Amir Reza-Tofighi, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) « Simplifier la vie des PME »

Stabilité réglementaire, allégement des contraintes administratives, compétitivité… Président de la CPME depuis janvier 2025, Amir Reza-Tofighi détaille les mesures phares défendues par la Confédération pour accompagner les PME du bâtiment face aux défis des transitions écologique et numérique et de la concurrence internationale.
8:1012/09/2025
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 80 | septembre 2025

Vous avez récemment pris la tête de la CPME. Quelles seront vos priorités pour les mois à venir, notamment pour ce qui concerne le bâtiment ?

 

Amir Reza-Tofighi — Elles tiennent en trois mots : stabilité, simplification, compétitivité. Certains aspects de la transition écologique nécessitent des investissements significatifs ; or, sans accompagnement des entreprises par l’État, le modèle économique n’existe pas. Dans ces domaines, la stabilité et la visibilité sont indispensables pour les entreprises – c’est pourquoi j’en fais ma première priorité. L’exemple de MaPrimeRénov’ a montré que la puissance publique doit absolument éviter les allers-retours permanents ou les reculs, car ils assèchent la demande et mettent les entreprises en difficulté.

 

Voilà pourquoi la CPME a tenu à amplifier les actions menées par la Fédération française du bâtiment en la matière, notamment pour exiger le maintien du dispositif MaPrimeRénov’ pour les mono-gestes. Plus largement, nous cherchons systématiquement à accompagner nos branches pour assurer aux PME le maximum de stabilité et de visibilité. Ma deuxième priorité, c’est la simplification : nous sommes allés trop loin dans les contraintes et les normes. Cela pénalise les entreprises, a fortiori les TPE et PME. Enfin, nous sommes face à un enjeu de compétitivité : il faut absolument donner aux entreprises les moyens d’investir, de recruter et d’innover.

 

Les PME du bâtiment sont confrontées à un triple défi : pression réglementaire, contraintes financières et urgence environnementale. Comment la CPME agit-elle sur ces sujets ?

 

A. R.-T. — La crise environnementale est le défi du siècle, et la transition écologique, le seul choix possible. Mais cette transition appelle des mécanismes incitatifs et un soutien financier de l’État aux entreprises et à la demande, que celle-ci émane des particuliers ou des acteurs industriels. Sur le front économique, la CPME se bat pour faire prendre conscience aux pouvoirs publics du moment de bascule dans lequel nous nous trouvons actuellement.

 

Beaucoup d’entreprises sont en difficulté, notamment dans le bâtiment. Il faut absolument éviter toute hausse de la fiscalité et des charges qui pèsent sur elles. Enfin, sur le plan de la simplification, la CPME a beaucoup milité pour la généralisation du « test PME », qui assure que, avant tout vote, les lois soient testées au sein d’une petite ou moyenne entreprise, afin de pouvoir avertir le législateur lorsque des dispositions semblent inapplicables sur le plan pratique.

 


La période est difficile mais on aura toujours besoin de construire, de loger les Français, et ce secteur, stratégique pour notre pays, aura toujours de l’avenir. 

Amir Reza-Tofighi, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) 

La transition numérique bouscule les modèles des PME du bâtiment. Comment la CPME les accompagne-t-elle dans cette transformation ?

 

A. R.-T. — Notre stratégie consiste à accompagner nos adhérents dans l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) et à promouvoir la souveraineté numérique française et européenne. Sur le premier volet, nous développons des webinaires pour sensibiliser nos adhérents à l’IA – toutes les entreprises, quels que soient leur taille ou leurs métiers, doivent s’approprier cette technologie.

 

En matière de souveraineté, il s’agit d’assurer que la France et l’Europe ne dépendent pas d’outils étrangers. À cette fin, nous nous assurons que sur toute la chaîne de valeur, des microcomposants aux data centers en passant par les algorithmes, des solutions européennes puissent voir le jour.

 

Le recrutement et la formation sont des préoccupations constantes dans nos métiers. Quelles solutions vous semblent les plus efficaces en la matière ?

 

A. R.-T. — Il faut commencer par imposer la réciprocité. On ne peut plus fixer aux entreprises françaises des contraintes auxquelles les producteurs étrangers, eux, ne sont pas soumis, comme c’est le cas dans l’agriculture. Ensuite, il nous faut un vrai agenda de compétitivité et de simplification aux niveaux français et européen. Cela implique de lever les contraintes inutiles.

 

Au niveau européen, la CPME s’est beaucoup battue pour que les PME soient moins touchées par les contraintes imposées par la CSRD1 et pour remettre ainsi de la cohérence et du bon sens dans les normes, afin de ne pas « faire de la norme pour la norme » et d’éviter une immense perte de compétitivité. Les petites entreprises n’ont pas les services support nécessaires pour gérer ce niveau de complexité. Il faut absolument leur simplifier la vie.

 

Quelle est la position de la CPME sur le débat actuel autour des seuils de TVA applicables aux autoentrepreneurs ?

 

A. R.-T. — C’est un sujet majeur, qui nous questionne sur notre modèle social. Celui-ci repose sur des charges sociales et patronales et sur de la TVA. Les régimes dérogatoires créent dès lors une concurrence déloyale : ceux qui paient des charges sont mis en concurrence directe avec des entrepreneurs qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.

 

Le risque est de créer un régime d’exception qui désavantagera les entreprises soumises au régime normal ; celles-ci ne pourront plus être compétitives, et on se dirigera massivement vers le statut d’autoentrepreneur. À court terme, cela coûtera effectivement moins cher, mais in fine, notre modèle social deviendra impossible à financer et nous créerons des retraités pauvres, qui n’auront pas suffisamment cotisé. C’est un sujet majeur, derrière lequel se cache toute la question de notre modèle social.

 

Quel message souhaitez-vous adresser aujourd’hui aux chefs d’entreprise du bâtiment qui s’interrogent sur leur avenir ?

 

A. R.-T. — Je sais que la période est difficile : le bâtiment traverse depuis plusieurs années une crise violente. Mais on aura toujours besoin de construire, de loger les Français, et ce secteur, stratégique pour notre pays, aura toujours de l’avenir. Voilà pourquoi il faut tout faire pour rester positif, malgré le climat économique morose. La force de l’entrepreneur, c’est sa capacité à résister face aux difficultés et à se réinventer, même dans les moments les plus durs.

 


  1. CSRD : Corporate Sustainability Reporting Directive
© Sophie Palmier

Amir Reza-Tofighi (40 ans) est entrepreneur dans le secteur des services à la personne et de la tech. Diplômé de Supélec et de HEC, il a cofondé Vitalliance, entreprise d’aide à domicile pour les personnes dépendantes, Heetch, plateforme de transport nocturne, et Click and Boat, site de location de bateaux entre particuliers. Militant engagé, il s’est investi dans la défense de l’entrepreneuriat depuis plusieurs années. Élu président de la CPME le 21 janvier 2025, il siège au comité exécutif de la Confédération depuis 2019.

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