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RGE : simplifier sans baisser les exigences

La réforme du dispositif RGE, engagée en 2025, vise à simplifier les démarches et à recentrer la formation sur les métiers. Si l’objectif est salué, certaines pistes inquiètent la profession, notamment la création d’une voie parallèle d’accès au label. Toute simplification devra toutefois s’accompagner d’un maintien strict des critères de qualité et de compétence, socle du label RGE.
9:2802/12/2025
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 81 | Décembre 2025

Pour lutter contre le changement climatique, la rénovation énergétique des bâtiments est un enjeu de premier plan. Isoler les bâtiments, poser des fenêtres plus performantes, changer le système de chauffage, mettre en œuvre des énergies renouvelables ou, mieux encore, réaliser une rénovation globale, sont devenus des travaux stratégiques. L’État a rapidement choisi de créer des incitations financières pour les soutenir à grande échelle.

 

Parallèlement, de nombreuses entreprises se sont positionnées sur ce marché en plein essor. Certaines ont profité de la multiplication des labels de qualité existants, souvent sans coordination ni harmonisation, pour obtenir des marchés subventionnés sans toujours disposer des compétences nécessaires pour mener à bien des travaux de qualité. Dans ce contexte, les acteurs du marché ont établi un constat clair : professionnaliser la rénovation énergétique était devenu indispensable pour identifier les entreprises compétentes et responsables.

 

Il fallait aussi écarter les entreprises éco-délinquantes des dispositifs d’aides publiques car elles créaient une concurrence déloyale et détruisaient la confiance des particuliers. C’est ainsi qu’a émergé l’idée de conditionner les aides publiques à un label unique de qualité reconnu par tous, garantissant l’efficacité des travaux.

 

Le RGE, un dispositif utile mais perfectible

 

Le dispositif RGE, né en 2014, s’est appuyé sur l’expertise des organismes de qualification Qualibat, Qualifelec et Qualit’EnR. Son principe : pour que leur client bénéficie des aides publiques à la rénovation énergétique – MaPrimeRénov’, certificats d’économies d’énergie (CEE), etc. –, les entreprises doivent obtenir une qualification attestant de leur compétence dans le ou les métiers concernés.

 

Elles doivent également détenir la mention RGE (« Reconnu garant de l’environnement ») attribuée pour quatre ans. Pendant cette durée, différents contrôles documentaires et de chantier permettent le renouvellement de la qualification. Onze ans après son lancement, le bilan demeure largement positif : être RGE, c’est démontrer une expertise ciblée au service de la qualité des travaux et de la performance énergétique.

 

Le dispositif a également permis de faire progresser l’ensemble des métiers : plus de 60 000 entreprises sont désormais qualifiées. Cependant, malgré des ajustements et un renforcement des contrôles entre 2015 et 2023, certains points restent perfectibles, notamment la complexité administrative et la lutte contre la fraude. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont présenté, en avril 2025, un projet de modification de l’arrêté du 1er décembre 2015 relatif au RGE, dont plusieurs aspects sont encore en discussion.

 


 


 

© JADDINGT / SHUTTERSTOCK

Nouvelle formation FEEBAT RENO PERF (depuis le 1er octobre 2025)

 

  • 1 module transversal commun à toutes les catégories RGE (1 jour) ;

+

  • 1 module spécifique selon la catégorie RGE visée (0,5 à 2 jours) ;
  • évaluation des connaissances par QCM (30 questions, 80 % de bonnes réponses, durée 60 minutes) :

 

Le QCM spécifique est commun pour ces trois catégories RGE :

 

  • isolation par l’intérieur des murs, des rampants de toiture et des plafonds de combles ;
  • isolation des planchers de combles perdus ;
  • isolation des planchers sur local non chauffé.

 

Précision importante, les candidats au RGE peuvent se présenter aux évaluations QCM en ayant suivi ou non les formations FEEBat, et ceux qui détiennent une certification professionnelle – diplôme, titre, certificat de qualification professionnelle – n’ont pas besoin de passer par cette étape pour devenir RGE. Par ailleurs, les professionnels qui ont passé l’épreuve de connaissances transversales avec succès avant le 1er octobre 2025 n’ont pas à la repasser, sauf s’ils veulent obtenir ce signe de qualité dans une nouvelle catégorie de travaux.

Jusqu’à présent, chacun faisait son devis à sa manière, il manquait souvent des informations, ce qui pouvait bloquer le dossier. 

Thomas Page, dirigeant d’ISO & FACE, au Teich (Gironde).

Simplification administrative : une nécessité

 

De la part des entreprises, l’une des critiques récurrentes concerne la lourdeur et la complexité du dossier présenté à l’organisme certificateur. La réunion des différentes pièces administratives représente une contrainte qui freine le développement du label et doit être levée.

