Accompagner la transition écologique du bâtiment au plus près du terrain : entretien avec Sylvain Waserman, président de l’Ademe

Rénovation énergétique, décarbonation, économie circulaire… Le président-directeur général de l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, Sylvain Waserman, détaille comment l’agence accompagne la transition écologique du secteur du bâtiment et pourquoi celle-ci est stratégique pour l’avenir de la France.
9:0409/12/2025
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 81 | Décembre 2025

Quelle place le bâtiment occupe-t-il aujourd’hui dans la stratégie nationale de transition écologique portée par l’Ademe ? 

 

Sylvain Waserman — La transition écologique du bâtiment est un enjeu majeur pour la France. À l’heure où nous importons 64 milliards d’euros d’énergies fossiles par an, chaque projet d’énergies renouvelables et chaque bâtiment passif réinternalisent un peu de cette chaîne de valeur.

 

Le bâtiment détient donc l’une des clés de la reprise en main par notre pays de son destin énergétique. Voilà pourquoi je suis heureux de constater que la transition écologique se rapproche du cœur de la stratégie des entreprises du secteur, quelle que soit leur taille. Celles-ci ont par ailleurs compris que l’inaction écologique les expose aux risques d’être prises de court par la réglementation, mais aussi de ne plus satisfaire les attentes de leurs clients et de se faire distancer par la concurrence. La façon dont artisans et entrepreneurs s’approprieront la décarbonation structurera le secteur pour les décennies à venir. 

L’Ademe dispose d’un maillage territorial important. Comment vos équipes en région peuvent-elles soutenir les entreprises locales du bâtiment dans leurs projets de transition ? 

 

S. W. — En travaillant de concert avec notre réseau de partenaires implantés dans les territoires comme les fédérations locales, mais aussi par le biais d’outils numériques utiles aux TPE et PME confrontées à des défis dans leur transition. Ainsi, nous testons actuellement une plateforme, Mission Transition, qui permet à chaque entreprise, en répondant à un questionnaire, d’identifier les acteurs et subventions qui peuvent l’aider à décarboner sa flotte de véhicules, à mieux isoler ses bâtiments ou à évaluer sa consommation d’énergie.

 

Comment l’Ademe peut-elle contribuer à accélérer la massification de la rénovation énergétique, notamment en accompagnant les TPE et PME du bâtiment ? 

 

S. W. — Avec nos partenaires, dont la FFB, nous concevons pour les TPE et PME des formations sur des enjeux précis de la rénovation énergétique et mettons à profit l’expertise de nos centres en la matière. Un exemple : il y a deux ans, l’Ademe a évalué l’efficacité des pompes à chaleur. Le résultat : au-delà du bilan très positif, cette étude a mis en avant la nécessité d’un paramétrage exemplaire pour l’efficacité des machines.

 

En matière de transition écologique, c’est donc bien l’excellence des entreprises de travaux qui fera toute la différence. Notre rôle est de travailler avec ces professions pour aller un cran plus loin. Nous serons aux côtés de la FFB et de ses fédérations sur ces sujets déterminants. 

 

Justement, comment l’Ademe peut-elle aider à renforcer les compétences des artisans et entrepreneurs du bâtiment en matière de transition énergétique ? 

 

S. W. — Nous avons mis en place un parcours numérique, l’Ademe Académie, que tout artisan peut consulter pour se familiariser avec des sujets tels que la décarbonation ou l’énergie renouvelable en autoconsommation. Nous cofinançons également des diagnostics approfondis, notamment via la BPI, à l’image du Diag Eco-Flux, qui évalue les flux d’énergie et d’eau pour fournir aux dirigeants des repères et leur permettre d’agir au sein de leur entreprise ou sur chantier. 

 

Quel rôle la technologie peut-elle jouer dans la transition énergétique du bâtiment ? 

