Travailler ensemble pour faire reculer la sinistralité

La crise économique, en mettant les entreprises du bâtiment sous tension, a entraîné une forte augmentation de la sinistralité. Dans son rôle de premier assureur de la construction, SMABTP collabore avec les entreprises, leurs organisations professionnelles et tous les acteurs de la filière pour renforcer la prévention et valoriserles pratiques les plus vertueuses.
11:0007/12/2017
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 49 | Décembre 2017

 

Président depuis 2014 de la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), Didier Ridoret a été auparavant, durant deux mandats de trois ans, président de la FFB, après avoir exercé diverses responsabilités régionales et nationales au sein de la Fédération. Il est par ailleurs directeur général du groupe Ridoret, entreprise familiale de fabrication et de pose de menuiseries implantée à La Rochelle, qui emploie près de 600 salariés.

SMABTP vient de publier des chiffres préoccupants sur l'évolution de la sinistralité dans la construction. Qu'en est-il précisément ?

Devant la sinistralité grandissante dans nos métiers, nous avons réalisé une étude fouillée en passant au crible l'ensemble des sinistres que SMABTP, leader de l'assurance construction en France avec environ 30 % de ce marché, a enregistrés sur une période de neuf ans. Le constat principal est que le coût des sinistres dérape fortement. Si l'on observe les sinistres en cours de travaux (accident sur chantier, incendie, erreur de conception, dommages aux avoisinants...), en comparant 2008 et 2016, leur nombre est certes en diminution de 14 %, mais les charges générées ont augmenté de 71 %, alors même que l'activité du secteur a ralenti durant la période de crise. Le coût moyen d'un sinistre est passé ainsi de 6 500 euros en 2008 à 9 500 euros en 2016. Concernant les sinistres après réception des travaux, relevant des garanties décennales, leur nombre augmente de 13 % et leur charge de 42 %, soit un coût moyen par sinistre qui passe de 3 600 euros à près de 4 500 euros.

Si on se focalise sur les sinistres en 2016, nous avons ouvert au total 107 000 dossiers dans l'année, représentant une charge de 648 millions d'euros, auxquels s'ajoute le « stock » des sinistres en cours, c'est-à-dire non encore réglés, au nombre de 145 000, pour un montant de plus de 3 milliards d'euros. Il faut souligner par ailleurs que l'augmentation de la sinistralité concerne davantage le bâtiment que les travaux publics.

Comment expliquez-vous cette évolution négative de la sinistralité ?

La principale cause est la crise économique qui a durement touché notre secteur à partir de 2008. Les mises en chantier ont chuté, la concurrence s'est tendue, les prix ont pu être tirés vers le bas par les maîtres d'ouvrage. Confrontées à l'érosion de leurs marges, les entreprises se sont focalisées sur la recherche du bas prix, en recourant notamment à une sous-traitance qui n'est ni de spécialité ni de capacité, mais de coût. Tout cela a engendré une baisse sensible de la qualité.

Dans le même temps, la crise a cristallisé les antagonismes nés d'un sinistre. En cours de travaux, on constate une hausse significative des conflits entre entrepreneurs ou entre entrepreneurs et maîtres d'&œlig;uvre, se traduisant par des réclamations croissantes pour préjudices immatériels. Un incident de chantier ou une adaptation non prévue, par exemple, entraînent des surcoûts et des décalages de planning qui se règlent à l'amiable en période favorable mais entraînent une réclamation chiffrée en période tendue. Pour les sinistres après réception, on observe aussi une forte progression des demandes contentieuses. Cela dit, au-delà de la crise, ce phénomène est lié à la judiciarisation croissante de nos sociétés, ce qui concerne tous les secteurs d'activité. C'est une évolution préoccupante car un sinistre qui donne lieu à une procédure judiciaire coûte en moyenne sept fois plus cher qu'un sinistre qui se règle à l'amiable.

Enfin, les évolutions technologiques et l'impact des normes surenchérissent les coûts de construction et donc des réparations en cas de sinistre. Par exemple, la recherche toujours plus poussée de l'isolation thermique ou les désordres liés à la pose de carrelages scellés sur sous-couche isolante peuvent s'avérer particulièrement pathogènes. Autre phénomène préoccupant : dans un domaine nouveau comme le photovoltaïque, où l'installation de panneaux intégrés au bâti a connu une croissance extrêmement rapide entre 2010 et 2012, sous l'effet de fortes incitations financières, nous avons enregistré un grand nombre de sinistres en série liés à des défauts affectant les produits installés : les dysfonctionnements électriques ou les échauffements qui en ont résulté ont provoqué notamment des débuts d'incendie - indépendamment des problèmes d'étanchéité.

Comment agir pour inverser la tendance ?

En travaillant avec l'ensemble des métiers. Nous avons présenté le constat que je viens de vous résumer aux organisations professionnelles et aux unions et syndicats de métiers. Certains n'ont pas été surpris car c'est un phénomène qu'ils ressentent à travers les remontées de leurs adhérents.

Sur la base de ce constat, nous avons engagé une phase d'échanges avec les différents métiers, au sein de groupes de travail, afin de construire ensemble un dispositif capable d'enrayer cette évolution négative. L'objectif est de mettre davantage l'accent sur la prévention, en prenant mieux en compte l'évolution des métiers et en valorisant les pratiques les moins « sinistrantes » - par exemple chez les étancheurs, les techniques d'étanchéité à froid qui génèrent moins de risques que les procédés à chaud.

Une autre piste, commune à de nombreux métiers, est d'inciter les professionnels à proposer plus systématiquement à leurs clients des contrats d'entretien-maintenance, ce qui permet d'éviter beaucoup de sinistres. Dans cet effort collectif, les entreprises de travaux ne sont pas les seules concernées : c'est avec toute la chaîne des acteurs de la construction, y compris les maîtres d'ouvrage, les maîtres d'&œlig;uvre et les bureaux d'études, que nous devons faire évoluer les pratiques.

Quant aux entrepreneurs, je voudrais leur dire que nous sommes là pour les accompagner, pas pour les sanctionner. SMABTP est l'assureur de la profession, au service des entreprises du bâtiment et des travaux publics. Nous sommes conscients que renverser la tendance de l'augmentation de la sinistralité sera long et difficile, car la crise pèse encore sur l'activité de nos entreprises et de mauvaises habitudes ont été prises. Mais il est essentiel de travailler dans un esprit positif pour progresser ensemble sur la voie de la qualité. C'est d'ailleurs la seule voie possible pour assurer la pérennité de nos entreprises : on ne réussit que si l'on s'attache à donner satisfaction à ses clients.

Avec votre regard d'assureur, d'entrepreneur et d'ancien président de la FFB, quel est selon vous le principal défi aujourd'hui pour les entreprises du bâtiment ?

C'est la formation de nos équipes ! Recruter, former, motiver, promouvoir : c'est notre responsabilité d'entrepreneurs. Les fédérations professionnelles font beaucoup pour développer l'attractivité de nos métiers, mais les entreprises doivent aussi mettre la main à la pâte. Les dérives que l'on constate en matière de sous-traitance de coût ou de travail détaché soulignent le danger de l'inertie : même si cela a un coût, même si c'est un effort qu'il faut maintenir dans la durée, nous devons investir dans nos équipes pour assurer l'avenir de nos entreprises !

Les entreprises de travaux ne sont pas les seules concernées par la sinistralité : c’est avec toute la chaîne des acteurs de la construction, y compris les maîtres d’ouvrage, les maîtres d’œuvre et les bureaux d’études, que nous devons faire évoluer les pratiques.

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