Enduits sur terre crue : un bâti ancien à respecter

Les travaux d'enduit sur les bâtiments maçonnés à la terre construits avant 1940 font l'objet de règles professionnelles qui prennent en compte leur besoin de perméance. Une application judicieuse pour les maçons.
11:0017/03/2016
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Bâtimétiers Numéro 42 | Mars 2016

Toutes les conditions sont aujourd'hui réunies pour que le bâti ancien, maçonné à la terre, puisse bénéficier d'un enduit qui garantisse sa pérennité. Ce type de bâti est extrêmement répandu : qu'on parle de torchis en Normandie, de bauge en Bretagne, de pisé en Rhône-Alpes ou d'adobe en Midi-Pyrénées, une grande partie des bâtiments qui datent d'avant 1940 relèvent de techniques de construction qui ont en commun d'utiliser un matériau à base de terre, le plus souvent de l'argile. Autre caractéristique commune, ces bâtis anciens présentent généralement très peu de fondations. Voici réunis les deux éléments de la problématique : en raison de la présence, dans la plupart des régions, d'humidité dans le sol, la quasi-absence de fondations favorise les remontées d'humidité dans les bâtiments par capillarité ; or il faut impérativement que cette humidité puisse s'évaporer par les façades, sous peine de la voir s'accumuler et de dégrader la maçonnerie, avec un risque à terme d'écroulement de la structure. « Du fait de cette particularité, le bâti maçonné à la terre ne peut recevoir que des enduits qui le laissent respirer, dits « perméants », à base de chaux et de terre, ce qui exclut la mise en œuvre de tous les enduits à base de liant étanche comme le ciment, notamment ceux dont on ne peut connaître la composition exacte, explique Nicolas Meunier, dirigeant de l'entreprise éponyme implanté à Chambles (Loire).

 

Enduit sur bâti maçonné à la terre : DTU ? Règles de l'art ?

 

Et en la matière, la standardisation n'existe pas : c'est au maçon de définir la bonne formulation de son enduit, en l'adaptant aux différentes formes de bâti maçonné à la terre. » Du fait même de cette particularité, la commission qui s'est réunie en 2007 pour réviser le NF DTU 26.1 « Travaux d'enduits de mortier » a jugé plus judicieux d'extraire du texte les enduits sur terre crue. En conséquence, un collège de maçons, réunissant 70 praticiens de toutes les régions concernées, a entrepris la rédaction de règles professionnelles, qui ont été acceptées par la Commission Prévention Produits (C2P) de l'Agence qualité construction (AQC) en 20121.

 

Règles professionnelles des enduits sur terre crue : obligation de résultat

 

L'application des règles professionnelles commence par une étude préalable du contexte environnemental, pour évaluer au moyen d'une fiche type — et améliorer s'il le faut — le drainage du sol, afin de limiter les remontées capillaires. En second lieu, on procède à une préparation du support en déposant l'enduit existant et en purgeant le mur, pour obtenir un support sain, stable et non pulvérulant. Les petites pathologies comme les fissures et petites cavités peuvent être réparées avec le même matériau que le support ou que celui qui sera utilisé dans l'enduit, lors de la réalisation du renformis. L'application de l'enduit proprement dit se fait généralement en trois passes : le gobetis, une couche de fond qui vient s'accrocher au support ; le corps d'enduit, qui a pour fonction d'adoucir les éventuelles déformations de la façade (8 à 14 mm d'épaisseur) ; et la couche de finition, qui garantit la qualité esthétique du parement, le tout assurant l'étanchéité à l'eau et la perméabilité à la vapeur d'eau du mur. Pour réaliser les différentes formulations, les règles professionnelles n'imposent ni les ingrédients, ni les dosages précis, et se contentent d'indiquer des ordres de grandeur à respecter. « Contrairement à une norme, qui définit précisément la marche à suivre, les règles professionnelles fixent au maçon une obligation de résultat, poursuit Nicolas Meunier. C'est à lui de trouver la meilleure formulation en mélangeant chaux hydraulique naturelle, chaux aérienne, terre (argile), sable et eau. Ces règles s'adressent à un professionnel, en lui laissant sa responsabilité de sachant. »

Pour parvenir à la qualité escomptée, quand le maçon ne connaît ni le support ni le mélange de l'enduit, les règles professionnelles prévoient la réalisation de deux essais successifs, sur des échantillons, pour s'assurer du bon accrochage de l'enduit au support et de la non-fissuration de la couche de finition. Pour une bonne diffusion et une bonne application de ces règles, il est important que les entreprises suivent l'une des formations proposées par les réseaux constitués de professionnels réunis pour faire leur promotion 2. Enfin, les règles mentionnent aussi la possibilité de réaliser des enduits à base de terre - sans utiliser de chaux - uniquement pour les murs non soumis aux intempéries : un procédé très qualitatif qui répond aux attentes actuelles de confort hygrométrique et de décoration intérieure.

Garantir qualité et assurabilité des travaux d'enduit

Cependant, malgré la demande croissante des maîtres d'ouvrage et propriétaires de maisons anciennes, de plus en plus sensibilisés à la nécessité de faire respirer le bâti maçonné à la terre (1,5 million de logements sont concernés en France), les règles professionnelles restent peu connues et peu appliquées. « On diagnostique chaque année en Rhône-Alpes des murs gorgés d'une humidité due à des enduits à base de ciment appliqués sur du pisé, qui provoquent parfois l'écroulement des bâtiments », déplore Nicolas Meunier. Pourtant, des formations existent dans toute la France, et les entreprises compétentes peinent à répondre à la demande. Côté assurances, l'acceptation des règles professionnelles par la Commission Prévention Produits de l'AQC, avec suivi du retour d'expérience, classe les enduits sur terre crue parmi les techniques courantes 3, ce qui facilite l'obtention d'une garantie décennale pour les entreprises qui les mettent en application, idéalement après avoir suivi une formation. L'UMGO-FFB s'attache à promouvoir ces règles professionnelles auprès des assureurs et est en contact régulier avec la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA). Parce qu'elles sont un moyen de perpétuer un savoir-faire traditionnel sur le chantier et dans les entreprises, et un outil de lutte contre la sinistralité, après l'exposé d'un retour d'expérience concluant, leur acceptation par la C2P a été renouvelée le 24 novembre 2015 pour une durée de deux ans.

1

Pour se procurer les règles professionnelles : http://bit.ly/TerreCrue1
Il existe une version illustrée de 63 exemples de mise en œuvre : http://bit.ly/TerreCrue2

2

Pour toute information concernant les formations, consultez le site terre-crue-rhone-alpes.org. Tera a élaboré un cahier des charges national en partenariat avec la FFB, et coordonne toutes les formations qui ont lieu en France.

3

Selon la définition de la Fédération française des sociétés d'assurance.

Vers des bonnes pratiques pour la construction en terre crue

Intervenir sur le bâti ancien maçonné à la terre — pour créer une ouverture, une extension ou une surélévation d'un bâtiment existant — exige une connaissance des procédés constructifs tels que le torchis, le pisé, la bauge ou l'adobe. Réalisée à partir d'un matériau prélevé sur place et compacté, sans production de CO2, la construction en terre crue se caractérise notamment par ses performances environnementales. Pour développer la formation des maçons dans ce domaine, la FFB, la Capeb et la DHUP (ministères de l'Écologie et du Logement) ont entrepris avec le réseau Éco-Bâtir la rédaction d'un guide de bonnes pratiques, actuellement en cours d'élaboration.

Pour en savoir plus

UMGO-FFB (Union de la maçonnerie et du gros œuvre), tél. : 01 40 69 51 59

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