Permis de construire : quels sont les risques de recours ?

Tout projet d’aménagement, de construction ou de travaux nécessitant l’obtention d’un permis de construire peut faire l’objet de recours des voisins, d’associations, voire du préfet. Pour évaluer les risques pesant sur vos projets, faisons un tour d’horizon des règles qui encadrent ces recours et déterminent leur recevabilité.
9:4020/04/2022
Rédigé par FFB Nationale
revue
Retrouvez ce dossier dans notre revue Batiment Actualité
Batiment Actualité Numéro 7 | Avril 2022

Quels recours possibles ?

 

Lorsqu’un permis de construire est obtenu par un pétitionnaire, trois types de recours peuvent être formés contre lui : le recours gracieux, le recours contentieux ou le déféré préfectoral.

 

Le recours gracieux

Il prend la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception transmise à l’autorité qui a délivré le permis (souvent le maire) lui demandant de procéder à son retrait. Cette lettre doit être envoyée dans un délai de deux mois suivant la date de délivrance du permis 1.

Si le maire ne répond pas favorablement sous deux mois, le recours est réputé rejeté.

Si le maire décide de retirer le permis, il doit d’abord notifier son intention au titulaire du permis et lui laisser 15 jours pour défendre son permis. Le maire dispose alors de trois mois à compter de la délivrance du permis pour le retirer.

 

Le recours contentieux

C’est un recours auprès du tribunal administratif, qui peut être exercé dans les deux mois suivant l’affichage continu et régulier du permis sur le terrain 2.

Si l’affichage est irrégulier (par exemple, défaut d’une mention obligatoire sur le panneau d’affichage), ce délai ne commence pas à courir et le permis peut être contesté jusqu’à six mois après l’achèvement de la construction 3.

 

Le déféré préfectoral

Il s’agit, comme ci-dessus, d’un recours devant le juge administratif, mais comme il est exercé par le préfet, on le nomme « déféré préfectoral ». Ce recours en annulation du permis peut être exercé sous deux mois à compter de la date à laquelle le permis est acquis (permis express ou tacite) ou, dans l’hypothèse où la commune ne satisfait à l’obligation de transmission que postérieurement à cette première date, à compter de la date de cette transmission 4.

 

À noter : un recours auprès du tribunal administratif peut être assorti d’un référé-suspension. Un recours contentieux n’a pas pour effet de suspendre le caractère exécutoire du permis (les travaux peuvent être engagés malgré le recours).

 

L’objet du référé-suspension est d’interrompre, en urgence, la possibilité pour le pétitionnaire d’exécuter le permis tant que le tribunal n’a pas rendu sa décision quant à l’illégalité ou non de celui-ci 5.

Les recours contre un permis de construire
 Type de recours Auteur du recours   Délai
Déféré préfectoral  Préfet de département auprès du tribunal administratif  2 mois
à compter de la date à laquelle le permis est transmis par la mairie au préfet
Recours gracieux Tiers (voisins et associations) auprès de l’autorité qui a délivré le permis (généralement le maire)   2 mois
à compter du premier jour d’une période de deux mois d’affichage continu et régulier du permis sur le terrain
Recours contentieux Tiers auprès du tribunal administratif  2 mois
à compter du premier jour d’une période de deux mois d’affichage continu et régulier du permis sur le terrain (ou deux mois à compter du rejet du recours gracieux si le requérant a d’abord engagé un recours gracieux) 

Quels arguments sont recevables contre un permis ?

 

Les recours précités ne peuvent être engagés qu’en cas de permis délivré en méconnaissance des règles d’urbanisme.

La personne qui exerce un recours doit donc démontrer en quoi le permis est illégal au regard des documents d’urbanisme applicables (généralement le plan local d’urbanisme).

Des considérations d’ordre privé ne suffisent pas à obtenir l’annulation ou le retrait d’un permis. Par exemple, les nuisances sonores résultant de travaux de construction et qui causent un préjudice à une personne ne sont pas une violation des règles d’urbanisme. De même pour une perte de vue ou d’ensoleillement. Cependant, cela peut constituer un intérêt à agir.

 

Qui peut contester un permis de construire en justice ?

 

Le préfet

Le préfet a toujours la possibilité d’engager un recours contre un permis qu’il estime illégal.

Son intérêt à agir est présumé de par ses fonctions.

 

Une association

Si elle est agréée pour la défense de l’environnement, l’association est réputée avoir un intérêt à agir contre un permis.

Si elle ne l’est pas, le juge examinera les statuts de l’association pour vérifier si son objet social a un lien direct avec l’urbanisme ou la protection de l’environnement et si son champ d’intervention territorial est lié au secteur où est délivré le permis.

 

Une association (agréée ou non) n’est toutefois recevable à agir contre un permis que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande de permis 6.

Cette condition vient d’être validée par le Conseil constitutionnel 7.

 

Pour déterminer si ces deux conditions sont remplies, les associations doivent joindre à leur recours en justice leurs statuts et la preuve de leur déclaration en préfecture 8.

 

Un autre tiers (un voisin, par exemple)

Un tiers n’est recevable à agir que s’il démontre que la construction, l’aménagement ou le projet autorisé par le permis affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient ou occupe régulièrement ou pour lequel il bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire de VEFA 9.

