Artisans : passion et savoir-faire

Qualité des ouvrages, ouverture à l'innovation, fonction commerciale, gestion... les artisans sont aujourd'hui sur tous les fronts, et les exigences auxquelles ils doivent répondre n'ont jamais été aussi nombreuses. Tandis que le Conseil de l'artisanat de la FFB fête ses 60 ans à leurs côtés, les cinq portraits d'artisans qui composent ce dossier illustrent ce qui les rapproche - la passion d'un métier - et ce qui les anime - la quête de l'excellence.
11:0005/12/2019
Rédigé par FFB Nationale
revue
Retrouvez ce dossier dans notre revue Bâtimétiers
Bâtimétiers Numéro 57 | Décembre 2019

L’artisanat en chiffres

50 Mds € HT

Chiffre d'affaires réalisé par les entreprises artisanales, soit 36 % du CA global HT du bâtiment (140 Mds €).

35 000

Nombre d'artisans employeurs adhérents à la FFB, ce qui en fait la première organisation patronale d'employeurs pour toutes les tailles d'entreprises.

 

Que serait aujourd'hui le monde du bâtiment sans ses artisans ?

 

On a maintes fois prédit leur disparition - au moment de la révolution industrielle, à la naissance de la grande distribution, à l'arrivée d'Internet... - et ils sont plus vivants que jamais aujourd'hui ! Parce qu'elle cumule travaux techniques, gestion d'entreprise et fonction commerciale, leur activité est particulièrement complexe. La clé de la réussite ? Avant tout, s'investir dans son métier : « L'artisan est quelqu'un qui est passionné par les savoir-faire liés à son métier, qui met un point d'honneur à le faire bien et recherche l'excellence, pour pouvoir être fier du travail réalisé, analyse Henry Brin, président du Conseil de l'artisanat à la FFB. Et derrière l'artisan, il y a un entrepreneur, qui prend ses responsabilités et crée sa propre affaire pour pouvoir la diriger à son idée et entraîner ses compagnons dans l'aventure. » 

Être artisan, c'est aussi recevoir en héritage un savoir-faire et un savoir-être, soit de ses parents, soit de son maître d'apprentissage, pour avoir ensuite le bonheur de les transmettre à son tour à ses apprentis et compagnons, pour perpétuer une tradition de l'artisanat. Mais c'est également vivre avec son temps, comprendre les tendances du marché, anticiper les évolutions normatives et entretenir une veille sur les technologies et matériaux nouveaux. Il y a dans l'artisan un homme ou une femme ouvert à la nouveauté, curieux de l'expérimentation, pour pouvoir apporter la meilleure réponse à son client.

Cette position entre tradition et modernité est aujourd'hui confrontée à plusieurs défis : la difficulté à recruter, faute de candidats aux métiers manuels, en raison d'une image qui peine à se moderniser ; la difficulté à faire reconnaître sa valeur ajoutée, dans un contexte de perte de repères induite par les acteurs de l'Internet ; la nécessité de mécaniser certaines tâches tout en laissant le dernier mot au geste manuel, pour parvenir à un modèle économique viable.

Enfin, l'artisan est aussi un professionnel enraciné dans son lieu de vie, dont l'entreprise agile peut se révéler moins sensible aux aléas de la conjoncture. Créateur d'emplois locaux durables et qualifiés, il est un maillon précieux qu'il faut préserver et bonifier pour assurer la vitalité des territoires. « C'est le rôle du Conseil de l'artisanat d'être à leurs côtés pour promouvoir ces forces vives dont le bâtiment a plus que jamais besoin », ajoute Henry Brin.

 

savoir faire artisanal

« L'artisanat, une école de vie »

Guy Beyel

Entreprise de maçonnerie et de taille de pierre CReAlor

 

« Pour moi, l'essence de l'artisanat est la transmission d'un métier, d'un savoir-faire, entre un artisan passionné et un apprenti, dans le cadre d'une relation spécifique de maître d'apprentissage à "disciple". J'ai commencé par un apprentissage du métier de maçon à 16 ans, qui a débouché sur un brevet professionnel puis un brevet de maîtrise, suivis de douze années en entreprise, avant la création de ma propre activité. Une expérience suffisante pour découvrir ce qui me passionne et en faire une spécialité : la maçonnerie de parement, y compris la taille de pierre, c'est-à-dire la pose de dallages, la création ou la reconstruction d'encadrement de fenêtres, les cheminées en pierre, essentiellement dans la rénovation de bâti ancien. Si ce savoir-faire a été délaissé, il bénéficie d'un marché très important, celui des maisons de villages. Au cœur de l'activité de mon entreprise CReALor (Construction Restauration et Aménagement Lorrain), créée en 1992 à Baudrecourt (Moselle), il relève typiquement de l'artisan car chaque ouvrage réalisé est sur mesure et unique, avec une dimension décorative en harmonie avec le bâti ancien.

