Les bâtiments vont embarquer de plus en plus de technologies

Performance énergétique, confort, diversification des usages... Les nouvelles technologies sont porteuses de nombreux bénéfices pour les utilisateurs des bâtiments comme pour les acteurs de la filière. La proximité entre industriels et entreprises de travaux sera essentielle pour réussir cette mutation.
11:0019/03/2019
Rédigé par FFB Nationale
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Retrouvez ce dossier dans notre revue Bâtimétiers
Bâtimétiers Numéro 54 | Mars 2019

 

Gilles Schnepp a fait l’essentiel de sa carrière au sein du groupe Legrand, spécialiste des infrastructures électriques et numériques du bâtiment. Il en a été le PDG pendant douze ans et préside aujourd’hui son conseil d’administration. Depuis 2013, il est le président de la FIEEC, qui rassemble 22 syndicats professionnels dans les industries électriques, électroniques et de communication. La FIEEC représente 3 000 entreprises employant 420 000 salariés et réalisant 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 40 % à l’export.

Les économies d'énergie sont un sujet central dans le secteur du bâtiment. Quel regard portez-vous sur l'évolution des technologies dans ce domaine ?

Le bâtiment représente plus de 44 % de l'énergie consommée en France. Ce secteur sera donc en première ligne pour atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050, fixé par la nouvelle Programmation pluriannuelle de l'énergie. C'est un sujet sur lequel la FIEEC est fortement mobilisée depuis plusieurs années.

Nos entreprises adhérentes, qui consacrent en moyenne 8 % de leur chiffre d'affaires à la recherche-développement, investissent massivement dans les technologies associées à la performance énergétique des bâtiments. Un grand nombre de ces technologies sont déjà matures. Des produits comme les éclairages Led ou les chauffe-eau thermodynamiques génèrent déjà des économies substantielles. Des avancées sont réalisées également dans les systèmes permettant de piloter les consommations.

Cette dynamique d'innovation est en train de prendre une nouvelle dimension avec l'intelligence artificielle. Certains dispositifs comme les thermostats utilisent déjà des systèmes de logique floue et l'IA gagne aujourd'hui les systèmes de gestion technique des bâtiments. Et si l'on raisonne à l'échelle d'un ensemble de bâtiments, d'un quartier ou d'une ville, les réseaux intelligents (les smart grids), associés de plus en plus souvent aux énergies renouvelables, joueront un rôle essentiel dans la transition écologique.

Mais je voudrais surtout souligner que, dès à présent, des solutions efficaces existent. Cette notion de maturité est primordiale pour que les professionnels du bâtiment et le grand public s'approprient les technologies et contribuent à généraliser leur usage. C'est dans la rénovation des bâtiments que se situe l'essentiel des gisements d'économies d'énergie.

 

Quelles autres évolutions sociétales auront selon vous un effet sur la façon de construire et d'équiper les bâtiments ?

De manière générale, la question des usages est en train de devenir déterminante. On parle d'ailleurs, de plus en plus, de valeur d'usage pour les bâtiments, ce qui renvoie aux services qu'ils apportent. Cette évolution va aller croissant avec le développement de l'urbanisation et des nouvelles formes de vie et de travail qui en découlent.

On voit se développer par exemple le coworking et le télétravail, qui nécessitent des bâtiments connectés. L'émergence des bâtiments partagés - on parle de coliving - fera naître de nouveaux services proposés aux résidents dans des espaces communs - c'est déjà le cas par exemple dans les résidences pour étudiants. Le maintien des personnes âgées à domicile ou dans de nouveaux bâtiments intergénérationnels va entraîner le développement de la télémédecine et de la téléassistance, avec des capteurs équipant la maison pour détecter les comportements anormaux ou les chutes. Tous ces usages nécessiteront d'installer des dispositifs spécifiques, qui donneront une destination précise au bâtiment. Cette destination évoluera d'ailleurs dans le temps : il faudra concevoir un bâtiment en prenant en compte son évolutivité, ses futurs usages, de sorte qu'il puisse répondre plus tard à des fonctions qui n'étaient pas forcément prévues à l'origine. Toutes ces évolutions feront que les bâtiments embarqueront de plus en plus de technologies.

 

Quelle part auront les technologies numériques dans tous ces dispositifs qui équiperont les bâtiments ?

Elles auront une part centrale, qu'elles commencent déjà à occuper. Un système de chauffage connecté, par exemple, procure un gain de confort et d'économie impossible à obtenir sans ces technologies. Plus généralement, la connectivité sera indissociable de la valeur d'usage, car c'est elle qui rendra possible tous les services que je viens d'évoquer et qui les reliera entre eux, au bénéfice des utilisateurs. Dans le même temps, il faut en être conscient, la multiplication des objets connectés ouvrira toute une série de risques. La FIEEC et ses adhérents sont très actifs sur ce sujet de la cyber-sécurité. Nous travaillons pour que les dispositifs que nous proposons soient nativement sûrs (secure by design), ce qui sera un élément de différenciation entre des produits de qualité, conformes à des normes et des labels précis, et d'autres produits d'origine indéterminée, susceptibles de mettre en danger tout le fonctionnement du bâtiment.

 

La numérisation pose aussi la question des données et de l'usage que pourraient en faire de nouveaux entrants sur le marché du bâtiment ?

Effectivement, les données ont de la valeur, et cela n'a pas échappé à beaucoup d'acteurs qui en ont fait leur métier. Concernant le bâtiment, il est important que les produits et systèmes soient conçus pour que ceux qui les mettent en oeuvre (les installateurs, les mainteneurs...), comme ceux qui les utilisent aient la maîtrise de ces données. Depuis plusieurs années, bien avant l'entrée en application du règlement général sur la protection des données, nous collaborons avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour bâtir des référentiels et un cadre d'utilisation dans ce domaine. Une politique claire et transparente de confiance numérique sera un moyen de se démarquer, là encore, de certains acteurs.

 

Quel est votre état d'esprit face à toutes ces mutations ?

Je suis convaincu que la montée en puissance des technologies du bâtiment va apporter beaucoup de bénéfices pour leurs usagers, pour les acteurs de la filière et pour l'économie de notre pays. Beaucoup de leaders mondiaux dans les secteurs électrique et électronique (qu'ils soient fabricants, distributeurs, fournisseurs d'énergie, constructeurs, sociétés de maintenance ou de facility management...) sont d'origine française et utilisent la France comme laboratoire de leurs innovations. Les nouvelles technologies sont donc des relais de croissance et d'emploi - mais aussi d'attractivité pour le secteur du bâtiment, que beaucoup d'acteurs regardent différemment aujourd'hui.

Pour réussir toutes ces mutations, la proximité entre nos entreprises industrielles et les entreprises de travaux représentées au sein de la FFB est très importante. La transformation des technologies crée de nouvelles passerelles. Au sein de la FIEEC, nous avons dépassé le fonctionnement en silos et nous travaillons aujourd'hui de manière ouverte et transversale pour avancer ensemble sur ces sujets technologiques et sur leurs corollaires que sont la normalisation et la formation. Nous sommes dans le même état d'esprit vis-à-vis des métiers du bâtiment : nous avons besoin de comprendre nos évolutions respectives et d'élaborer les raccords efficaces pour que nos innovations puissent être mises en oeuvre par les entreprises dans les meilleures conditions techniques, économiques et de sécurité.

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