Contentieux de l'urbanisme : du positif avec la loi ELAN

La loi ELAN comporte des mesures pour améliorer le traitement du contentieux de l'urbanisme, et notamment pour raccourcir les délais de jugement et lutter contre les recours abusifs. Cela répond à une attente forte des constructeurs et promoteurs. La FFB se félicite de ces mesures ambitieuses.
11:0027/03/2019
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 5 | Mars 2019

En complément du décret de juillet 2018 1 visant à accélérer le traitement des recours contre les permis, la loi ELAN 2 prévoit de nouvelles mesures pour sécuriser les bénéficiaires de permis.

 

Une grande partie d'entre elles avaient été proposées par un groupe de travail, présidé par la conseillère d'État Christine Maugüé, auquel la FFB a fortement contribué.

 

Ces mesures peuvent être classées sous trois thèmes :

  • accélération du traitement des recours contre les permis?;

  • lutte contre les recours abusifs?;

  • sécurisation des permis délivrés.

 

Elles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019.

 

La loi ELAN précise que ces mesures sont applicables aux permis de construire valant autorisation au titre d'une autre législation (permis valant autorisation d'exploitation commerciale, permis valant autorisation de travaux en secteur de protection du patrimoine...).

 

Accélération du traitement des recours

Le décret de 2018 précité, applicable aux recours engagés depuis le 1er octobre 2018, avait déjà mis en place les mesures suivantes 3 :

  • limitation à 10 mois du délai de jugement des recours contre certains permis?;

  • prolongation jusqu'au 31 décembre 2022 de la suppression de l'appel en zone tendue?;

  • fixation automatique d'une date limite à partir de laquelle les parties à un recours ne peuvent plus déposer de nouveaux arguments juridiques (dite « cristallisation des moyens »)?;

  • obligation pour le requérant de confirmer son recours, en cas de rejet d'une demande en urgence de suspension du permis (dite « référé suspension »).

La loi ELAN ajoute à cela un encadrement dans le temps du référé suspension.

 

Désormais, une demande de suspension du permis ne pourra plus être engagée passé un délai de deux mois suivant la remise par le bénéficiaire du permis de son premier mémoire en défense.

 

Ainsi, le bénéficiaire du permis aura rapidement une première analyse judiciaire de la légalité de son permis. Si cette analyse lui est favorable, il pourra envisager un démarrage des travaux malgré le recours, sans risque d'une suspension tardive.

POUR MÉMOIRE

Un permis faisant l'objet d'un recours en annulation n'est pas pour autant suspendu. Il est donc possible de commencer les travaux malgré un recours (même si ce n'est pas conseillé). Toutefois, le requérant peut à tout moment demander la suspension du permis au « juge de l'urgence » (le juge des référés), en engageant un référé suspension.

Ce juge ne va pas décider si le permis est légal ou non, il va uniquement regarder s'il y a un doute sérieux sur la légalité du permis et s'il y a urgence à le suspendre.

 

Lutte contre les recours abusifs

La loi ELAN a renforcé les dispositifs existants de lutte contre les recours abusifs :

  • obligation pour les associations d'avoir déposé leurs statuts en préfecture au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande de permis pour pouvoir engager un recours.

    L'objectif est d'éviter la création d'associations uniquement pour faire obstacle à un projet.

    La date d'affichage en mairie de la demande de permis est désormais indiquée sur l'arrêté de permis?;

  • interdiction des transactions financières avec les associations en échange d'un retrait de recours ou pour éviter un recours, sauf lorsqu'elles agissent pour la défense de leurs intérêts matériels propres?;

  • obligation pour une personne qui s'engage à ne pas introduire un recours en contrepartie d'une somme d'argent ou d'un avantage en nature de déclarer la transaction à l'administration fiscale.