Pour transmettre ce savoir-faire, je crois beaucoup à l'apprentissage, un processus long qui permet d'infuser pas à pas une passion et le plaisir du travail bien fait. L'apprenant sera toujours plus performant et précis s'il commence jeune. Autour de 16 ans, on est plus malléable pour apprendre facilement les gestes manuels - un peu comme une langue étrangère -, le travail sera exécuté avec une plus grande dextérité toute sa vie. Mais l'artisanat est aussi une école de la vie, où l'on apprend sur le chantier à respecter et à compter sur les autres, un cadre où l'on peut se dessiner un avenir et je dirais même réussir sa vie. Le rôle essentiel du maître d'apprentissage ne peut donc être confié qu'à des gens de métier, et si possible passionnés.

Pour attirer des apprentis, il faut aussi être moderne, c'est-à-dire rester à l'écoute des tendances, des nouveaux outils, des nouveaux procédés et matériaux comme les bétons décoratifs ou cirés, et les pierres reconstituées, et travailler avec les technologies d'aujourd'hui, comme les logiciels 3D pour une meilleure restitution visuelle des projets au client. »

Une volonté d'entreprendre et de créer du nouveau

Marielle et Mathieu Lombard

Entreprise de construction bois Lombard Vasina

 

Marielle et Mathieu Lombard - âgés respectivement de 27 et 28 ans - sont les enfants de Maurice Lombard, créateur avec Jean-Claude Vasina de leur entreprise de construction de chalets il y a quarante ans. Au moment de reprendre le flambeau, ils relèvent le défi, toujours accompagnés de leur père, et souhaitent pouvoir apporter leur pierre à l'édifice : « Nous partons du savoir-faire de l'entreprise familiale et de sa notoriété pour aller plus loin. Nous accompagnons nos clients en leur proposant un savoir-faire en termes de suivi de chantier et de coordination de travaux. Nous soignons chaque détail, en conservant l'idée initiale, réaliser du sur-mesure », raconte Marielle Lombard. Implantée à Saint-Martin-de-Queyrières (Hautes-Alpes), Lombard Vasina emploie aujourd'hui une quarantaine de salariés. Elle prend en charge les projets de A à Z, de la conception au chantier, en passant par la fabrication. Ce qui ne l'empêche pas de revendiquer sa culture artisanale : l'entreprise a remis au goût du jour une technique constructive de type poteaux-poutres en bois, c'est-à-dire une structure porteuse massive, complétée par des panneaux bois en façade, qui donne une grande liberté de création.

Lombard Vasina vit avec son temps, tout en laissant une part aux gestes et travaux classiques du métier. La première esquisse est réalisée à la main avec l'architecte et le client, avant d'être reprise avec un logiciel 3D, qui permet à tous de la visualiser, de corriger puis de valider tous les détails en amont de la fabrication. Dans les ateliers de l'entreprise, les machines à commande numérique sont utilisées pour tailler les éléments de charpente. « Nous utilisons ces procédés mécanisés pour réaliser des assemblages traditionnels tenon-mortaise et à queue-d'aronde, mais aussi des escaliers en menuiserie avec précision et efficacité, argumente Mathieu Lombard. La mécanisation est le seul moyen aujourd'hui de maintenir en vie un procédé de construction traditionnel dont le coût serait hors marché s'il fallait tout réaliser à l'ancienne. » Le savoir-faire du charpentier comme celui du menuisier restent essentiels pour retoucher et affiner les entailles. Grâce à ce modèle économique innovant, l'entreprise s'est taillé une solide réputation sur son territoire, la vallée de Serre-Chevalier et le massif des Écrins.

Trois questions à...

Henry Brin, président du Conseil de l’artisanat à la FFB

L'artisanat, c'est un métier, un savoir-faire, une excellence. Comment faire pour qu'ils perdurent et soient tirés vers le haut ?

