Produits et procédés de construction - Êtes-vous bien assuré ?

Les assureurs qui couvrent votre responsabilité décennale distinguent les travaux entrant dans le périmètre des techniques dites « courantes » des autres. En pratique, le contrat d'assurance contient une clause qui impose le respect de certains référentiels techniques pour la prise en charge du sinistre.

 

Une mise à jour de la clause proposée par la fédération France Assureurs vient de paraître, l'occasion de décrypter cette notion pour éviter des difficultés en cas de sinistre.

9:1825/09/2023
Rédigé par FFB Nationale

Pourquoi les assureurs ciblent-ils les travaux de technique courante ?

 

Tout au long de votre activité, vous êtes amené à mettre en œuvre différents types de techniques, de produits ou d’équipements. Certains appartiennent au domaine traditionnel, d’autres au domaine non traditionnel, en fonction du retour d’expérience.

 

L’assureur décennal, qui couvre votre responsabilité pendant dix ans après la réception des travaux, cherche à maîtriser les risques qui pèsent sur les ouvrages. Il peut à ce titre s’appuyer sur différents référentiels traditionnels et non traditionnels.

 

Le domaine « traditionnel »

 

Les normes et NF DTU

 

Ces documents, rédigés par des professionnels du domaine concerné, sont publiés par l’Afnor (Association française de normalisation) après enquête publique.

 

Les règles professionnelles

 

Comme les NF DTU, ces documents décrivent les bonnes pratiques de mise en œuvre de parties d’ouvrage et sont rédigés à la seule initiative des métiers du bâtiment.

 

Les recommandations professionnelles

 

Elles sont issues des grands programmes RAGE (règles de l’art Grenelle environnement), PACTE (programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique) et PROFEEL (programme pour l’innovation en faveur des économies d’énergies dans le bâtiment et le logement) initiés par la profession avec le concours des pouvoirs publics.

 

Le domaine « non traditionnel »

 

Les avis techniques (ATec)

 

Ces documents, approuvés par la Commission chargée de formuler les avis techniques (CCFAT) et dont le secrétariat est confié au CSTB (arrêté du 21 mars 2012), fournissent un avis à dire d’experts sur l’aptitude à l’emploi d’un procédé de construction innovant.

 

Le document technique d’application (DTA)

 

Il s’agit d’un avis technique spécifique, délivré aussi par la CCFAT, pour les procédés faisant l’objet d’une déclaration de performance et d’un marquage CE au titre du règlement européen sur les produits de construction (RPC) sur la base d’une évaluation technique européenne ou d’une norme européenne harmonisée.

 

L’évaluation technique européenne (ETE)

 

Elle succède aux agréments techniques européens (ATE) et vise, à partir d’un document européen d’évaluation (DEE), cité au Journal officiel de l’Union européenne, à permettre au fabricant d’établir une déclaration de performance et de marquer CE les produits conformes aux exigences du RPC.

 

L’appréciation technique d’expérimentation (ATex)

 

C’est une procédure rapide d’évaluation technique formulée par un groupe d’experts. Cette évaluation permet de premiers retours d’expérience sur la mise en œuvre de produits ou de procédés préalablement à un avis technique.

 

Les procédés et produits innovants ne bénéficient d’aucune évaluation.

 

Recommandations de France assureurs au 1er janvier 2023

France Assureurs recommande de couvrir les constructeurs :

 

  • Pour des travaux de construction répondant à une norme homologuée (NF DTU ou NF EN), à des règles professionnelles acceptées par la C2P ou à des recommandations professionnelles acceptées par la C2P.
  • Pour des procédés ou produits faisant l’objet, au jour de la passation de marché, d’une évaluation technique européenne (ETE) bénéficiant d’un document technique d’application (DTA), ou d’un avis technique (ATec), valides et non mis en observation par la C2P.
  • Pour des procédés ou produits faisant l’objet, au plus tard le jour de la réception (au sens de l’article 1792-6 du Code civil), d’une appréciation technique d’expérimentation (ATE) avec avis favorable.

 

Les règles et recommandations professionnelles acceptées par la C2P (mis en œuvre par l’Agence Qualité Construction) et les procédés ou produits mis en observation par la C2P sont listés dans la publication semestrielle de la C2P et sont consultables sur le site de l’Agence Qualité Construction (www.qualiteconstruction.com).

 

Cette rédaction constitue essentiellement un « dépoussiérage » par rapport à la version précédente. Le Pass’Innovation n’ayant plus cours, il a été supprimé.

 

Les ATEx doivent être valides au jour de la réception des travaux et non plus à la signature du marché, ce point étant de nature à simplifier la vie des entreprises.

 

Cette version est entrée en vigueur au 1er janvier 2023.

 

Pour mémoire, chaque assureur reste libre de rédiger la clause de technique courante comme il le souhaite : il n’est donc pas obligé de reproduire à l'identique la technique courante de France Assureurs. Pour avoir la certitude de la clause de technique courante appliquée à ce jour par votre assureur, il vaut mieux toujours vous référer à votre contrat. En cas de doute, demandez une confirmation par écrit de la part de votre assureur.

 

À noter : les mutuelles du bâtiment vont plus loin que cette définition. Elles couvrent, par exemple, les travaux « éprouvés de longue date » sans s’appuyer sur un référentiel spécifique.

Comment les assureurs appliquent-ils la technique courante dans leurs contrats ?

 

L’assureur insère une clause technique dans le contrat

 

C’est le contrat d’assurance qui donne la définition de la technique courante. Cette clause définit ce que l’assureur considère comme les techniques admises, dont le risque est connu grâce à un large retour d’expérience.

 

L’assureur couvre automatiquement tout ce qui entre dans le champ de la clause de technique courante.