     

    Cette déclaration doit être faite dans un délai d'un mois à compter de la conclusion de la transaction. À défaut, celle-ci est nulle et une action en remboursement des sommes versées est possible pendant cinq ans à compter de leur versement. Initialement, seules les transactions ayant pour objet de retirer un recours devaient être déclarées?;

  • simplification des conditions pour faire condamner par le juge administratif un requérant attaquant abusivement un permis au paiement de dommages et intérêts. Le bénéficiaire du permis doit désormais prouver le comportement abusif du requérant et le préjudice subi du fait du recours (il n'est plus nécessaire de prouver que ce préjudice est excessif)?;

  • impossibilité pour les requérants de motiver leur intérêt à agir contre un permis par les nuisances engendrées pendant le chantier. Pour justifier d'un intérêt à agir, le requérant doit prouver que la construction ou l'aménagement autorisé(e) est de nature à affecter directement les conditions d'occupation ou d'utilisation de son bien. Il doit joindre à son recours un acte prouvant l'occupation ou la détention régulière de son bien (titre de propriété, promesse de vente, bail, contrat préliminaire de VEFA...).

La volonté du législateur est de borner les procédures dans le temps et d’empêcher le dépôt de recours abusifs, pour permettre la réalisation des constructions.

 

Sécurisation des permis délivrés

Le décret de juillet 2018 a déjà prévu des mesures pour sécuriser les permis délivrés et les constructions achevées, et notamment :

  • la possibilité d'obtenir une attestation de non-recours auprès du greffe du tribunal, ce qui permet d'obtenir le déblocage rapide des ventes par les notaires et des fonds par les banques?;

  • la réduction du délai de recours en cas de non-affichage du permis à six mois après l'achèvement de la construction (au lieu d'un an auparavant).

 

La loi ELAN va plus loin en :

  • renforçant les outils de régularisation des permis en cours d'instance en les rendant obligatoires lorsque le juge constate qu'une régularisation est possible. Cela concerne notamment le sursis à statuer, grâce auquel le juge peut reporter sa décision à une date ultérieure pour permettre au bénéficiaire d'obtenir un permis modificatif de régularisation. Désormais, cette régularisation peut avoir lieu après l'achèvement de la construction et le permis de régularisation ne peut être attaqué par le requérant initial que dans le cadre de l'instance en cours, pour éviter les recours en cascade?;

  • limitant les effets de l'annulation d'un plan local d'urbanisme (PLU) sur les permis délivrés. Cette annulation n'a désormais aucune incidence sur les permis délivrés dès lors qu'elle repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. De même, l'annulation d'un PLU ne remet plus en cause la stabilisation pendant cinq ans, à compter du permis d'aménager, des règles d'urbanisme applicables en lotissement?;

  • supprimant tout risque d'infraction pénale en cas de construction conforme à un permis, mais non conforme aux règles d'urbanisme applicables au jour où les travaux sont exécutés.

 

Un bémol à cette sécurisation : la loi ELAN facilite les démolitions de constructions devenues illégales à la suite de l'annulation d'un permis. Initialement, une telle construction ne pouvait être condamnée à la démolition que si elle était située en zone protégée (site Natura 2000, bande du littoral, site inscrit, abord des monuments historiques...). Désormais, si c'est le préfet qui a engagé le recours contre le permis, il peut, après son annulation, engager une action en démolition, peu importe la zone où est située la construction.

La lutte contre les recours abusifs se traduit de différentes manières : un meilleur encadrement de l’intérêt à agir et une judiciarisation plus forte contre les requérants excessifs.

 

Dispositif exceptionnel pour les J.O. 2024

Depuis le 1er janvier, la cour administrative d'appel de Paris est directement compétente pour traiter les litiges relatifs aux opérations d'aménagement et d'urbanisme en lien avec les J.O. 2024.Cela vise également les litiges sur les documents d'urbanisme et d'aménagement qui conditionnent la réalisation de ces opérations.

L'objectif est d'unifier et d'accélérer le traitement des éventuels recours.

Pour les recours engagés avant cette date, les tribunaux administratifs saisis statuent en premier et dernier ressort, c'est-à-dire que le requérant ne pourra pas faire appel de leur décision. À noter qu'un pourvoi devant le Conseil d'État reste toujours possible.

1

Décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018, J.O. du 18 juillet 2018.

2

Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, J.O. du 24 novembre 2018.

3

Cf. Bâtiment actualité n° 14 du 5 septembre 2018.

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