Pour garantir la compétence, dans le temps long, il est essentiel de maintenir des prérequis pour accéder au statut d'artisan. On parle beaucoup aujourd'hui de dérégulation, d'ouvrir certaines professions à tous pour stimuler la concurrence, l'économie et l'emploi, mais il y a là un risque énorme de perte de savoir-faire et de nivellement par le bas qui serait préjudiciable à notre secteur. Je suis donc convaincu qu'il faut maintenir le mode d'évaluation et de contrôle des compétences - et de lutte contre le travail dissimulé - qui est aujourd'hui assuré par la qualification Qualibat. Ce qui n'exclut pas d'imaginer d'autres façons de devenir artisan, par exemple en remplissant une période probatoire validée par un organisme indépendant.

La voie royale de l'artisanat, c'est l'apprentissage. Comment se porte-t-il aujourd'hui ?

Tout le monde présente l'apprentissage comme la solution pour faire entrer les jeunes massivement sur le marché du travail, faire reculer le chômage et développer les territoires. Mais les mesures nécessaires à son développement ne sont pas prises : un contrat d'apprentissage est aussi contraignant qu'un contrat de salarié à part entière, tout en demandant à l'artisan d'investir plus de son temps pour accompagner l'apprenti. Il faudrait aussi communiquer davantage sur la modernité et les opportunités de carrière de l'artisanat, pour attirer les jeunes talents. Nous plaidons donc pour une simplification des procédures, pourquoi pas dans le cadre du « Contrat d'objectifs et de moyens » envisagé par les pouvoirs publics, et demandons qu'on fasse davantage confiance aux artisans.

Être artisan, c'est aussi s'adapter en permanence. Quels sont aujourd'hui les sujets qu'ils doivent prendre en compte ?

Ils doivent rester ouverts à la nouveauté et se former aux procédés de mise en oeuvre innovants, et aussi au numérique pour être prêts le moment venu à travailler en BIM. Les artisans ont beaucoup progressé dans la gestion des interfaces, pour répondre au défi de la performance énergétique. Il faut aller plus loin, travailler de plus en plus en réseau et aller vers une offre globale qui répondrait mieux aux attentes des clients. Il faut aussi associer savoir-faire et faire savoir, et communiquer en utilisant les moyens d'aujourd'hui, comme Internet et les réseaux sociaux, pour déconstruire les idées fausses qui circulent, et justifier le coût de l'artisan, en regard de la qualité des ouvrages et des garanties apportées. Comme on le voit, être artisan n'est pas une question de taille d'entreprise, mais d'exigence et d'état d'esprit.

Élaborer un procédé constructif à base de matériaux biosourcés

Franck Lamy

Entreprise de construction en paille et terre crue Terraterre

 

« Pour moi, être artisan, c'est faire coïncider des savoir-faire bien maîtrisés et une volonté d'entreprendre. Après plusieurs formations, expériences et créations d'entreprises dans la maçonnerie, les matériaux biosourcés en rénovation et la rénovation énergétique, j'ai créé en 2016, avec l'un de mes anciens salariés, Terraterre (Liffol-le-Petit, Haute-Marne), qui compte aujourd'hui cinq collaborateurs. Mon projet est de répondre à une demande croissante pour les constructions à base de produits biosourcés, naturels et locaux, en proposant un mode constructif adapté et compétitif. Pour y parvenir, nous avons développé un mur préfabriqué composé d'une ossature bois, d'un remplissage en paille et de 5 cm de mortier à base de plâtre sur chaque face, à la fois conforme aux règles professionnelles du Réseau français de la construction paille (RFCP) et très performant sur les plans thermique et acoustique. Pour être cohérents, nous avons aussi élaboré un procédé de fabrication de briques en terre crue, qui s'emboîtent à sec et sans colle, pour réaliser les murs intérieurs et donner de l'inertie au bâtiment. Nous avons ensuite fait valider la résistance mécanique de notre mur par un laboratoire de recherche sur les matériaux, l'Institut Jean Lamour à Nancy, pour obtenir une assurabilité de notre procédé. Notre défi est désormais d'optimiser nos coûts, en associant une simplification de la conception et une préfabrication très poussée, afin de pouvoir proposer une construction à base de matériaux biosourcés à un coût équivalent à celui d'une construction conventionnelle.