 

Dans ce but, la réforme instaure une dématérialisation complète : « Beaucoup a déjà été fait pour numériser l’accès à certaines données ; les organismes certificateurs pourront bientôt obtenir directement les documents exigés, tels que le chiffre d’affaires ou l’attestation d’assurance de l’entreprise », précise Thomas Page, dirigeant d’ISO & FACE, en Nouvelle-Aquitaine, et vice-président de Qualibat. Il faut, selon lui, poursuivre dans cette voie – notamment en créant une base de données des chantiers aidés pour sélectionner les contrôles de réalisation – afin de dispenser les entreprises de ces démarches qui leur prennent beaucoup de temps, sans valeur ajoutée pour leur activité.

 

Devis type et uniformisation des pratiques

 

Autre simplification attendue, la réforme envisage un devis type « rénovation aidée » sur base volontaire, afin d’uniformiser la facturation : « Jusqu’à présent, chacun faisait son devis à sa manière, il manquait souvent des informations, ce qui pouvait bloquer le dossier », ajoute le chef d’entreprise.

 

Thomas Page invite également les candidats au RGE à anticiper les photos de chantier, pour illustrer les étapes clés (avant, pendant, après) : les examinateurs doivent pouvoir vérifier le respect des règles de l’art, sous peine de rejet du dossier. Enfin, des discussions sont en cours concernant la pérennisation de l’attestation « chantier par chantier » pour permettre aux artisans non qualifiés de faire bénéficier leurs clients des aides publiques, cela leur permettrait de progresser vers la mention RGE également.

 

Une nouvelle formation FEEBat : Reno PERF

 

La réforme du RGE apporte aussi des changements en profondeur sur le volet formation du dispositif, sauf pour les métiers des énergies renouvelables (EnR). En vertu des arrêtés du 17 mars 2025, pour tous les autres métiers, depuis le 1er octobre 2025, l’ancien module de formation unique et commun FEEBat Renove (« Formation aux économies d’énergies dans le bâtiment »), d’une durée de trois jours, est remplacé par le nouveau parcours de formation Reno PERF, composé de :

 

  • un module transversal commun portant notamment sur les enjeux de la rénovation énergétique, l’état du parc, les aides financières, et le fonctionnement thermique d’un bâtiment (1 jour) ;
  • un module spécifique à chaque catégorie RGE, portant sur les règles de l’art, les produits et les principaux écarts et pathologies observés (0,5 à 2 jours au maximum pour l’offre de rénovation énergétique en bouquet de travaux).

 

Il faut rappeler que la formation n’est pas obligatoire pour devenir RGE (hors EnR) ; la preuve de la maîtrise des connaissances s’obtient par la réussite d’un QCM transversal et d’un QCM spécifique à la catégorie RGE visée par l’entreprise (voir encadré).

 

 

Loi Cazenave : des avancées contre la fraude et pour l’équité du dispositif

 

Le dispositif RGE va également bénéficier des avancées de la loi contre toutes les fraudes aux aides publiques du 30 juin 2025, dite « loi Cazenave », dont les articles 27 et 28 portent sur la rénovation énergétique des bâtiments, avec pour objectif affiché de réduire l’inflation de l’éco-délinquance qui touche particulièrement les aides publiques que sont MaPrimRenov’ et les CEE. Pour y parvenir, la loi comporte un ensemble de dispositions :

 

  • possibilité donnée à l’administration de suspendre le versement des aides pendant trois mois en cas de doutes sérieux sur un dossier de demande d’aides publiques ;
  • alourdissement des sanctions financières en cas de non-respect des règles ;
  • retrait du label RGE par les organismes de qualification pour les entreprises convaincues de pratiques frauduleuses ;
  • à compter du 1er janvier 2026, le niveau de sous-traitance sera limité à deux rangs maximum pour les chantiers bénéficiant d’aides publiques, à l’issue d’un délai jugé nécessaire pour permettre aux entreprises qui ont recours à plusieurs niveaux de sous-traitants, sans pour autant adopter de comportements frauduleux, d’adapter leur modèle ;
  • à compter du 1er janvier 2027, la loi obligera les entreprises qui facturent des travaux de rénovation énergétique – les porteurs d’offres – à acquérir un signe de qualification spécifique.

 

La FFB soutient pleinement cette clarification du statut de porteur d’offre, qui n’est pas un simple intermédiaire commercial ni une simple enseigne de distribution. Il s’agit d’une entité juridique qui propose une offre de travaux à un client, conclut avec lui un contrat de travaux, organise la réalisation des travaux (même par sous-traitance), et facture l’ensemble de l’opération. À ce titre, le porteur d’offre est redevable vis-à-vis du client, et engage sa responsabilité contractuelle, voire délictuelle en cas de défaillance.

 

La FFB se montre donc favorable à l’élaboration, à l’intention des porteurs d’affaires qui souhaitent bénéficier des aides publiques, d’une certification exigeante pour les travaux relevant d’une offre globale, et d’une certification plus allégée pour les offres monogestes/lot par lot, qui maintiendrait leur responsabilité sur les étapes clés de l’opération. La FFB demande en définitive que ces entités soient soumises au même niveau d’exigence que toute entreprise de travaux qualifiée, afin de créer une équité dans l’accès aux marchés bénéficiant des aides publiques.

