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- Conjoncture bâtiment
Envolée des prix sur les matériaux – Etat des lieux
Comment justifier la forte hausse des coûts que subissent les entreprises de construction, réalimentée par l’envolée des prix de l’énergie depuis l’automne 2021 ?
La note propose un point complet sur la crise des matériaux, à partir de données officielles, et évoque l’impact de cette situation sur les entreprises du bâtiment.
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Les index BT
Les index BT, calculés par l’Insee depuis février 2014, visent à refléter au mieux les coûts des entreprises, pour éviter des distorsions lors de l’application des formules de variation qui peuvent porter sur des montants très importants. Le calcul de tous les index BT (37 au total, adaptés aux différentes activités exercées par les entreprises) repose sur l’agrégation de six grands postes : salaires et charges, matériaux, matériel, énergie, transport, frais divers. Leur poids relatif, ainsi que la composition du poste « matériaux » s’avèrent propre à chaque index BT. La publication des index BT intervient avec trois mois de délais.
Ce décalage s’explique principalement par :
- la disponibilité des indices « salaires et charges » ;
- la fiabilité des indices de prix des matériaux, parfois même leur disponibilité. De fait, pour éviter les révisions de révisions de marché, les niveaux publiés des index BT sont définitifs, a contrario de ceux des indices de prix des matériaux. Il importe donc d’attendre la fiabilisation de ces derniers avant usage.
Calculé à partir des données de l’Insee et du Meps International, l’indicateur synthétique des prix des aciers pour le bâtiment construit par la FFB avec les représentants des industriels et négociants du secteur (Fédération française de l’acier –FFA, Fédération française des distributeurs de métaux –FFDM– et Association professionnelle des armaturiers –APA) s’affiche à +51,9 % sur la même période (cf. graphique 2). Après une légère inflexion sur octobre-novembre, ces mêmes acteurs annoncent une reprise du mouvement de hausse rapide sur le début 2022, sous l’effet du choc sur l’énergie (cf. infra.)
Les remontées du terrain confirment d’ailleurs un nouvel emballement sur le début 2022, avec des hausses annoncées régulièrement au-delà de 10 % et plus encore par rapport aux tarifs de la fin 2021, pour une large gamme de produits bâtiment. On peut citer le ciment, les tuiles et briques, les produits acier, le bois de construction et les panneaux (avec un problème de mesure dans les données officielles, cf. encadré ci-dessous), le polystyrène, la peinture, les résines, etc. Par ailleurs, on relève des durées de validité (très) courtes sur les bordereaux de prix, parfois même à nouveau des demandes de prise de commandes sans engagement de prix.
Des prix des produits bois pour le bâtiment mal suivis
Les indices officiels de prix des produits bois pour le bâtiment ne reflètent plus la réalité de 2021. De fait, l’Insee mobilise trois séries de prix dans les index BT des métiers concernés : « charpentes et menuiseries de bâtiment, en bois » (code 010534125), en hausse de 13,7 % sur 2021 ; « autres éléments de menuiserie et de charpente » (code 010534578), qui affiche un renchérissement de 13,5 % sur la même période ; « panneaux et placages à base de bois » (code 010534121), en progression de 43,4 % toujours sur 2021, mais cet indicateur ne pèse que 24,1 % du poste matériaux du seul BT18a.
Or, les remontées du terrain signalent un doublement des prix de ces produits en phase aigüe de la crise. Sur une période un peu plus longue, entre les deuxièmes moitiés de 2020 et de 2021, une enquête de l’UMB-FFB après d’une quarantaine d’entreprises fait état d’une hausse moyenne de 55 % des produits bois facturés (plus d’une centaine de références).
Encore plus en amont, du côté des cours des matières premières qui orientent les prix de demain, les données de l’Insee révèlent, entre décembre 2020 et décembre 2021, des progressions toujours très soutenues de l’étain (+115,1 %, voir graphique 3), de l’aluminium (+43,8 %), du cuivre (+32,5 %), du zinc (+31,5 %), du Nickel (+28,5 %) et du plomb (+22,9%).
En revanche, on relève une chute du minerai de fer (-19,0 %), qui s’explique en réalité par un effondrement entre juillet et novembre (-53,4 %), avant un rebond en décembre (+22,7 %).