 

Les assureurs s’appuient sur l’analyse des acteurs du secteur de la construction

 

L’Agence qualité construction (AQC) est une association qui regroupe des organisations professionnelles en lien avec le secteur de la construction (constructeurs, maîtres d’œuvre, experts, assureurs…).

 

L’AQC est chargée de prévenir les désordres dans le bâtiment et d’améliorer la qualité du bâti en France.

 

Elle dispose de plusieurs bases de données pour connaître les pathologies récurrentes dans la construction, anticiper les sinistres sériels, évaluer les potentialités de sinistres liées aux évolutions réglementaires ou des modes constructifs.

 

Au sein de l’AQC siège la Commission prévention produits (C2P), chargée, notamment, de suivre les pathologies du secteur et d’examiner certaines techniques, produits et procédés.

 

Cette analyse lui permet de mettre à disposition du public ce qu’on appelle la « liste verte » : elle recense les produits et les procédés acceptés et non mis en observation par l’AQC.

 

La C2P peut décider la mise en observation de familles de produits ou de procédés, qui sortent alors du champ de la technique courante.

 

COMMENT ÉVITER LES MAUVAISES SURPRISES EN CAS DE SINISTRE ?

 

Au moment de la souscription

 

Il est nécessaire de respecter plusieurs étapes pour vous assurer que vos travaux sont correctement couverts dans le cadre de votre activité :

  1. Identifiez vos activités de manière exhaustive ;
  2. Lisez avec attention la clause de technique courante de l’assureur sollicité ;
  3. Faites l’état des lieux des différents produits et techniques que vous employez pour vérifier si l’ensemble de votre activité entre bien dans le champ de la technique courante de l’assureur ;
  4. Si vous identifiez des travaux qui échappent à la technique courante, vous devez absolument obtenir une extension de la part de l’assureur.
  5. Analysez la proposition de l’assureur pour vérifier que l’ensemble des travaux que vous réalisez seront bien couverts par le contrat.

 

En cas de doute, contactez votre fédération.

 

Assurance obligatoire

Les travaux relevant de l’assurance obligatoire doivent nécessairement être couverts, quand bien même ils seraient de technique non courante. Face à un assureur qui aurait opposé un refus de garantir le risque, l’entreprise peut saisir un organisme qui s’appelle le Bureau central de tarification (BCT).

 

Son rôle est de faire respecter l’obligation d’assurance. Il peut donc contraindre l’assureur à garantir un procédé de technique non courante si les travaux relèvent de l’assurance décennale obligatoire. Il décidera des conditions dans lesquelles le risque pourra être couvert.

 

Voir dans Bâtiment actualité n° 19 de 2021, « Assurance décennale, vos activités sont-elles bien garanties ? »

 

En cours d’activité

 

Si vous souhaitez étendre votre activité, il convient de vérifier si cela implique le recours à des techniques non courantes.

 

Ce n’est pas parce que l’entreprise dispose de compétences techniques dans un domaine, notamment à la suite de l’obtention d’une qualification, qu’elle sera automatiquement assurée en technique courante. Cette question doit également se poser pour la réalisation d’un chantier spécifique.

 

Dans un tel contexte :

 

  • Faites le point sur les référentiels applicables à cette nouvelle activité :
  • Relisez la clause de technique courante de votre contrat pour confirmer si vous êtes toujours en technique courante ou non.
  • Si vous vous apercevez que cette nouvelle activité contient des référentiels qui sont hors technique courante, transmettez ces documents à l’assureur. Il pourra alors vous proposer de vous couvrir au moyen d’une extension de garantie.

 

Ne perdez pas de vue que les évolutions peuvent aussi provenir de l’extérieur. Les règles techniques peuvent changer ! Ainsi, la C2P peut décider la mise en observation de familles de produits ou de procédés, qui sortent alors du champ de la technique courante.

 

Il est donc utile de suivre son actualisation pour être informé en temps réel de ces évolutions et adapter son contrat le cas échéant. Les décisions de la C2P sont actualisées tous les six mois et font l’objet d’une publication semestrielle consultable en ligne sur https://qualiteconstruction.com/nos-ressources, « Publications semestrielles C2P ».

 

Exemple : une famille d’avis techniques peut être mise en observation par la C2P au moment où on utilise un procédé issu de cette famille. Pour autant, certains avis techniques de cette famille peuvent être présents sur la liste verte.

 

Concrètement, cela signifie que seule une partie des procédés est visée dans la mise en observation : seule cette dernière sort donc du champ de la technique courante. Là encore, une vigilance accrue, par la recherche des procédés sous avis technique dans la liste verte, permet d’éviter les mauvaises surprises.

 

Par ailleurs, des modifications peuvent intervenir au sein des NF DTU. Exemple : en 2020, le champ d’application du NF DTU 52.1 relatif aux « Travaux de bâtiment — Revêtements de sols scellés » a été modifié. La pose scellée désolidarisée et flottante en plancher intermédiaire dans les bâtiments collectifs a été exclue du NF DTU (bien qu’elle soit restée admise dans les autres types de bâtiments).

 

Dans la mesure où les assureurs imposent le respect des NF DTU au titre de la technique courante, les entreprises de carrelage devaient donc être attentives à cette évolution et opter pour la pose collée de carrelage qui leur permet d’être assurées en technique courante.

 

À tout moment de votre activité, en cas de doute, il est impératif de vous rapprocher en amont de l’assureur pour signaler toute évolution. Vous pourrez alors lui expliquer en détail votre situation et éventuellement lui fournir les éléments techniques que vous employez pour réaliser votre prestation. Il pourra alors vous fournir une extension de garantie.

Ne faites jamais l’impasse sur ce réflexe de communication avec l’assureur, au risque de devoir supporter seul tout ou partie des conséquences financières en cas de sinistre.

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