Un recentrage sur le métier

 

Pour Pascal Housset, dirigeant de Realiterm, entreprise basée à Boissy-le-Châtel (Seine-et- Marne), il s’agit d’une évolution très positive : « L’ancien module de formation FEEBat Renove était trop généraliste et trop théorique, et ne correspondait pas aux attentes des entreprises, explique-t-il. Avec la nouvelle mouture, nous avons maintenant un QCM spécialisé dans la catégorie RGE, beaucoup plus intéressant parce qu’il est directement lié au métier de l’artisan. Avec le temps, la valeur du RGE avait été galvaudée du fait qu’il était devenu une simple voie de passage pour que le client ait droit aux aides financières aux travaux.

 

Le nouveau module Reno PERF remet le métier et les savoir-faire des artisans au centre du dispositif. En cela, il redore le blason du RGE. » Le nouveau QCM spécialisé dans la catégorie RGE permettra aussi une actualisation des connaissances car les règles de l’art évoluent sans cesse.

 

« Rien que dans le génie climatique, la couverture et la plomberie, nous devons prendre en compte 41 NF DTU, dont le contenu est régulièrement révisé, ajoute le chef d’entreprise. En devenant RGE, les entreprises seront donc au fait des dernières évolutions, ce qui permettra de réduire le nombre de non-conformités récurrentes que nous constatons dans les dossiers de candidature. »

 

La nouvelle formation apprend aussi aux entreprises à conseiller leurs clients sur les différentes aides financières existantes.



© ME IMAGE / ADOBE STOCK

Dispositif RGE : dates et chiffres clés

 

2014 

Lancement officiel du RGE, premier label structurant et reconnu au niveau national, associant les organismes de qualification Qualibat, Qualifelec et Qualit’EnR (arrêté du 1er décembre 2015).

2015-2023

Ajustements progressifs, renforcement des contrôles, montée en charge, mais persistance de certains défis liés à la complexité administrative et à la fraude.

2025

Projet de simplification du RGE (avril) et lancement du nouveau module de formation FEEBat Reno PERF (1er octobre 2025). Loi contre toutes les fraudes aux aides publiques dite « loi Cazenave » (30 juin), dont les articles 27 et 28 portent sur les aides à la rénovation énergétique des bâtiments. 

Nombre de titulaires du RGE : 63 008 (2024). 


Nombre de qualifications probatoires
: 8 000, impliquant 6 300 entreprises, soit 13 % des qualifications RGE.


Réformer le dispositif sans le galvauder

 

La réforme du RGE est donc la bienvenue dans un contexte où la massification de la rénovation énergétique s’accompagne d’une forte demande de simplification des démarches et de recentrage des formations sur les règles de l’art, notamment de la part des TPE et PME. Dans ce contexte, la FFB soutient toute réforme qui permettra de mieux adapter le dispositif à la diversité des acteurs, tout en renforçant la robustesse, la clarté et l’équité du système. D’autres dispositions sont toujours en réflexion afin de simplifier et de clarifier le RGE tout en maintenant l’exigence :

 

  • la réduction du nombre d’audits pour les petites entreprises ;
  • le dispositif « chantier par chantier » encadré ou une voie de validation des acquis de l’expérience (VAE) dont les contours précis restent à définir. 

 

La FFB soutient aussi le maintien de la qualification probatoire, essentielle à l’entrée sur le marché : sa suppression menacerait 8 000 qualifications provisoires. Pour relancer le RGE, il faut fluidifier les échanges de données entre organismes – Observatoire de la qualité des prestations (OQP), Pôle national des CEE (PNCEE), Agence nationale de l’habitat (ANAH) – et maintenir une doctrine claire de la sous-traitance conforme à la loi Cazenave (voir encadré). 

Le nouveau module Reno PERF remet le métier et les savoir-faire des artisans au centre du dispositif. En cela, il redore le blason du RGE.

Pascal Housset, dirigeant de Realiterm, à Boissy-le-Châtel (Seine-et-Marne).

Un projet de voie d’accès parallèle qui soulève des questions

 

Une voie d’accès parallèle au RGE, par VAE, sans formation préalable (hors EnR), sans évaluation approfondie des compétences de l’entreprise et sur la seule base de deux audits réussis, avec pour seul critère la présence dans l’entreprise d’un « profil expérimenté », et sans limitation dans le temps, soulève plusieurs questions. Une telle voie, initialement prévue pour entrer en vigueur dès le 1er janvier 2026, pourrait encourager la fraude, fragiliser la qualité des travaux, diminuer la confiance des clients et créer une concurrence déloyale entre entreprises.

 

Elle pourrait également décourager le recours à la voie classique, plus exigeante mais garantissant la qualité et le respect des objectifs recherchés. De plus, elle ne répondrait pas aux exigences de la norme NF X50-091 relative aux qualifications métier. Pour que la réforme en cours puisse donner un nouvel élan au RGE et relancer le nombre d’entreprises titulaires, elle doit renforcer son efficacité, sans compromettre les principes essentiels de clarté et d’équité.

 

Le RGE doit rester un label d’excellence : une garantie de qualité pour les particuliers, un signe de professionnalisation pour les entreprises et une assurance pour l’État quant au bon usage des aides publiques.

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