Reconversion les ateliers de l'arsenal de Brest

Rénovation de pierres de taille, d'enduits, de briquettes... L'entreprise Pierre Poupon a déployé avec brio l'ensemble de ses savoir-faire pour réhabiliter les quelque 6 000 m² de façades historiques de cet imposant ensemble de bâtiments, autrefois dédiés à la construction navale.
11:0015/03/2018
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 50 | Mars 2018

Le centre-ville de Brest connaît depuis plusieurs années une mutation de grande ampleur. Sur la rive droite de la Penfeld, le plateau des Capucins, ancien site militaire de 16 hectares dédié à la construction navale, est en effet en pleine reconversion. Sur cette presqu'île belvédère reliée à la rive gauche par le désormais célèbre téléphérique, un ensemble de programmes variés (logements, bureaux, commerces...) est en train de voir le jour. Le cœur de ce futur écoquartier est constitué des ateliers de l'Arsenal, qui forment un imposant carré de 164 m de côté et de 12 m de hauteur courante - jusqu'à 20 m au niveau des pointes de pignons. C'est là que furent construits de 1840 au début des années 1990 quelques-uns des plus beaux fleurons de la flotte française.
Ces bâtiments contigus ont été choisis par l'aménageur, Brest Métropole Aménagement, pour abriter plusieurs programmes et événements culturels et de loisirs (médiathèque, cinéma, salle d'escalade, musée, commerces...), ce qui nécessitait leur totale restructuration. Le maître d'ouvrage a néanmoins décidé de conserver les façades historiques et de les remettre en état. « Il s'agissait de redonner aux ateliers non pas leur aspect d'origine, puisqu'ils sont constitués de bâtiments ajoutés successivement au cours du temps, mais un aspect respectueux de la mémoire et de l'esprit des lieux », précise Frédéric Motsch, architecte de l'Atelier de l'île, cabinet brestois intervenant auprès de Bruno Fortier, maître d'œuvre de l'opération.

Mobiliser des moyens d'envergure

L'appel d'offres pour la réhabilitation des façades est lancé en 2013. Alors que beaucoup d'entreprises d'envergure nationale y répondent, c'est finalement une PME quimpéroise, l'entreprise Pierre Poupon (45 salariés), qui est retenue. « Nous ne nous attendions pas réellement à gagner ce chantier, qui est dix fois plus gros que nos opérations habituelles », se souvient Éric Poupon, cogérant, avec son frère Bruno, de l'entreprise familiale créée par leur père Pierre en 1969.Passé la surprise et la fierté d'avoir été retenue sur un marché aussi important — près de 6 000 m² de façades confortées et ravalées —, l'entreprise a dû mobiliser des moyens à la hauteur des enjeux : entre 10 et 15 collaborateurs en permanence pendant les deux ans et demi du chantier.
Côté logistique, elle a investi dans de nouveaux échafaudages pour être en mesure de monter et démonter un total de 28 000 m² d'échafaudages durant les quatre phases principales du chantier — chaque phase correspondant à chacun des quatre pignons du bâtiment, rénovés sur leurs deux faces, extérieure et intérieure.
Côté technique, « c'est l'association de l'ensemble de nos savoir-faire réunis en un seul chantier qui a constitué le principal défi », explique Éric Poupon. Car la façade est composée de trois éléments de maçonnerie principaux que l'on retrouve rarement présents sur un même chantier : alors que des moellons enduits constituent les parties courantes des façades, les chaînes d'angle et les entourages de baies sont composés de pierres de taille en provenance de la célèbre carrière de granite de l'Aber-Ildut, à quelques encablures au nord de Brest. Troisième élément de maçonnerie : les briquettes, qui dessinent les arcades supérieures des menuiseries du premier niveau. « Globalement, l'ensemble des matériaux constitutifs des façades était dans un état médiocre, voire très dégradé par endroits », décrit Éric Poupon.

Un diagnostic sur mesure

Traitant successivement chacune des quatre façades des ateliers, les équipes de compagnons se sont mobilisées sur les enduits, les pierres de taille et les briquettes des façades selon un mode opératoire bien rodé. Tandis qu'une partie des enduits, en bon état, était conservée et badigeonnée à la chaux, les revêtements dégradés étaient purgés pour aller chercher le support d'origine. Après un dégarnissage généralisé, deux sous-couches d'enduit étaient mises en œuvre, avant de venir appliquer la couche de finition, à base de chaux teintée dans la masse.
Pendant que les enduits étaient réparés, une partie de l'équipe s'occupait de la réparation des pierres de taille. Un diagnostic précis était effectué pierre par pierre. « Quand il apparaissait que les pierres étaient trop dégradées pour que nous puissions les réparer, nous procédions à leur remplacement », raconte Éric Poupon.
Ce qui a donné lieu à de véritables morceaux de bravoure. Éric Poupon se souvient en particulier du changement d'une pierre de linteau d'une voûte trop dégradée. « Vu la grande dimension de l'ouverture, nous avons dû monter un échafaudage de part et d'autre du mur, et bâtir une ossature bois pour étayer l'ouverture pendant la dépose du linteau. » Finalement, l'opération a mobilisé trois compagnons pendant une semaine?!

Rester fidèle à l'esprit d'origine

Mais la plupart du temps, les pierres étaient considérées comme réparables. Elles subissaient alors un traitement sophistiqué. Les parties éclatées étaient tout d'abord goujonnées, puis comblées par un mortier fibré. Le parement était ensuite réalisé par l'application d'une résine imitation pierre. C'est dans la composition de cette résine que réside le véritable savoir-faire des compagnons.
« Il s'agit d'un mélange spécifique à base de chaux, de résine et de silice », indique Éric Poupon, qui ne dévoile pas pour autant son secret de fabrication, précisant que celui-ci se transmet au sein de l'entreprise, de génération en génération de compagnons. À chaque teinte de pierre correspondait un mélange particulier, validé par l'architecte des bâtiments de France (ABF), mobilisé sur ce chantier bien que les ateliers ne soient pas classés ou inscrits aux monuments historiques. Un travail équivalent était effectué sur les briquettes qui, après rejointoiement au mortier de chaux, étaient réparées avec du mortier pigmenté pour retrouver les deux teintes initiales.
Finalement, « les teintes, reliefs et textures des matériaux proposés par l'entreprise Pierre Poupon se sont avérés parfaitement fidèles aux éléments architecturaux d'origine », estime Frédéric Motsch, satisfait que l'âme de ces lieux, avec lesquels « la plupart des Brestois entretiennent un lien familial particulier », ait pu être ainsi conservée.

Les chiffres du chantier

Échafaudage : 28 000 m² (dont 18 000 m² extérieurs)
Enduits : 2 600 m² (dont 1 100 m² intérieurs)
Pierres de taille : 2 700 m² (dont 1 200 m² intérieurs)
Briquettes : 400 m²
Période du chantier : de décembre 2014 à fin février 2017
Montant du marché : 1,5 million d’euros HT

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