Je partage cette passion dans le cadre de formations dispensées par l'association Pro-Paille, une émanation du RFCP, et je la transmettrai avec plaisir à nos futurs apprentis. Notre procédé intéresse un nombre croissant de maîtres d'oeuvre, car c'est une réponse anticipée à la future réglementation bas carbone RE 2020, et plusieurs projets sont actuellement en gestation. »

Une vocation pour les ouvrages de caractère

Lionel Moretto

Entreprise de métallerie d’art Metafer

 

Appartenant à la quatrième génération d'une famille de carreleurs, Arnaud Salmon est « tombé dans l'artisanat quand il était petit », en apprenant le métier avec son père. En 2006, au moment de reprendre l'entreprise familiale qui emploie douze compagnons à Dinard (Ille-et-Vilaine), il s'appuie sur cet héritage pour lui imprimer sa marque : « Après avoir analysé les particularités de notre marché local, j'ai décidé d'orienter l'activité vers les ouvrages recherchés, qualitatifs, avec une dimension décorative », explique-t-il. Salmon Carrelage est une entreprise très bien implantée sur son territoire, puisque ses équipes font rarement plus d'un quart d'heure de voiture pour se rendre sur un chantier, et l'essentiel de sa clientèle se compose de propriétaires de villas de bord de mer construites à la fin du XIXe et au début du XXe siècle sur la côte d'Émeraude : un patrimoine qu'ils souhaitent valoriser et rénover « dans son jus » avec des techniques et matériaux de tradition.

Pour répondre à cette demande, l'entreprise s'est spécialisée dans des prestations atypiques. Parmi elles : la mosaïque à la manière des oeuvres réalisées par Isidore Odorico dans l'ouest de la France ; le zellige, une technique à base de carreaux de faïence colorée d'origine marocaine ; la pierre de lave émaillée ; ou encore les carreaux de céramique de très grand format. Des ouvrages qui ont demandé à l'artisan une recherche documentaire et surtout un investissement en formation de ses équipes : « Pour maîtriser la mise en oeuvre des carreaux de très grand format, jusqu'à 1,20 m x 2,80 m, nous sommes allés nous former sur le lieu de production, près de Modène en Italie », précise Arnaud Salmon.

Grâce à ces choix stratégiques, les savoir-faire de l'entreprise sont désormais connus, ainsi que sa capacité à dialoguer avec les architectes autour d'ouvrages d'exception, que seule une petite structure artisanale est à même de réaliser.

De la ferronnerie d'art à la commande d'artiste

Arnaud Salmon

Salmon Carrelage

 

Pour Lionel Moretto, dont l'entreprise Metafer emploie vingt-cinq salariés à Plaintel (Côtes-d'Armor), l'artisanat est une seconde nature. Après avoir commencé son activité comme ferronnier d'art, un métier transmis par son père, il a souhaité élargir son activité : « J'ai adoré réaliser des ouvrages en ferronnerie de style, destinés à la restauration du patrimoine, raconte-t-il, mais j'ai senti en même temps un besoin de faire de la création, en fondant Metafer, spécialisée dans les ouvrages de métallerie contemporains et même les commandes d'oeuvres d'artistes en métal. » Cette évolution est aussi une adaptation aux mutations du marché : c'est la baisse des commandes publiques, qui ont représenté jusqu'aux deux tiers de son activité, qui a poussé l'artisan à se tourner vers la clientèle des particuliers et des artistes, qui génère désormais des commandes venues du monde entier.

Aujourd'hui, Metafer détient à la fois une qualification pour les monuments historiques (Qualibat 4493) et un label EPV (Entreprise du patrimoine vivant), et a obtenu de nombreux prix pour ses propres créations d'ouvrages contemporains en métallerie et serrurerie, depuis les garde-corps, portails et escaliers jusqu'aux structures complètes comme les vérandas. « Ces évolutions ont généré un important plan de formation dans l'entreprise pour maîtriser tous ces nouveaux savoir-faire, poursuit Lionel Moretto. En plus de la fabrication, nous disposons d'un bureau d'études et de design interne, qui nous permet de proposer à nos clients des créations originales, protégées à l'INPI. » La fabrication a été fortement modernisée : un scanner 3D améliore la précision des prises de cotes, la mécanisation des tâches a rendu possible une féminisation des effectifs, mais 80 % du travail relève encore de la justesse du geste manuel.

GPS Artisan, l'outil de pilotage de l'activité de la FFB

Comme son nom l'indique, GPS Artisan1 est un outil en ligne sur le site de la FFB pour aider les artisans à s'orienter et à piloter leur activité. Ce portail fournit plus d'une centaine de réponses et solutions concrètes sous forme de logiciels (calculs de coûts, devis, factures, etc.), de guides (management et gestion), de documents types (attestation de TVA, PV de réception, etc.), de fiches pratiques, de check-lists, d'autodiagnostics... GPS Artisan comporte une version publique et une version plus complète pour les adhérents.

 

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