Diriger son entreprise, un sacerdoce ? C’est en tout cas ce que semble affirmer le professeur Olivier Torrès, de l’université de Montpellier et fondateur d’Amarok, le premier observatoire de la santé des chefs d’entreprise (lire son interview en page suivante). Car, entre les carnets de commandes à remplir, les chantiers à livrer dans les temps, les conflits internes à gérer, les investissements à envisager, la trésorerie à maintenir à flot… le « patron » ne connaît guère de frontière entre vie professionnelle et vie personnelle : la bonne marche de l’entreprise est une préoccupation de chaque instant, avec ce que cela charrie de stress, de surcharge de travail, de nuits perturbées.
Résultat : « Les dirigeants disent “Je n’ai pas le temps”, voire “pas le droit d’être malade” », observe ce spécialiste, qui voit là « un déni plus qu’un tabou ». S’arrêter, ils n’y pensent même pas.
Sonder la santé de ceux qui font tourner le pays
Longtemps, la question de la santé mentale des dirigeants est restée sous les radars. Depuis quelques années, avec la création du dispositif Amarok, cette question est non seulement évaluée, mais aussi prise en compte.
« La société a enfin compris qu’il fallait se préoccuper de la santé mentale de ceux qui font tourner le pays », résume Olivier Torrès, en se félicitant de la « fin d’un tabou », d’un sujet désormais « institué ». À l’origine, la démarche de ce chercheur était scientifique : « La crise de 2008 a déclenché le besoin d’établir des données spécifiques sur la santé des chefs d’entreprise, qui n’existaient pas. Nous en avions de manière détaillée pour celle des salariés, mais côté dirigeants, les statistiques étaient mal dégrossies, englobant pêle-mêle commerçants, artisans, professions libérales et chefs d’entreprise. Or, le quotidien d’un artisan plombier, par exemple, est très éloigné de celui d’un avocat international. »
Outil de diagnostic et possibilité de suivi psy
Ainsi est né, en 2009, Amarok. D’abord destiné à interroger les patrons pour sonder leur état de santé, le dispositif a depuis évolué. Il comprend un outil de diagnostic gratuit, Amarok e-santé, assorti, dans le cas du dépassement d’un seuil d’alerte, d’un déclenchement d’alerte qui propose un suivi psychologique. À ce jour, en deux ans d’existence, Amarok e-santé a permis la prise en charge par une équipe de psychologues de 87 entrepreneurs du bâtiment en risque d’épuisement sévère.