Lutte contre l’artificialisation des sols : ne pas opposer sobriété foncière et construction !

La sobriété foncière n’est pas un sujet nouveau et concerne des enjeux multiples : préservation de la biodiversité, des ressources agricoles et naturelles, renouvellement urbain, traitement des friches, formes du bâti… Aujourd’hui, le gouvernement a pour objectif « zéro artificialisation nette » des sols (ZAN) d’ici à 2050. Mais face à la complexité du sujet, aux besoins en logements et à la diversité des territoires, sa mise en œuvre doit trouver de la souplesse. Explications.
11:0018/11/2020
Rédigé par FFB Nationale
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Batiment Actualité Numéro 15 | Novembre 2020

Dans son rapport adopté en juin dernier, la Convention citoyenne pour le climat a mis en lumière trois thèmes pour le logement : la rénovation des bâtiments, la consommation d’énergie et l’artificialisation des sols. Sur ce troisième point, l’objectif est de « lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain en rendant attractive la vie dans les villes et les villages ».

 

Parmi les propositions, on peut lire : « sensibiliser à l’importance et l’intérêt de la ville plus compacte, et construire une nouvelle culture de l’habitat collectif ».

La question se pose alors : comment concilier les attentes des habitants qui veulent plus d’espaces extérieurs dans leur logement (comme ils l’ont exprimé lors de la crise sanitaire) et les impératifs de densification liés à la transition écologique ?

Si la nécessaire définition d’un chemin vers cette transition fait consensus, les moyens pour y parvenir ne sont pas aussi évidents.

La maison individuelle semble un coupable facile et la densité tout comme le « zéro artificialisation nette » paraissent des remèdes faussement simples.

Pour éviter certaines confusions, quelques éclairages doivent être apportés.

La faute de la maison individuelle ?

La maison individuelle renvoie à un idéal, ce n’est pas nouveau. Mais les attaques récurrentes contre ce type d’habitat, consommateur de sol naturel, s’opposent aux souhaits que les Français expriment depuis longtemps.

Est-ce toutefois un véritable sujet, sachant que le parc de logements n’est composé que d’un peu plus de la moitié de maisons individuelles et que cette proportion est passée de 54 à 56,6 % entre 1984 et 2013, en France métropolitaine ?

Ne serait-il pas plus approprié, comme l’indique Éric Charmes 1, d’insister plutôt sur les modalités de l’artificialisation et sur la forme prise par les extensions urbaines et périurbaines, car les métropoles s’étendent par émiettement ?

Il est indispensable de comprendre les dynamiques à l’œuvre, de se concentrer sur les réalités du lien emploi-logement, et plus largement sur les mobilités, plutôt que de chercher un bouc émissaire comme la maison individuelle.

La densité, un réel sujet ?

Parmi les solutions proposées pour limiter les consommations d’espace et bloquer l’expansion en surface occupée des métropoles, le mot densité revient régulièrement. Mais cette notion, qui renvoie souvent à un ressenti ou un vécu, est appréhendée par chacun de manière subjective.

La question ne concerne pas tant le nombre d’habitants à l’hectare que celle des souhaits exprimés par les ménages ou des choix urbains opérés par les acteurs de la construction, des collectivités qui définissent les plans locaux d’urbanisme aux promoteurs et constructeurs qui réalisent les programmes.

Il ne faut pas confondre la densité avec la notion de qualité des logements ou de suroccupation.

Des raccourcis sont parfois faits en ce sens, en particulier dans les territoires déjà fortement bâtis, où les prix sont élevés et les surfaces des logements plus petites.

La crise sanitaire va-t-elle conduire à un afflux des habitants des logements collectifs de centre-ville vers des maisons en zone périurbaine ?

On peut en douter, étant donné la réalité de la répartition des emplois et la situation financière des ménages.

Toutefois, si cet afflux devait se confirmer, il pourrait se traduire, dans certains endroits, par une hausse des prix qui conduirait elle-même à exclure plus encore les ménages modestes de ces secteurs et à les pousser dans les zones détendues où le foncier est moins cher.

Vers une adaptation de l’objectif de « zéro artificialisation nette » ?

Le premier problème concernant le zéro artificialisation nette (ZAN) est la définition même de l’artificialisation. À ce jour, il n’y a pas de mesure quantitative faisant référence. Cette définition devra donc être arrêtée rapidement afin d’éviter toutes les confusions lues ici ou là.

La deuxième difficulté est que cet objectif national ne doit pas faire fi de la diversité des situations locales : l’approche ne peut être identique dans les Hauts-de- Seine et dans le Cantal.

