Droit de rétractation en cas de construction ou vente de logement

La Cour de cassation a récemment apporté des précisions sur le formalisme encadrant le droit de rétractation applicable pour les constructions et ventes de logement : vérification, par les professionnels, de la signature apposée sur l’avis de réception de la lettre recommandée notifiant l’acte signé, et faculté, pour les acquéreurs, de se rétracter par mail adressé au notaire dans le cadre d’une vente.
9:3316/05/2022
Rédigé par FFB Nationale

1. Rappels sur le droit de rétractation

 

L’article L271-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que pour tout acte ayant pour objet la construction ou la vente d’un logement, le client non professionnel peut se rétracter dans un délai de 10 jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.

 

C’est-à-dire qu’une fois le contrat signé, le client peut revenir librement sur son consentement, sans avoir à en motiver les raisons et, le cas échéant, afin de récupérer les sommes qu’il aurait versées lors de la signature.

 

Pour faire partir le délai de rétractation, l’acte signé doit être notifié au client par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise (par exemple : la remise par un notaire, Rép. min. n° 41440: JOAN Q, 5 oct. 2004, p. 7789).

 

A noter que la remise en mains propres ne présente pas, selon la Cour de cassation, les garanties équivalentes à la LRAR1.

 

Si la notification de l’acte signé n’a pas été faite ou si le formalisme obligatoire n’est pas respecté, le délai de rétractation ne commence pas à courir et la rétractation peut se faire à tout moment. La faculté de rétractation doit être exercée dans ces mêmes formes.

 

Lorsque cet acte est précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, le droit de rétractation ne s'applique qu'à ce contrat ou à cette promesse. C’est notamment le cas lors d’une acquisition en VEFA avec un droit de rétractation possible uniquement au stade du contrat de réservation.

 

Si le contrat de vente du logement (existant ou en cours de construction) n’est pas précédé d'un contrat de réservation ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, le droit de rétractation est remplacé par un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d'acte de vente par le notaire. En aucun cas l’acte de vente ne peut être signé pendant ce délai de dix jours.

Les contrats concernés par ce droit de rétractation doivent indiquer de manière lisible et compréhensible les conditions et les modalités d'exercice du droit de rétractation.

 

Tout manquement à cette obligation d'information est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale.

2. Formalisme encadrant la notification par lettre recommandée

Ces dernières années, les juges ont précisé le formalisme encadrant la lettre recommandée notifiant l’acte signé pour lequel une rétractation est possible.

 

Il a ainsi été retenu qu’une LRAR adressée à deux époux coacquéreurs mais dont l’avis de réception ne porte la signature que d’un seul époux (et non des deux) ne fait pas courir le délai de rétractation pour celui qui n’a pas signé (Civ. 3ème, 9 juin 2010, n°09.14-503).

 

En cas de pluralités de clients dans le cadre d’un contrat, il est donc plus prudent de procéder à une notification à chaque client par lettre distincte (et non à une lettre unique de notification), sauf si l’avis de réception est signé par chacun d'eux ou si l'époux signataire était muni d'un pouvoir à l'effet de représenter son conjoint (donc, avait le droit de réceptionner les courriers pour lui)2.

 

3. Nouveautés jurisprudentielles

 

De nouvelles jurisprudences viennent renforcer la vigilance à avoir en matière de notification par LRAR.

 

En 2019, la Cour de cassation avait déjà considéré qu’un agent immobilier ayant concouru à la signature et à la notification d’une promesse de vente devait vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l'avis de réception3.

 

La Cour de cassation renforce cette position dans un arrêt du 30 septembre 20214.

 

Dans cette affaire, chaque acquéreur avait reçu du notaire une LRAR leur notifiant une promesse de vente. Toutefois, ces deux courriers avaient été réceptionnés par un autre occupant du domicile qui avait signé les avis de réception. Les acquéreurs se sont rétractés deux mois plus tard.

