Un chantier « grand cru » dans les vignes de Bourgogne

Au cœur de vignobles classés, le Domaine des Lambrays a fait appel à la SNEP (groupe Léon Grosse) pour adapter ses installations à la production de vin en biodynamie.  Sur ce projet prestigieux, trois défis techniques ont été relevés par l’entreprise : le percement du socle rocheux grâce au microminage, la constitution d’une voûte maçonnée traditionnelle, et la mise en œuvre d’une charpente en chêne à l’ancienne.

15:2413/12/2023
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Bâtimétiers Numéro 73 | décembre 2023

Il en va des vins comme des chantiers : certains sont si intenses que leur évocation même peut suffire à vous enivrer ! Le chantier de reconstruction du Domaine des Lambrays (Morey-Saint-Denis, Côte-d’Or), bien connu pour la production d’un grand cru de la côte de Nuits, en Bourgogne, est de ceux-là.

 

Le projet est exceptionnel à plus d’un titre. Par son programme d’abord. En 2020, le Domaine, propriété du groupe LVMH, a en effet entrepris une refonte de ses installations – la cuverie et les caves, essentiellement – pour accompagner le passage au bio puis à la biodynamie de ses cultures.

 

Cette transformation devait suivre trois principes fondamentaux : utiliser de petites cuves en bois pour permettre une vinification distincte des différents secteurs du vignoble ; travailler les vins en douceur grâce à la gravité ; et prolonger la durée d’élevage grâce à un doublement de la surface des caves.

 

« Deux autres aspects étaient également essentiels, souligne Maxime Bauland, directeur de travaux pour la SNEP, titulaire du chantier en entreprise générale. Les nouveaux bâtiments devaient se fondre dans le paysage en respectant l’architecture des bâtiments conservés, et ils devaient être conçus selon une approche écologique, incluant une limitation drastique des besoins énergétiques et le choix de matériaux à faible impact environnemental (voir encadré). 

 

© STUDIO INTUIVE LUDOVIC CAILLOT
© STUDIO INTUIVE LUDOVIC CAILLOT
© STUDIO INTUIVE LUDOVIC CAILLOT
© STUDIO INTUIVE LUDOVIC CAILLOT

Du microminage sans nuisance

 

Sous l’œil exigeant mais bienveillant du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre, l’architecte Gilles Gauvain (Architectes Studio), les équipes de la SNEP ont dû relever plusieurs défis exceptionnels, mêlant techniques ancestrales et modernes. Le premier d’entre eux concernait le terrassement.

 

« Cette phase était particulièrement délicate puisque nous étions en mitoyenneté avec plusieurs bâtiments », décrit Maxime Bauland.

 

Après avoir conforté les caves des voisins sous constat d’huissier, les équipes ont pu attaquer le creusement d’un bloc rocheux calcaire sur une surface de 900 m2 et sur une profondeur de 8 m – jusqu’à 11 m ponctuellement.

 

« Dans un premier temps, nous sommes descendus à -2,50 m à l’aide d’une paroi clouée tirantée. Sous cet horizon, la roche se faisait plus dense et nous ne pouvions descendre autrement qu’en procédant à des tirs de microminage. Pour éviter que les vibrations engendrées par les détonations ne déstabilisent les avoisinants, nous avons préalablement désolidarisé le bloc rocheux du voisinage grâce à une machine spéciale, la haveuse, une sorte de tronçonneuse de sol géante », précise Maxime Bauland.

 

Pour garantir l’absence de transmission des vibrations au voisinage, neuf sismographes avaient été installés à proximité, qui ont « confirmé l’absence d’impact vibratoire », se réjouit-il. Une fois toutes ces précautions prises, les campagnes de tirs se succédaient chaque jour par tranches de 20 m2 afin de descendre progressivement jusqu’à la profondeur souhaitée.

 

« En tout, 16 000 t de roches ont été excavées », indique le directeur de travaux.

 

 

Les nouveaux bâtiments devaient être conçus selon une approche écologique, incluant une limitation drastique des besoins énergétiques et le choix de matériaux à faible impact environnemental. 

Une voûte en anse de panier

 

Une fois la fouille de 900 m2 dégagée et les fondations superficielles du bâtiment réalisées, les équipes de gros œuvre ont pu y monter les structures préfabriquées en béton armé – prémurs extérieurs « berlimurs », poutres et prédalles.

 

C’est alors que les équipes ont relevé le deuxième défi technique du chantier : la mise en œuvre de la voûte en pierres de Bourgogne maçonnées de la cave. Longue de 35 m et large de 10 m, cette voûte très aplatie en « anse de panier » a été réalisée en technique traditionnelle.

 

Une à une, les pierres précisément taillées ont ainsi été posées sur un moule en polystyrène, par une équipe de dix-huit maçons. « Cette opération, qui était sur le chemin critique du chantier, devait être minutieusement calepinée, car la voûte exerçait des poussées très importantes – 20 t en horizontal et 12 t en vertical – sur les murs latéraux », précise Maxime Bauland.

 

Charpente XXL à l’ancienne

 

Après le décintrement réussi de la voûte – « elle n’a pas bougé d’un millimètre lorsque nous avons retiré le moule ! » se félicite Maxime Bauland –, les équipes ont pu se consacrer, au rez-de-chaussée, à la construction de la cuverie. Son vaste volume (9,70 m de hauteur sous faîtage) est mis en valeur par une charpente en chêne à l’ancienne, reposant sur une ossature structurelle en prémurs béton. L’assemblage de celle-ci a suivi un process très spécifique.

 

« Après avoir été choisi en scierie avec le client et l’architecte, le bois a été taillé à la main », précise l’homme de l’art. La charpente de grande dimension (29,40 m de long et 8,90 m de largeur) a ensuite été montée à blanc en atelier, puis démontée pour le transport avant d’être remontée sur le chantier, entièrement chevillée, sans vis ni clou !

 

Restait à assurer l’isolation du clos-couvert. « Les bâtiments bénéficient d’une inertie thermique exceptionnelle », assure Maxime Bauland. Les toitures sont isolées avec des panneaux de laine de bois en deux couches totalisant 40 cm d’épaisseur, et les murs sont constitués d’un complexe de 82 cm d’épaisseur comprenant 12 cm de laine de roche et une lame d’air de 5 cm.

 

Quant aux caves, enterrées à 8 m de profondeur, elles n’ont évidemment aucun besoin de climatisation !

 

© STUDIO INTUIVE LUDOVIC CAILLOT

Des matériaux locaux à impact contrôlé

Sur ce chantier, les matériaux ont été soigneusement sélectionnés pour limiter leur impact.

 

  • Les pierres de parement des façades (500 m2) sont issues de la déconstruction de l’existant.
    Les autres proviennent d’une carrière à proximité.
  • Le béton coulé en place est un béton bas carbone à base de ciment CEM II, dont 25 % du clinker a été remplacé par du filler calcaire.
    Cette utilisation a permis d’économiser 73 t de CO2 sur les 2 700 m3 de béton prêt à l’emploi (BPE).
  • Le bois de charpente provient de la forêt de Châtillon, en Côte-d’Or.
  • L’ensemble des déblais de terrassement (16 000 t) a été réutilisé en plateforme.

 

Par ailleurs, 95 % des travaux ont été réalisés par des entreprises locales, et 80 % des achats effectués auprès de fournisseurs de la région, dont la moitié à moins de trente minutes de route.

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