Recours contre les permis de construire : le Conseil d’État œuvre pour sécuriser les projets

Le Conseil d’État a rendu, ces dernières semaines, plusieurs décisions en faveur d’une plus grande protection des permis de construire délivrés et faisant l’objet d’un recours de voisins ou d’associations.
11:0018/11/2020
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 15 | Novembre 2020

loi elan urbanisme permis de construireEn 2018, la loi ELAN 1 a mis en place des mesures pour sécuriser la délivrance de permis de construire.

Une grande partie d’entre elles avaient été proposées par un groupe de travail 2, auquel la FFB avait fortement contribué.

 

Par deux avis rendus le 2 octobre dernier 3, le Conseil d’État a pris position en faveur de la protection des permis de construire délivrés et attaqués, d’une part en élargissant les cas où une régularisation des permis attaqués est possible en cours d’instance ; d’autre part en limitant l’impact de l’annulation d’un plan local d’urbanisme (PLU) sur les permis délivrés sur son fondement.

Enfin, dans un arrêt récent 4, le Conseil d’État a confirmé la validité de l’affichage d’un permis sur un terrain, malgré l’absence de l’indication de l’adresse de la mairie.

La possibilité de régulariser un permis attaqué, en cours d’instance, est élargie

La loi ELAN a facilité la régularisation en cours d’instance des permis attaqués, en imposant au juge de l’accorder si les règles d’urbanisme ne s’y opposent pas. Dans ce cas, le juge doit reporter sa décision le temps que soit obtenu un permis modificatif de régularisation (on parle alors d’un sursis à statuer) 5.

Un tel permis peut désormais être délivré même lorsque la construction est achevée.

De plus, pour éviter la multiplication des recours, il ne peut être attaqué, par le voisin (qui avait engagé un recours), que dans le cadre de l’instance en cours contre le permis initial.

 

Le Conseil d’État va plus loin en permettant l’octroi d’un permis modificatif de régularisation même si cela implique de revoir l’économie générale du projet.

C’est une nouveauté, car en principe une telle modification requiert le dépôt d’une nouvelle demande de permis et non une simple demande de permis modificatif.

 

Le Conseil d’État fixe toutefois une limite : pour qu’une régularisation soit possible par un permis modificatif, il ne faut pas que cela implique d’apporter un bouleversement qui changerait la nature même du projet.

La régularisation ne doit donc pas concerner un projet complètement nouveau, sans aucun rapport avec le projet initial.

Il est ainsi possible, pour régulariser un permis attaqué par un permis modificatif, de supprimer un étage d’un projet d’immeuble collectif ou de modifier son implantation.

En revanche, Il n’est pas possible qu’un projet initial de trois immeubles collectifs devienne une maison individuelle, ou qu’un projet initialement prévu sur un terrain soit finalement réalisé dans une zone différente.

 

Les juges devront désormais fixer la frontière exacte entre une révision de l’économie générale du projet (possible par un permis modificatif) et une évolution qui entraîne un bouleversement tel qu’il changerait la nature du projet (impliquant le dépôt d’une nouvelle demande de permis).

Les cas où l’annulation d’un PLU n’a pas d’impact sur les permis délivrés sur son fondement sont encadrés

Depuis la loi ELAN, l’annulation d’un PLU n’a plus d’effet sur les permis délivrés sur son fondement, dès lors que cette annulation est due à un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables à ces permis 6.

Ainsi, si un permis est attaqué au motif que le PLU a été annulé, le juge doit d’abord vérifier si l’un des motifs d’illégalité du PLU est en rapport direct avec les règles applicables au permis attaqué.

Dans son avis du 2 octobre dernier, le Conseil d’État fait la distinction entre :

  • les vices de forme (une consultation oubliée lors de l’élaboration du PLU, par exemple) ;
  • et les vices de fond (une zone rendue constructible en contradiction avec un document supérieur, par exemple).

Si l’annulation du PLU est due à un vice de forme, le Conseil estime qu’en principe cela n’a pas de rapport direct avec le permis, sauf si ce vice a pu avoir une incidence sur les règles d’urbanisme applicables au projet. C’est le cas, par exemple, lorsque l’évaluation environnementale a été mal faite et qu’elle a permis de rendre constructible le terrain d’emprise du permis attaqué.

Le Conseil limite ainsi la portée des vices de forme d’un PLU sur les permis délivrés.

 

Lorsque l’annulation du PLU est due à un vice de fond, le Conseil retient qu’elle ne peut avoir un impact sur un permis délivré que si les règles illégales sont applicables au projet.

 

Le Conseil rappelle qu’en cas d’annulation d’un PLU, le document d’urbanisme immédiatement antérieur redevient applicable 7.

Si le vice affectant le PLU est en lien direct avec le permis attaqué, il faut donc regarder si ce permis est légal au vu du document antérieur redevenu applicable. Si c’est le cas, le permis ne sera pas annulé.

L’affichage est valable, bien que l’adresse de la mairie n’y figure pas

Le Code de l’urbanisme fixe la liste des mentions à faire figurer sur le panneau d’affichage d’un permis de construire 8.

 

En principe, si une mention est manquante, l’affichage est incomplet et ne fait donc pas courir le délai de recours des tiers, qui est de deux mois à compter du premier jour d’affichage du permis sur le terrain.

 

La position des juges a toutefois évolué et, en pratique, seule l’absence d’informations substantielles relatives à l’importance et à la consistance du projet entraîne l’irrégularité de l’affichage et donc le non-déclenchement du délai de recours des tiers.

 

Dans un arrêt du 16 octobre 2020, le Conseil d’État confirme que l’omission, sur le panneau d’affichage du permis, de l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté n’affecte pas la régularité de cet affichage. La seule mention de la mairie renseigne suffisamment les tiers sur l’administration à laquelle il convient de s’adresser pour consulter le dossier.

Pour éviter tout litige, il est toutefois fortement conseillé de faire figurer sur le panneau toutes les mentions obligatoires.

À l’heure où le nombre annuel des permis de construire délivrés est en chute libre, du fait de la crise sanitaire et de l’attentisme traditionnel en période d’élections municipales, la FFB salue ces prises de position sécurisant les projets de construction.

 

1 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, J.O. du 24 novembre.
2 Présidé par la conseillère d’État Christine Maugüe.
3 Avis du Conseil d’État n° 438318 et n° 436934 du 2 octobre.
4 Arrêt du Conseil d’État n° 429357 du 16 octobre.
5 Article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.
6 Article L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme.
7 Article L. 600-12 Code de l’urbanisme.
8 Articles A. 424-15 et suivants du Code de l’urbanisme. Cf. Bâtiment actualité n° 18 du 30 octobre 2019.

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