 

L’intérêt à agir s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, sauf circonstances particulières 10. Ainsi, une personne achetant une maison voisine après l’affichage du permis ne pourra pas démontrer qu’elle a un intérêt à agir puisqu’elle n’en avait pas au moment de la date d’affichage en mairie de la demande de permis 11. Reste que les voisins immédiats sont présumés avoir un intérêt à agir 12 s’ils font état d’éléments relatifs à la nature, à l’importance et/ou à la localisation du projet.

 

En plus de leurs arguments justifiant l’illégalité du permis, les tiers doivent joindre à leur recours le titre de propriété, la promesse de vente, le bail, le contrat préliminaire ou tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de leur bien 13.

 

Comment peut-on être informé d’un recours ?

 

Quel que soit le type de recours (gracieux, préfectoral ou contentieux), son auteur doit, dans les 15 jours francs à compter du dépôt du recours, notifier son recours à l’autorité qui a délivré le permis et au titulaire du permis.

Ainsi, le bénéficiaire du permis est informé, à bref délai, de l’existence d’un recours dirigé contre lui.

 

Le non-respect de cette obligation de notification entraînera l’irrecevabilité du recours, même si les arguments juridiques apportés sont légitimes.

Par principe, la notification du recours est régulière lorsqu’elle est faite à l’adresse indiquée sur le panneau d’affichage du permis de construire ou à celle figurant sur l’arrêté de permis 14.

 

Toutefois, le Conseil d’État interprète de manière large cette règle en validant la notification à l’adresse :

  • non pas de la société titulaire du permis de construire, mais à celle qui avait le même gérant-associé et son siège à la même adresse 15 ;
  • et non de l’établissement secondaire dont l’adresse figurait sur le permis de construire, mais à celle du siège social de la société titulaire de l’autorisation attaquée 16.

 

Pour s’informer de l’existence d’un recours, il est possible de demander au greffe du tribunal (devant lequel un recours est susceptible d’être formé) la délivrance d’un certificat de non-recours 17.

 

Qu’entraîne un permis de construire illégal ?

 

Tout dépend du vice qui entache la légalité du permis :

  • s’il est régularisable, le juge doit accorder un délai au titulaire du permis pour déposer un permis modificatif, en cours d’instance (on parle de sursis à statuer). Si la régularisation a bien lieu dans le délai fixé par le juge, le permis ne sera plus vicié et échappera à l’annulation 18
  • s’il n’affecte qu’une partie identifiable et divisible du projet, le juge ne prononcera qu’une annulation partielle du permis 19 ;
  • s’il entache tout le permis et n’est pas régularisable, le permis sera alors annulé en totalité.

 

Si un permis est annulé par le tribunal administratif, le requérant peut ensuite engager un recours auprès du tribunal judiciaire pour obtenir la démolition de la construction, si celle-ci a été commencée, voire achevée.

 

Cette action en démolition est encadrée. Ainsi, lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné à la démolir que si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

  • le juge administratif a préalablement annulé le permis ; 
  • l’action en démolition est engagée dans un délai de deux ans suivant l’annulation du permis ;
  • la construction est située dans une zone sensible 20 (bande littorale de 100 mètres, site inscrit, parc national, site Natura 2000, abords d’un monument historique…).

 

Si le préfet engage l’action en démolition, cette dernière condition ne s’applique pas. Il peut intervenir, quelle que soit la zone d’implantation de la construction dont le permis a été annulé.

 

  1. Article L. 424-5 du Code de l’urbanisme. 
  2. Article R. 600-2 du Code de l’urbanisme. 
  3. Article R 600-1 du Code de l’urbanisme.
  4. Conseil d’État, 17 décembre 2014, n° 373681. 
  5. Article L. 600-3 du Code de l’urbanisme.
  6. Article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme.
  7. Décision n° 2022-986 QPC du 1er avril 2022. 
  8. Article R. 600-4 du Code de l’urbanisme. 
  9. Article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme. 
  10. Article L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme. 
  11. Conseil d’État, 13 décembre 2021, n° 450241, Sté Ocean’s Dream Resort. 
  12. Conseil d’État, 13 avril 2016, n° 389798, Bartolomei. 
  13. Article R. 600-4 du Code de l’urbanisme. 
  14. Conseil d’État, 23 avril 2001, n° 251608. 
  15. Conseil d’État, 26 juin 2017, n° 399032.
  16. Conseil d’État, 20 octobre 2021, M. C. et autres, n° 444581. 
  17. Article R. 600-7 du Code de l’urbanisme.
  18. Article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.
  19. Article L. 600-5 du Code de l’urbanisme. 
  20. Article L. 480-13 du Code de l’urbanisme.
Évitez de commencer les travaux tant que le droit de recours des tiers et du préfet et le droit de retrait du permis par l’administration n’ont pas été purgés !

Contenu réservé aux adhérents FFB

  • Profitez aussi de conseils et de soutien

    Des services de qualité, de proximité, avec des experts du Bâtiment qui connaissent vos enjeux métier et vous accompagnent dans votre quotidien d'entrepreneur.

  • Intégrez un réseau de 50 000 entreprises

    La FFB est fière de représenter toutes les entreprises du bâtiment, les 2/3 de nos adhérent(e)s sont des entreprises artisanales.

  • Bénéficiez des dernières informations

    Recevez Bâtiment actualité 2 fois par mois pour anticiper et formez-vous aux évolutions des métiers ou de la législation.

Pour contacter facilement votre fédération et accéder aux prochaines réunions
Vous n'êtes pas adhérent et vous cherchez une information ?