Amir Reza-Tofighi, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) « Simplifier la vie des PME »

La période est difficile mais on aura toujours besoin de construire, de loger les Français, et ce secteur, stratégique pour notre pays, aura toujours de l’avenir.
La transition numérique bouscule les modèles des PME du bâtiment. Comment la CPME les accompagne-t-elle dans cette transformation ?
A. R.-T. — Notre stratégie consiste à accompagner nos adhérents dans l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) et à promouvoir la souveraineté numérique française et européenne. Sur le premier volet, nous développons des webinaires pour sensibiliser nos adhérents à l’IA – toutes les entreprises, quels que soient leur taille ou leurs métiers, doivent s’approprier cette technologie.
En matière de souveraineté, il s’agit d’assurer que la France et l’Europe ne dépendent pas d’outils étrangers. À cette fin, nous nous assurons que sur toute la chaîne de valeur, des microcomposants aux data centers en passant par les algorithmes, des solutions européennes puissent voir le jour.
Le recrutement et la formation sont des préoccupations constantes dans nos métiers. Quelles solutions vous semblent les plus efficaces en la matière ?
A. R.-T. — Il faut commencer par imposer la réciprocité. On ne peut plus fixer aux entreprises françaises des contraintes auxquelles les producteurs étrangers, eux, ne sont pas soumis, comme c’est le cas dans l’agriculture. Ensuite, il nous faut un vrai agenda de compétitivité et de simplification aux niveaux français et européen. Cela implique de lever les contraintes inutiles.
Au niveau européen, la CPME s’est beaucoup battue pour que les PME soient moins touchées par les contraintes imposées par la CSRD1 et pour remettre ainsi de la cohérence et du bon sens dans les normes, afin de ne pas « faire de la norme pour la norme » et d’éviter une immense perte de compétitivité. Les petites entreprises n’ont pas les services support nécessaires pour gérer ce niveau de complexité. Il faut absolument leur simplifier la vie.
Quelle est la position de la CPME sur le débat actuel autour des seuils de TVA applicables aux autoentrepreneurs ?
A. R.-T. — C’est un sujet majeur, qui nous questionne sur notre modèle social. Celui-ci repose sur des charges sociales et patronales et sur de la TVA. Les régimes dérogatoires créent dès lors une concurrence déloyale : ceux qui paient des charges sont mis en concurrence directe avec des entrepreneurs qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.
Le risque est de créer un régime d’exception qui désavantagera les entreprises soumises au régime normal ; celles-ci ne pourront plus être compétitives, et on se dirigera massivement vers le statut d’autoentrepreneur. À court terme, cela coûtera effectivement moins cher, mais in fine, notre modèle social deviendra impossible à financer et nous créerons des retraités pauvres, qui n’auront pas suffisamment cotisé. C’est un sujet majeur, derrière lequel se cache toute la question de notre modèle social.
Quel message souhaitez-vous adresser aujourd’hui aux chefs d’entreprise du bâtiment qui s’interrogent sur leur avenir ?
A. R.-T. — Je sais que la période est difficile : le bâtiment traverse depuis plusieurs années une crise violente. Mais on aura toujours besoin de construire, de loger les Français, et ce secteur, stratégique pour notre pays, aura toujours de l’avenir. Voilà pourquoi il faut tout faire pour rester positif, malgré le climat économique morose. La force de l’entrepreneur, c’est sa capacité à résister face aux difficultés et à se réinventer, même dans les moments les plus durs.
- CSRD : Corporate Sustainability Reporting Directive

Amir Reza-Tofighi (40 ans) est entrepreneur dans le secteur des services à la personne et de la tech. Diplômé de Supélec et de HEC, il a cofondé Vitalliance, entreprise d’aide à domicile pour les personnes dépendantes, Heetch, plateforme de transport nocturne, et Click and Boat, site de location de bateaux entre particuliers. Militant engagé, il s’est investi dans la défense de l’entrepreneuriat depuis plusieurs années. Élu président de la CPME le 21 janvier 2025, il siège au comité exécutif de la Confédération depuis 2019.