Décentralisation : les apports de la loi 3DS en matière de logement, d’aménagement et d’urbanisme

Une nouvelle loi sur la décentralisation, du 21 février 2022, dite « 3DS » pour Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification, vient d’être publiée. Sans bouleverser le cadre institutionnel existant, elle comporte des mesures en matière de logement, d’aménagement et d’urbanisme : une pérennisation de la loi SRU sur la construction de logements sociaux, la prolongation de l’encadrement des loyers en zones tendues, un contrôle renforcé du préfet sur les PLU en vue d’atteindre l’objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN) d’ici 2050, etc.
10:3822/02/2022
Rédigé par FFB Nationale

A l’issue du Grand débat national de 2019, le Président de la République avait promis une loi de décentralisation afin de répondre aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les Français. C’était l’objectif du projet de loi 3DS, porté par Jacqueline GOURAULT, ministre de la Cohésion territoriale et des relations avec les collectivités territoriales.

 

Après 9 mois de débats parlementaires, les députés et sénateurs ont réussi à se mettre d’accord sur un texte de consensus, en commission mixte paritaire et l’ont définitivement adopté début février 2022.

 

De l’aveu de la ministre, ce texte ne va pas bouleverser les institutions, il s’agit plutôt d’apporter des réponses à des blocages rencontrés par les élus locaux. Ces derniers ont majoritairement salué ce texte, en regrettant toutefois qu’il ne soit pas allé plus loin, notamment sur le champ de la décentralisation.

 

La FFB espérait, en vain, que des mesures proposées par la Commission REBSAMEN en matière de relance de la construction neuve soient intégrées dans ce texte. La FFB portera ces mesures dans le cadre des élections législatives à venir.

 

La loi 3DS1 comporte des mesures en matière de logement, d’aménagement et d’urbanisme et notamment :

 

  • une pérennisation de l’obligation créée par la loi SRU de disposer, pour les communes, d’un taux minimal de logements sociaux, dont l’échéance était fixée à 2025. Cette date butoir a été supprimée et des aménagements ont été apportés afin de laisser plus de marges de manœuvres aux maires pour atteindre le quota de 20 ou 25% de logements sociaux. Ainsi, les communes déficitaires pourront par exemple mutualiser à l’échelle intercommunale leurs objectifs de production de logements sociaux. La possibilité est également offerte de signer un contrat de mixité sociale avec le préfet, permettant d’adapter le rythme de rattrapage et d’échapper aux sanctions financières. Enfin, l'attribution de logements sociaux se fera en s'appuyant sur des conventions intercommunales qui définiront en particulier quels travailleurs clefs sont jugés prioritaires pour accéder au parc social ;

  • un prolongement de trois ans de l’expérimentation de l’encadrement des loyers en zones tendues. Il y a quelques mois, de nouvelles villes - Bordeaux, Lyon, Villeurbanne, Grenoble, Montpellier et plusieurs communes franciliennes - ont obtenu d'entrer dans le dispositif aux côtés de Paris et Lille. En outre, un délai supplémentaire, jusqu’en novembre 2022, est accordé aux autres communes pour candidater. La communauté d'agglomération du Pays basque serait notamment intéressée ;

  • un contrôle renforcé du préfet sur les objectifs fixés par les PLU en matière de sobriété foncière, en vue d’atteindre l’objectif « Zéro artificialisation nette » d’ici 2050. Ainsi, lorsque le préfet sera consulté dans le cadre de l’élaboration ou de l’évolution d’un PLU, son avis devra comprendre une prise de position formelle concernant :

- la sincérité de l’analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers figurant dans le rapport de présentation du PLU ;

- la cohérence de ce rapport avec les objectifs chiffrés du PLU en matière de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain ;

  • le report de 6 mois de l’échéance fixée pour que les schémas régionaux d’aménagement (SRADDET, SDRIF, SAR d’outre-mer et PADD de Corse) intègrent les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers imposés par la loi Climat et Résilience d’août 2021 ;

  • des retouches au régime des organismes de fonciers solidaires (OFS) et au bail réel solidaire (BRS), qui permettent de dissocier le foncier et le bâti en vue de réduire le coût d’acquisition de logements pour des ménages modestes. Ainsi, le champ d’intervention des OFS est élargi de manière à intégrer la construction ou la réhabilitation de locaux à usage commercial ou professionnel, afin de favoriser la mixité fonctionnelle. En outre, les OFS sont désormais habilités à conclure des baux à réhabilitation. Par ailleurs, le titulaire du droit de préemption urbain (le maire ou le président de l’intercommunalité), peut déléguer l’exercice de ce droit à un OFS pour la réalisation d’opérations ;

  • la possibilité de déroger aux règles du plan local d’urbanisme dans le cadre des opérations de revitalisation de territoire (ORT), en vue de favoriser les transformations de zones déjà urbanisées. Pour rappel, les ORT sont des outils contractuels visant à la reconquête des centres anciens en engageant des actions concernant l’habitat (lutte contre l’habitat indigne, lutte contre la vacance des logements…), l’aménagement (valorisation du patrimoine bâti, réhabilitation des friches urbaines…) et le commerce (lutte contre la vacance des locaux commerciaux et artisanaux …). Ces dérogations peuvent porter sur les règles de retrait par rapport aux limites séparatives, de gabarit, de densité et de stationnement ;

  • l’expérimentation pour 6 ans, dans les ORT, d’une procédure de délivrance des autorisations d’exploitation commerciale par l’autorité chargée de délivrer le permis de construire (maire ou président de l’intercommunalité), sans recours à la commission départementale de l’aménagement commercial (CDAC). L’objectif est ici de gagner du temps pour favoriser l’ouverture rapide de commerces dans les centres villes en déshérence ;

  • l’extension de la possibilité de demander un permis d’aménager multisites. Depuis la loi dite « ELAN » de novembre 2018, il est possible de réaliser des opérations d’aménagement via des permis d’aménager multisites dans les ORT. Désormais, la réalisation d’une opération d’aménagement dans le cadre d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) peut aussi donner lieu à la délivrance d’un permis d’aménager portant sur des unités foncières non contiguës, à condition que l’opération d’aménagement garantisse l’unité architecturale et paysagère des sites concernés. A noter que dans le cadre des élections législatives 2022, la FFB portera une proposition visant à élargir davantage la possibilité de recours au permis d’aménager multisites, notamment pour permettre la densification douce de quartiers anciens d’habitat individuel ;

  • la possibilité, pour l’Association Foncière logement (Groupe Action Logement), d’intervenir également dans le cadre de projets de résorption de l’habitat indigne, au-delà de sa mission dans les projets de rénovation urbaine ;

  • l’habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, des mesures pour améliorer la prise en charge des conséquences sur le bâti des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols. La FFB sera attentive à ce qu’il n’y ait pas de transfert injustifié de certains sinistres sécheresse sur le régime décennal ;

  • l’habilitation du gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois suivant la promulgation de la loi, des mesures pour réformer le droit de la publicité foncière.

 

 

1 Loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, publiée au JO du 22/02/2022

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