 

En défense, le vendeur a considéré que cette rétractation était intervenue tardivement (au-delà du délai des 10 jours). Se posait donc la question de savoir si la réception de la LRAR par un tiers avait fait courir le délai de rétractation.

 

La Cour d’appel avait considéré que le tiers s’était présenté comme une personne mandatée en apparence par les acquéreurs auprès du facteur. Elle estimait que la règlementation n’imposait pas à l’expéditeur de la lettre de s’assurer de l’identité du signataire des avis de réception. Selon elle, les notifications étaient donc régulières et les acquéreurs s’étaient rétractés trop tardivement.

 

La Cour de cassation rejette cette solution en considérant que la notification par LRAR n’est régulière « que si la lettre est remise à son destinataire ou à un représentant muni d’un pouvoir à cet effet ».

 

En pratique, cette habilitation prend la forme d’un mandat, appelé communément procuration, qui doit être fait auprès de La Poste soit à titre général (pour tous les courriers reçus), soit à titre occasionnel (pour un courrier ou pour une durée limitée).

 

Or, dans cette affaire, les avis de réception ne portaient pas les signatures des acquéreurs et la personne qui avait réceptionné les lettres n’avait aucune procuration.

 

La notification n’était donc pas régulière et le délai de rétractation n’avait pas commencé à courir. Les acquéreurs étaient donc en droit de se rétracter deux mois plus tard.

 

Par ailleurs, dans une autre affaire (Civ. 3ème, 2 févr. 2022, n°20-23.468), la Cour de cassation a considéré qu’un simple mail envoyé au notaire par l’acquéreur, pour l’informer de l’exercice de son droit de rétractation, suffisait pour rendre la rétractation régulière dans le délai imparti de 10 jours.

 

En l’espèce, le notaire avait été mandaté par les vendeurs pour recevoir une éventuelle rétractation.

 

Cette décision est surprenante s’agissant d’un simple mail, sans authentification de son auteur et non d’un avis recommandé électronique qui lui a la même valeur qu’une LRAR postale. Mais la Cour a considéré que le formalisme de la rétractation avait été respecté dès lors que le notaire, officier public, a affirmé devant les juges avoir pris connaissance du mail dans le délai de 10 jours. Dans d’autres circonstances, il est probable qu’un simple mail ne remplirait pas aux yeux des juges des garanties équivalentes à celles d’une lettre recommandée avec accusé de réception.

 

4. Conséquences pratiques pour les professionnels

 

Exit l’apparence, il faut désormais vérifier que la signature sur l’avis de réception correspond bien à celle de l’acte notifié !

 

Les professionnels doivent être rigoureusement vigilants vis-à-vis des avis de réception. A défaut, le délai de rétractation ne sera pas déclenché et l’opération (contrat préliminaire de VEFA, contrat de construction…) risquera, à tout moment, d’être l’objet d’une rétractation.

 

Ainsi, un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) signé devra être notifié à chaque client qui devra personnellement signer l’avis de réception.

 

Si le constructeur constate que la signature de l’avis n’est pas la même que celle du client figurant sur le contrat, il lui sera conseillé de procéder à une nouvelle notification ou de demander à avoir communication du pouvoir donné par le client au signataire.

 

Par ailleurs, si le notaire est mandaté pour recevoir la notification de la rétractation (par exemple dans le cadre d’un contrat préliminaire de VEFA), un mail de rétractation pourrait être envoyé par l’acquéreur jusqu’à la dernière minute et produire effet. Il convient donc de bien attendre le onzième jour après la première présentation de la lettre recommandée pour considérer le délai de rétractation purgé.

 

 

1 Civ. 3e, 26 janv. 2011, n°09-69.899

2 Civ. 3e, 9 juin 2010, n°09-14.503 

3 Civ. 3e, 21 mars 2019, n°18-10.772

4 Civ. 3e, 30 sept. 2021, n°20-18.303

 

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