonation, vont profondément se transformer. On le voit déjà, par exemple, avec les bétons bas voire ultra-bas carbone, ou avec des équipements de production d’énergie comme les pompes à chaleur. Grâce à ces progrès, certains modes constructifs deviendront moins émetteurs sans que les pratiques de mise en œuvre changent fondamentalement. Pour autant, la RE 2020 entraînera aussi une évolution des modes constructifs, en favorisant notamment la mixité des matériaux. Mixer par exemple des matériaux de second œuvre biosourcés et du gros œuvre en béton, un rez-de-chaussée en béton et des étages en construction bois : de telles pratiques vont se multiplier. Là encore, des aides à l’innovation sont prévues pour aider le secteur à s’approprier la mixité des matériaux. Nous avons annoncé en février qu’une enveloppe de 20 millions d’euros sera consacrée à des projets innovants dans ce domaine, via le Programme d’investissements d’avenir.

 

La rénovation énergétique des bâtiments est un axe important du plan France Relance et du projet de loi Climat et Résilience. Quelle est votre ambition dans ce domaine ?

E. W. — Tout un système de politiques publiques se met en place depuis plusieurs années pour développer massivement la rénovation énergétique des bâtiments, et l’ambition du Gouvernement est de mettre en cohérence toutes les briques de ce système pour accélérer le mouvement. Concernant les aides, il faut souligner les moyens très importants consacrés dans le plan France Relance à MaPrimeRénov’, qui est un dispositif à la fois plus juste – ceux qui ont le moins de revenus sont le plus aidés – et plus efficace – on arrête de faire attendre les ménages pour qu’ils touchent leurs aides, comme c’était le cas auparavant avec le crédit d’impôt. Plusieurs dispositions inscrites dans la loi Énergie-Climat de 2019 et dans la nouvelle loi Climat et Résilience vont aussi jouer un rôle important d’incitation : la refonte du DPE, rendu plus fiable et plus lisible, l’audit énergétique obligatoire pour vendre un logement « passoire énergétique », et surtout, l’interdiction à horizon 2028 de louer des « passoires énergétiques » – l’obligation pour les propriétaires de réaliser des travaux de rénovation thermique étant une mesure écologique mais aussi de justice sociale, car on ne peut pas laisser les locataires dans la précarité énergétique. En parallèle, nous mettons l’accent sur l’accompagnement de l’usager dans le parcours de rénovation énergétique de son logement.

 

Précisément, en quoi consiste « l’accompagnateur rénov’ », dont l’idée est reprise dans le projet de loi Climat et Résilience ?

E. W. — C’est une proposition issue du récent rapport d’Olivier Sichel sur la rénovation des « passoires énergétiques »1. Les modalités de mise en œuvre devront être définies en concertation avec les acteurs de la filière, en prenant le temps d’une réflexion fine sur le sujet. L’idée générale est que les ménages qui s’engagent dans des travaux de rénovation énergétique importants – pas simplement l’isolation des combles ou le remplacement d’une chaudière –, avec des aides importantes, ont besoin d’être accompagnés de bout en bout, en plus des informations et des conseils apportés par le service public de la rénovation énergétique FAIRE. La question de savoir quelles catégories d’acteurs assureront cet accompagnement est ouverte à ce stade, l’important étant d’abord de qualifier les compétences dont doivent pouvoir bénéficier les utilisateurs. Quoi qu’il en soit, la massification de la rénovation énergétique est en marche, dans un cadre que nous allons continuer de structurer pour inciter de plus en plus de Français à s’y engager !

1 « Pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive dans les logements privés », rapport d’Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts, remis au Gouvernement le 17 mars 2021.

Diplômée d’HEC et de l’ENA, Emmanuelle Wargon, après vingt ans d’expérience de l’action publique et trois ans en entreprise, a été nommée en 2018 secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique puis, en 2020, ministre déléguée chargée du Logement.

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