Favoriser la montée en puissance des rénovations énergétiques : entretien avec Simon Huffeteau

Forts du succès de MaPrimeRénov’, les pouvoirs publics élargissent le dispositif pour mieux inciter les ménages à s’engager dans des rénovations globales de leur logement, avec l’appui des nouveaux « Accompagnateurs Rénov’ ». Une montée en puissance qui nécessite d’augmenter le nombre d’entreprises qualifiées RGE et de renforcer la coordination entre corps de métier.
10:4308/09/2023
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 72 | septembre 2023
Comment résumez-vous l’enjeu des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments ?

 

Simon Huffeteau — La rénovation énergétique de l’habitat fait partie des politiques prioritaires du Gouvernement, avec pour triple objectif de réduire les consommations d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre et la précarité énergétique. Pour y parvenir, l’enjeu des politiques publiques est de mettre en place des incitations et des obligations qui doivent convaincre les ménages de se lancer dans une rénovation de leur logement, sachant que la rénovation des bâtiments est un sujet complexe, tant sur le plan technique que dans les processus de décision : sans même parler des copropriétés, un propriétaire unique ne peut élaborer seul un plan de travaux et identifier le retour sur investissement qu’il peut en attendre. D’où l’importance de mettre à sa disposition des incitations et des outils qui fonctionnent.

 

Précisément, quel bilan tirez-vous de MaPrimeRénov’ et comment ce dispositif est-il amené à évoluer ?

 

S.H. — MaPrimeRénov’ a rencontré réellement son public, avec 600.000 rénovations aidées en 2022 et un impact social très fort, car 80% du montant des aides vont vers les ménages modestes et très modestes. Toutefois, il s’agit pour l’essentiel de gestes de rénovation isolés – le rem­placement d’une chaudière par exemple – dont les effets en termes de consommations énergétiques et d’émissions de gaz à effet de serre sont certes notables mais insuffisants pour nous mettre sur la trajectoire de la stratégie nationale bas carbone. Si l’on veut suivre cette trajectoire, il faut développer massivement les rénovations globales. On en dénombre 65.000 par an aujourd’hui, et l’objectif est de passer à 200.000. Tous les arbitrages ne sont pas encore pris mais les travaux menés en concertation avec les acteurs de la filière pour faire évoluer MaPrimeRénov’ conduisent ainsi, tout en conservant le pilier par gestes de rénovation, ciblé en particulier sur le remplacement des systèmes de chauffage, à créer un pilier centré sur la performance globale de la rénovation, avec des aides plus incitatives que celles qui existent aujourd’hui, dans une logique de résultats : si un ménage est plus ambitieux dans son projet de rénovation en termes de gain énergétique et de réduction de gaz à effet de serre, il reçoit plus d’argent, de sorte, par exemple, que si son logement est classé F ou G dans le diagnostic de performance énergétique (DPE), il puisse plus facilement le faire sortir de son statut de « passoire thermique ».

 

Quel est le rôle de « Mon Accompagnateur Rénov’ » dans ce dispositif ?

 

S.H. — Pour prendre en charge la complexité liée à une rénovation globale, son rôle est analogue à celui d’un assistant à maîtrise d’ouvrage. Le ménage qui s’engage dans une telle opération garde sa pleine responsabilité de maître d’ouvrage, et l’accompagnateur vient l’aider tout au long du processus. Il apporte une assistance à la fois technique, en réalisant ou en sous-traitant l’audit énergétique comprenant un plan de travaux, et administrative, pour les demandes d’aides et l’élaboration du plan de financement. Ce positionnement de conseiller implique qu’il soit indépendant vis-à-vis des entreprises qui réalisent les travaux. Sa prestation est d’ailleurs rémunérée indépendamment de celle de la réalisation. Il faut préciser qu’un accompagnement de ce type existe déjà autour notamment de MaPrimeRénov’ Sérénité, qui génère les quelques dizaines de milliers de rénovations globales que je mentionnais, et des dispositifs de l’Anah, pour lesquels des structures publiques, associatives mais aussi privées ont créé ces métiers liés à l’accompagnement. L’objectif est donc d’élargir un système qui a fait ses preuves en l’ouvrant davantage aux acteurs privés.

 

Qui pourra précisément être Accompagnateur Rénov’ et quand le dispositif entrera-t-il en vigueur ?