 

Les débats intenses sur la sobriété foncière, expression plus apaisée que « lutte contre l’artificialisation des sols », ont ouvert la porte à de nombreuses réflexions : comment imaginer les logements de demain, mieux utiliser les terres, protéger les espaces naturels ? Quelles seront les formes urbaines ? Quel sera le développement de la périurbanisation ? Certains experts invitent cependant à raison garder et à ne pas imaginer une révolution.

Par ailleurs, comment fait-on pour agir sur des villes déjà construites, quand on sait que, chaque année, le volume de logements neufs ou apparentés ne correspond qu’à 1 % du parc existant (en moyenne, 360 000 logements pour un parc total de 35 millions d’unités) et que les besoins en matière de logements abordables restent forts ?

 

On le voit bien, appréhender un sujet sans en étudier tous les contours risque de conduire à des conclusions hâtives et in fine de ne déboucher que sur des propositions incantatoires. Par ailleurs, considérer que les comportements et les choix dans le domaine du logement vont changer du tout au tout apparaît un peu court.

Les questions liées à l’aménagement ne peuvent s’examiner indépendamment des réalités locales, ni de l’utilité de la production de logements ou de tout autre bâtiment.

 

Le débat continuera, n’en doutons pas, à être largement alimenté dans les prochains mois, dans le cadre des échanges relatifs au projet de loi « 3D » (décentralisation, différenciation et déconcentration) et à celui qui sera issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat.

Rien ne serait pire que de bloquer des projets en appliquant partout le même outil mal calibré.

Comment concilier les attentes des habitants qui veulent plus d’espaces extérieurs pour leur logement et les impératifs de densification liés à la transition écologique ?

Demandes de la FFB

Parler de la même chose

Aucune définition de l’artificialisation n’a encore été fixée, or il s’agit là d’un préalable nécessaire. Il faut une définition juridique et technique claire, objective et partagée par tous les acteurs.

La FFB milite pour que l’artificialisation ne soit pas regardée uniquement sous l’angle de la consommation foncière, sans faire la distinction entre les surfaces imperméabilisées et celles sur lesquelles les porteurs de projets font de la valorisation du foncier (parcs, jardins, permagriculture, terrasses végétalisées…).

Avoir un système de mesure précis et commun

Selon la méthode retenue, la mesure de la surface artificialisée du territoire métropolitain diffère considérablement : par exemple, 5,6 % selon Corine Land Cover 2012, outil européen de mesure par télédétection, et 9,3 % selon Teruti-Lucas 2014, outil de mesure français fondé sur des enquêtes statistiques.

Aujourd’hui, il n’y a pas de mesure quantitative faisant référence pour l’ensemble des acteurs.

Prendre en compte toutes les dimensions en présence

Les causes et les conséquences de l’artificialisation des sols doivent être appréhendées en tenant compte :

  • du degré d’imperméabilisation et de perturbation subi par les sols ;
  • de leur position dans la trame et l’armature urbaines ou dans les paysages ruraux ;
  • du type d’activité qui s’y déploie.

Il faut aussi s’interroger sur la réversibilité des sols artificialisés et sur l’analyse coûts-bénéfices, notamment sociétaux et économiques, de l’urbanisation.

Marier bâtiment et préservation de la biodiversité est possible

Certes, le bâtiment constitue l’un des facteurs d’artificialisation, cependant de nombreux exemples montrent la capacité du secteur à faire différemment. Beaucoup d’acteurs ont pris conscience des enjeux de transition écologique et, aussi bien sur les chantiers que dans les usages, la préservation de la biodiversité est devenue une clé des projets : une ITE conçue pour abriter les chauves-souris, des coffres de volets roulants devenus nichoirs, des trames vertes dans les zones d’aménagement, une géolocalisation des arbres pour optimiser les constructions et les réseaux n’en sont que quelques exemples.

Être au plus proche des besoins des territoires

Un objectif national ne peut faire fi de la diversité des situations locales.

Le poids manifeste des métropoles et la concentration des emplois à l’œuvre sur ces territoires depuis une vingtaine d’années resteront vraisemblablement des invariants.

Il serait dangereux de nier ce phénomène dans une politique d’aménagement du territoire visant à faciliter les mobilités domicile-travail.

Seule une politique territorialisée permettra de répondre de manière adaptée aux besoins en matière de logement abordable, de lutter contre la fracture territoriale et sociale, d’autant que métropolisation et pauvreté se déclinent ensemble.

Pour aller plus loin

Lire l’article « La lutte contre l’artificialisation des sols s’oppose-t-elle à la construction ? », consultable sur www.politiquedulogement.com .

1

Cf. « L’artificialisation est-elle vraiment un problème quantitatif ? », article publié dans le numéro 162 d’Études foncières, mars-avril 2013.

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