 

S. W. — La gestion technique des bâtiments peut tirer un immense profit des nouvelles technologies. Dans des systèmes électriques qui se complexifient, il faut, à chaque instant, équilibrer l’offre et la demande. Or, avec l’intelligence artificielle (IA), le bâtiment pourra jouer à l’avenir un rôle majeur dans l’effacement de la demande. Lors d’un pic de consommation, des logiciels peuvent informer les utilisateurs et les inciter à modifier leurs usages, par exemple en retardant la recharge de leur véhicule électrique.

 

Demain, l’IA permettra de gérer cet effacement de façon diffuse ; or, multiplier cette logique par 30 millions de foyers aura un impact majeur. Grâce à cette innovation, couplée à la pédagogie dont font preuve les entreprises du bâtiment auprès des usagers finaux, ceux-ci peuvent devenir des acteurs de l’optimisation électrique et de la transition énergétique par une gestion améliorée de leur consommation. 

En matière de transition écologique, c’est bien l’excellence des entreprises de travaux qui fera toute la différence. 

© ADEME 

Sylvain Waserman est diplômé de Télécom Sud Paris (1995), du Theseus International Management Institute (1997) et de l’ENA (2008). Il commence sa carrière en tant qu’ingénieur dans les télécommunications avant de devenir directeur général du réseau GDS-Gaz de Strasbourg en 2009. Pendant dix ans, il est maire de Quatzenheim, président de communauté de communes puis président de la commission Développement économique de la région Grand Est.

 

De 2017 à 2022, il est élu député de Strasbourg et occupe le poste de vice-président de l’Assemblée nationale. À la fin de son mandat, il se lance dans le conseil en transition écologique pour les entreprises en fondant son propre cabinet qu’il quitte en juillet 2023 pour devenir P-DG de l’Ademe.

Le secteur du bâtiment est au coeur des enjeux d’économie circulaire. Comment l’Ademe peut-elle accompagner les entreprises dans cette évolution ? 

 

S. W. — La création de la filière REP1 PMCB, opérationnelle depuis 2023, devrait se traduire par une baisse du coût de la gestion des déchets de chantiers, pour le neuf, la rénovation et la démolition. L’objectif de ce modèle REP est en effet que le metteur sur le marché prenne lui-même en charge l’organisation de la collecte et le traitement des déchets. Pour les entreprises et les artisans, cela doit se traduire par une solution simple et une diminution des coûts, avec en toute logique une reprise sans frais de leurs déchets triés.

 

Or, aujourd’hui, nous ne sommes pas encore en mesure de conclure que les prix des sorties ont diminué pour ce qui concerne la gestion des déchets du bâtiment. Nous sommes bien conscients que la situation actuelle n’est pas idéale ; il nous faut progresser et faire en sorte que les choses s’améliorent vite d’année en année. 

 

Si vous deviez tracer une perspective à 2030 pour le bâtiment, quels objectifs prioritaires l’Ademe fixerait-elle pour la filière ? 

 

S. W. — La rénovation est un enjeu majeur qui appelle des politiques publiques stables. Nous savons tous la difficulté du sujet en ce moment, dans un contexte budgétaire contraint. Mais, plus que d’autres, les politiques du bâtiment méritent une certaine pluriannualité, à l’image des lois de programmation pluriannuelle de l’armée. Car le bâtiment, lui aussi, est un secteur du temps long : quand on construit ou rénove un bâtiment, c’est pour des décennies.

 

Il nous faut donc assurer une visibilité de long terme à des acteurs qui en ont besoin au quotidien. C’est tout le sens de la convention triennale que l’Ademe et la FFB ont signée le 19 novembre au Salon des maires. Cette convention, qui s’inscrit dans la continuité de celles signées depuis la fin des années 1990, vise à rendre opérationnels l’ensemble des sujets que j’ai abordés. C’est un terrain d’actions qui traduira concrètement nos pistes de coopération et permettra d’accompagner durablement les entreprises et les artisans du bâtiment dans leur transformation.

  1. Responsabilité élargie des producteurs – Produits et matériaux de construction du bâtiment

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