 

S.H. — Ces missions peuvent constituer un prolongement de leur métier pour certaines structures tels des bureaux d’études ou des architectes... Mais rien n’empêche non plus une entreprise de construction de créer une activité autour de l’accompagnement, à travers une structure distincte. Celle-ci devra être éligible et donc démontrer sa compétence pour la mission d’accompagnement et sa capacité à la réaliser de manière neutre et indépendante, sans pouvoir l’utiliser pour démarcher des activités de travaux. Dans tous les cas, il s’agit d’une profession agréée. Depuis le 1er juillet 2023, une plateforme de demande d’agrément est ouverte sur les sites de l’Anah et de France Rénov, le service public de rénovation de l’habitat, l’Anah délivrant l’agrément après vérification des conditions d’éligibilité, de neutralité et d’indépendance. L’objectif est de disposer de suffisamment d’opérateurs agréés au 1er janvier 2024 car, à cette date, est prévue l’entrée en vigueur de l’obligation pour un ménage de solliciter un Accompagnateur Rénov’ pour pouvoir bénéficier de MaPrimeRénov’ « performance ». Nous préparons donc aujourd’hui la montée en puissance du dispositif pour que ce dernier soit opérationnel en début d’année prochaine.

 

Dispose-t-on de suffisamment d’entreprises RGE pour faire face au développement des chantiers de rénovation, en particulier de rénovation globale ?

 

S.H. — Ces dernières années, les entreprises et les artisans se sont inscrits de manière massive dans les dispositifs d’aide à la rénovation au travers de MaPrimeRénov’ et des CEE, et la réforme du dispositif RGE a permis de mieux faire correspondre les qualifications des entreprises et les « gestes métiers » mis en œuvre. Dans la période qui s’ouvre, pour effectuer davantage de rénovations, nous aurons besoin de davantage d’entreprises RGE, alors que leur nombre est stable aujourd’hui, et bien réparties sur le territoire national, ce qui n’est pas encore le cas. Ce besoin va concerner en particulier, face à la montée en puissance des rénovations globales, les entreprises capables de maîtriser une grande diversité de postes de travaux et de gérer les interfaces entre les corps de métier, quitte à se regrouper entre elles si elles ne maîtrisent pas en propre ces savoir-faire. Par ailleurs, nous avons entendu la demande des organisations professionnelles concernant la simplification des procédures et des contrôles associés à la qualification RGE. La plupart des dossiers sont déjà numérisés, et des réflexions sont en cours pour mutualiser autant que possible certains contrôles, sachant qu’il est inévitable de contrôler, d’une part, la qualité de réalisation, et d’autre part, la conformité des travaux aux aides.

 

Qu’en est-il, enfin, de la lutte contre l’éco-délinquance ?

 

S.H. — Ce phénomène, qui a émergé surtout il y a quelques années avec les offres à un euro proposées par des acteurs isolés peu scrupuleux, est en train de changer de forme avec l’apparition, depuis 2022, d’organisations plus structurées, parfois basées à l’étranger, qui font de manière quasi industrielle fonctionner des réseaux de fraude. Nous avons constitué un groupe de travail interministériel pour coordonner l’action publique face à cette délinquance. Mais la lutte passe aussi par la coordination avec tous les acteurs du secteur, notamment les organismes de qualification et ceux qui font remonter des signalements de terrain. Et si l’on peut minimiser le poids des contrôles, ceux-ci seront toujours indispensables pour instaurer la confiance dont les ménages ont besoin pour s’engager dans des travaux de rénovation énergétique.

Dans la période qui s’ouvre, nous aurons besoin de davantage d’entreprises RGE, alors que leur nombre est stable aujourd’hui, et bien réparties sur le territoire national, ce qui n’est pas encore le cas.

Simon Huffeteau, coordinateur interministériel du plan de rénovation énergétique des bâtiments
© Direction Générale de l’Aménagement du Logement et de la Nature
Diplômé de l’École polytechnique et ingénieur des Ponts, Simon Huffeteau a travaillé notamment à l’Autorité de sûreté nucléaire et chez Dassault Systèmes, en France et aux États-Unis, avant d’être nommé en juin 2022 coordinateur interministériel du plan de rénovation énergétique des bâtiments. À ce titre, il veille à la mise en œuvre opérationnelle des politiques publiques dans ce domaine.

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