Difficultés des entreprises • Covid-19 : Aménagement des procédures devant les tribunaux de commerce

Face au risque de multiplication des défaillances d’entreprises liées à la crise du Covid-19, une deuxième ordonnance ¹, prise le 20 mai, met en place de nouvelles mesures temporaires (jusqu’au 31 décembre) pour tenter d’éviter les liquidations : anticipation, renforcement et accélération des procédures, allongement des délais de paiement, privilège supplémentaire accordé aux nouveaux soutiens financiers, etc. Tour d’horizon.
11:0024/06/2020
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 7 | Juin 2020

Renforcement de l’alerte

Un commissaire aux comptes (CAC), désigné dans une société, dispose d’un droit d’alerte lorsqu’il constate l’existence de difficultés financières dans un contexte dégradé de l’entreprise. Il doit respecter une procédure en plusieurs étapes, auprès du dirigeant, et constater le défaut de réponse ou l’inefficacité apparente des mesures prises avant de réitérer ses demandes et d’informer le président du tribunal de commerce.

 

L’ordonnance du 20 mai accorde aux CAC la possibilité d’informer le président du tribunal de commerce dès sa première demande de justification auprès du dirigeant, qui resterait silencieux ou déciderait des mesures très insuffisantes, malgré l’urgence de la situation.

Le CAC est délié de son secret professionnel vis-à-vis du président du tribunal.



Procédure de conciliation plus efficace

La nature de la procédure de conciliation, essentiellement amiable et contractuelle, est temporairement affectée par les nouvelles dispositions.

Elle pourra, éventuellement, revêtir un aspect judiciaire : lorsqu’un créancier, appelé à la conciliation, n’accepte pas la suspension de l’exigibilité de sa dette demandée par le conciliateur, le débiteur peut, et cela est nouveau, saisir le président du tribunal d’une requête tendant à :

  • interrompre ou interdire toute action judiciaire en paiement ou en résolution de contrat de la part de ce créancier ;
  • arrêter ou interdire toute procédure d’exécution de la part de ce créancier ;
  • obtenir le report ou l’échelonnement des sommes dues.

Les observations du conciliateur sont jointes à la requête, de façon à renforcer le bien-fondé des demandes et la viabilité de la situation du débiteur.

Ces mesures sont valables pendant toute la durée de la conciliation.

À noter : s’il s’agit de donner une « bouffée d’oxygène » temporaire au débiteur, cela aboutit aussi à faire pression sur les créanciers qui refusent d’accorder des délais, puisqu’ils risquent de subir une procédure pour les y obliger. Le risque est de créer un effet domino sur les différents acteurs économiques, qui vont pâtir eux-mêmes des délais de paiement décidés par le juge.

Par ailleurs, le débiteur peut demander des délais de paiement au juge qui a ouvert la procédure de conciliation, avant même d’être mis en demeure ou poursuivi par un créancier qui n’a pas accepté la demande du conciliateur de suspendre l’exigibilité de sa dette, ce qui anticipe et accélère le processus d’obtention de délais en faveur du débiteur.

 

Extension de la procédure de sauvegarde accélérée

Cette procédure permet, en conciliation, de faire accepter un plan de sauvegarde dans des délais accélérés.

Elle est réservée en principe aux entreprises ayant plus de 20 salariés, réalisant un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 3 millions d’euros et ayant un bilan d’au moins 1,5 million d’euros.

Ces seuils sont temporairement abandonnés, ce qui permet le recours à la procédure de sauvegarde accélérée par toutes les entreprises.

 

Réduction de certains délais

Les créanciers qui ont déclaré leurs créances disposent en général de 30 jours pour répondre aux demandes de délais ou de remises formulées par l’administrateur judiciaire. Ce délai de réponse est réduit à 15 jours jusqu’à la fin de l’année.

À l’occasion de son engagement à apurer son passif, le débiteur doit fournir une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes pour rassurer les créanciers.

 

Prolongation de la durée des plans

Sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, le tribunal peut prolonger la durée du plan arrêté, de deux ans maximum.

Les délais de paiement sont alors adaptés à la nouvelle durée.

En cas de modifications substantielles du plan de sauvegarde ou de redressement, la durée maximale de ces plans peut aller jusqu’à 12 ans.

De même, en cas de demande de modifications substantielles du plan, le défaut de réponse des créanciers intéressés, à la lettre recommandée du greffier, pour donner leur avis sur le sort de leur créance, vaut acceptation, sauf s’il s’agit de remises pures et simples de dettes ou de conversions en titres donnant accès au capital du débiteur.

Un nouveau privilège d’apport de trésorerie est créé. Ainsi, « les personnes qui consentent un nouvel apport de trésorerie au débiteur pendant la période d’observation, en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise, et sa pérennité, et celles qui s’engagent, pour l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire arrêté ou modifié par le tribunal à effectuer un tel apport, bénéficient d’un privilège de sauvegarde ou de redressement dans la limite de leur apport ».

Les apports consentis pendant la période d’observation sont autorisés par le juge-commissaire dont la décision est mentionnée sur le registre dressé à cet effet, avec l’identité des auteurs et les montants des apports.

Le jugement qui arrête ou modifie le plan mentionne chaque nouveau privilège et précise les montants garantis.

Les nouveaux apporteurs sont payés après les créances salariales, et avant toutes les autres, et ne peuvent subir de remises ou de délais de paiement sans leur acceptation expresse.

 

Extension de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée

Cette procédure peut exceptionnellement être appliquée à tous les entrepreneurs personnes physiques n’ayant pas de patrimoine immobilier et ayant pu avoir plus de cinq salariés pendant les six derniers mois (au lieu d’un seul auparavant). Si le tribunal refuse le bénéfice de cette procédure à ceux qui ont eu plus d’un salarié, il doit motiver ce refus.

Pour bénéficier du rétablissement professionnel, la valeur de l’actif peut atteindre 15 000 €, et non plus 5 000 €.

 

Réduction de la durée de la publicité des jugements

Sont radiées des jugements les mentions relatives aux plans de sauvegarde et de redressement à l’expiration d’un délai d’un an, et non plus de deux ans.

 

Application dans le temps

La plupart de ces mesures dérogatoires sont applicables jusqu’au 31 décembre.

Elles sont toutes applicables aux procédures en cours, sauf en ce qui concerne l’extension de la procédure de sauvegarde accélérée, le nouveau privilège de la conciliation (appelé aussi privilège de new money), l’extension de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ainsi que la réduction du délai de radiation des mentions au greffe du RCS.

Certaines mesures spécifiques sont applicables jusqu’à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance « solvabilité », prévue par la loi PACTE, et, au maximum jusqu’au 17 juillet 2021. Il s’agit des mesures portant sur la procédure de sauvegarde accélérée, le privilège de la conciliation ou la liquidation judiciaire simplifiée.

 

Adaptation de l’ordonnance du 27 mars

Jusqu’au 23 août prochain, l’état de cessation des paiements est apprécié en fonction de la situation du débiteur au 12 mars.

La durée des procédures de conciliation est prolongée de plein droit de cinq mois (donc quatre ou cinq mois, plus cinq mois de prorogation maximum), les plans de sauvegarde et de redressement peuvent également être prolongés de cinq mois, cumulables avec la nouvelle prolongation possible de deux ans, prévue par l’ordonnance du 20 mai.

  1. Ordonnance 2020-596 du 20 mai ; J.O. du 21 mai.
    Une ordonnance du 27 mars avait pris des mesures d’urgence notamment pour que l’état de cessation des paiements soit apprécié au regard de la situation financière réelle des entreprises au 12 mars.

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