Un effet de deuxième tour s’est dessiné, avec l’envolée des prix de l’énergie et des émissions de CO2 (voir graphique 4) depuis l’automne 2021. Sur l’ensemble de l’année, les prix de gros en euros explosent ainsi de plus de 590 % pour le gaz, de 471 % pour l'électricité, de 73 % pour le baril de pétrole et de 157 % pour la tonne de CO2. Or, la production de certains des intrants du bâtiment déjà impactés par la crise des matériaux (acier, aluminium, verre, PVC, plastiques, …), mais aussi d’autres jusque-là épargnés (ciment, briques et tuiles, carrelages, …) s’avère intensive en énergie et (fortement) émettrice de CO2.
De plus, certains matériels et matériaux connaissent un fort allongement des délais de livraison, voire des ruptures d’approvisionnement dans des cas particuliers. C’est notamment le cas pour les chaudières et pompes à chaleur, les produits acier, bois ou polystyrène. L’enquête de l’Insee auprès des entreprises de bâtiment de plus de 10 salariés révèle ainsi qu’environ 14 % d’entre elles se trouvent contraintes dans leur niveau de production par cette difficulté depuis juin 2021 (voir graphique 5). Il faut remonter à la reprise du début des années 2000 pour retrouver un tel niveau.
Or, la plupart des marchés du bâtiment se signent à prix fermes et non révisables d’une part, prévoient d’autre part la sanction des retards d’exécution par application de pénalités1. Pour les entreprises de bâtiment, ces contrats risquent donc de se solder par une double perte : celle liée à la hausse « non répercutable » des matériaux et équipements mis en œuvre, plus celle causée par une livraison en retard. Et il s’agit d’un risque systémique dans certains métiers, puisqu’il affecte l’ensemble de leurs chantiers.
Or, ces problèmes viennent s’ajouter à une situation déjà difficile pour les entreprises. De fait, les Comptes de la Nation publiés par l’Insee révèlent, qu’après réaffectation de la rémunération du travail des chefs d’entreprises non salariés, les marges opérationnelles (EBE/VA) dans la construction restent en net retrait par rapport à la situation d’avant crise, à 23,3 % au troisième trimestre 2021 contre 26,9 % fin 2019 (cf. graphique 7). Le rebond du troisième trimestre 2020 semble s’être enrayé depuis, avec même un nouveau fléchissement en fin de période.
Malgré ce fléchissement partagé du troisième trimestre 2021, le secteur se distingue clairement de l’industrie manufacturière2, qui avait peu ou prou renoué avec sa situation d’avant pandémie jusqu’alors, et plus encore des services marchands considérés comme un tout (hors immobilier et secteur financier), où les marges ressortaient clairement au-dessus du niveau de la fin 2019 avant le choc récent, notamment grâce aux puissants dispositifs de soutien publics qui ont permis au secteurs fermés administrativement de garder la tête hors de l’eau.
Deux raisons principales expliquent l’écart entre bâtiment et autres grandes branches :
- une érosion de la part de la valeur ajoutée dans la production (37,8 % au troisième trimestre 2021 contre 39,8 % en moyenne sur 2019) ;
- mais surtout une très forte part des rémunérations dans la valeur ajoutée (65,5 % au troisième trimestre 2021 contre 60,4 % en moyenne sur 2019), le constat valant d’ailleurs pour la masse salariale comme pour les cotisations sociales employeurs.
En d’autres termes, parce qu’elle est la seule des grandes branches à avoir embauché (+66 700 salariés sur les trois premiers trimestres de 2021 par rapport aux mêmes trimestres de 2019, +60 400 y compris intérim en équivalent-emplois à temps plein), la construction se trouve pénalisée dans ses marges. Le choc sur les matériaux pourrait remettre totalement en cause cet effort. De fait, depuis mai 2021, certaines entreprises de bâtiment mettent en activité partielle leurs compagnons, faute de livraison sur les chantiers ; d’autres dénoncent unilatéralement des marchés signés mais non commencés, la pénalité qui pourrait s’en suivre s’avérant un risque moindre que les pertes anticipées en réalisant le chantier au prix initialement convenu.
1 Les cahiers de clauses administratives générales (CCAG) prévoient 1/3 000ème du prix de l’ouvrage confié par jour de retard pour la commande publique, tout comme la NF P 03 001 pour la commande privée et le Contrat de construction de maison individuelle. Toutefois, les clausiers spécifiques à chaque marché retiennent souvent des taux bien plus élevés.
2 Cela vaut aussi pour le seul groupe des « autres branches industrielles » i.e. hors industries agro-alimentaires, cokéfaction et raffinage, biens d'équipement et matériels de transport. En réalité, seul ce dernier sous-ensemble semble ne pas participer du constat d’ensemble, avec des marges encore très basses par rapport à 2019.
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