Les risques liés à la qualité de l'eau

De nombreux désordres rencontrés sur les réseaux de chauffage ou d’ECS ont une origine commune : la qualité de l’eau. Afin d’y remédier, il est nécessaire de mettre en place un traitement adapté aux caractéristiques de l’eau.

Focus sur les principaux désordres rencontrés et quelques bonnes pratiques pour y remédier.

14:0618/05/2022
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Principaux désordres rencontré sur une installation de chauffage

La qualité de l’eau est primordiale pour la pérennité d’une installation de génie climatique. Les installations de chauffage, de climatisation et de production d’eau chaude utilisent dans une très large majorité de l’eau comme fluide caloporteur, qui peut être à la source de nombreux désordre. L’entartrage, la corrosion ou l’embouage sont la cause majeure des dégâts dans les installations de chauffage et ont un impact autant sur la performance que sur le rendement d’une installation.

La diversité des paramètres à prendre en compte et les particularités de chaque installation ne facilitent pas sa bonne compréhension. De plus, il n’existe pas de réglementation ou de texte précis sur le sujet. L’évolution technologique de certains éléments de conception est susceptible de jouer également un rôle dans l’apparition de ces désordres :

  • Des matériaux de plus en plus minces
  • Des sections de passage plus faibles (corps de chauffe plus compacts, radiateurs de plus en plus fins et design, généralisation des planchers chauffants…)
  • Une diversification des matériaux employés
  • Un fonctionnement à basse température

Diverses conséquences peuvent alors être observées sur l’installation, notamment :

  • Une perte de rendement (diminution des échanges thermiques, augmentation des pertes de charge, déséquilibrage des réseaux…)
  • Une diminution des débits et une obstruction partielle ou totale des canalisations liées à la formation de dépôts (boue, tartre)
  • Des surchauffes locales au niveau du générateur pouvant causer des déformations voire des ruptures générant des fuites
  • Un grippage des vannes

Revenons sur les trois principaux phénomènes rencontrés dans les réseaux d’eau.

Tartre

Les dépôts calcaires se produisent souvent par l’assemblage des minéraux présents naturellement dans l’eau, accentué par l’effet de la chaleur. Appelé tartre une fois solidifié, ce phénomène d’entartrage est très présent sur les réseaux d’eau chaude sanitaire et notamment au niveau de la production. Le titre hydrotimétrique TH (exprimé en degré français °F) ou dureté de l’eau indique la concentration dans l’eau du calcium (Ca2+) et du magnésium (Mg2+) intervenant dans la formation du tartre et permet à cette grandeur d’estimer la capacité d’entartrage d’une eau.

Il est à noter qu’un dépôt de seulement 1 mm d’épaisseur dans le corps de chauffe d’une chaudière diminue de 10 % son rendement car le calcaire est un très bon isolant. Afin de prévenir l’entartrage, des recommandations sont données par les fabricants pour ne pas dépasser une valeur maximale de dureté de l’eau (TH).

Corrosion

Les phénomènes de corrosion dans les réseaux d’eau sanitaire ne sont pas nécessairement liés directement à la qualité de l’eau. La nature des matériaux, leur mise en œuvre, les conditions d’exploitation du réseau peuvent également en être responsables. La qualité de l’eau peut cependant aggraver ces phénomènes, notamment dans les réseaux en acier galvanisé (figure 1).

Figure 1 - Echelle galvanique

Concernant les réseaux de chauffage en circuit fermé, les réactions d’oxydation des composants métalliques ont souvent pour origine l’introduction d’oxygène dans l’installation, provoquant ainsi des formes différentes de corrosion mais dont la particularité principale est la détérioration d’un matériau accompagné d’une perte de matière. La corrosion devient négligeable après consommation de l’oxygène de l’installation dans un circuit fermé. Néanmoins, cet oxygène peut se réintroduire par différents moyens : appoint d’eau fréquent, mauvaise étanchéité des joints, utilisation de canalisations plastiques sans barrière BAO… et la corrosion se poursuit.

Les trois formes de corrosion les plus répandues dans les installations de chauffage sont :

  • La corrosion érosion : dégradation due à la présence de particules en suspension venant se heurter contre la paroi ou due à une vitesse de fluide trop élevée
  • La corrosion par aération différentielle : la zone corrodée étant la zone la moins oxygénée et engendrant une présence de dépôt
  • La corrosion galvanique (électrolyse ou phénomène de pile) : se produit lors de l’assemblage de deux métaux différents en contact via l’eau. Le métal le moins noble est attaqué par le métal le plus noble

Embouage

L’embouage, sinistre le plus fréquent dans les réseaux de chauffage, peut avoir diverses causes. Au-delà des phénomènes d’entartrage et de corrosion déjà mentionnés, la prolifération de bactéries filamenteuses ou d’algues peut être à l’origine des boues. Cela est d’autant plus favorisé par l’utilisation de réseaux basse température (par exemple un plancher chauffant), par la présence d’oxygène ou par une vitesse faible dans le circuit (figure 2).

Figure 2

Aux dires des professionnels, un constat est récurrent : sans traitement, l’embouage d’une installation se traduit bien souvent au final par un percement de la chaudière ou de l’émetteur ou un blocage des pompes de circulation. Il semble effectivement que le mariage entre divers matériaux sur une même installation, un mauvais dimensionnement de l’installation, une présence excessive d’oxygène par des appoints d’eau importants, une maintenance inexistante ou inappropriée favorise l’embouage des installations.

Face à ce constat, un désembouage ne sera alors efficace que si un diagnostic technique permettant une meilleure compréhension de ces pathologies est réalisé au préalable.

Pour désembouer une installation de chauffage, le professionnel peut utiliser différentes méthodes et différents réactifs, mais quoi qu’il en soit, il lui est recommandé de bien veiller à la compatibilité des produits utilisés avec les matériaux de l’installation. Suivant la méthode utilisée, le désembouage peut nécessiter un arrêt de l’installation. Dans le détail, deux types de nettoyage peuvent être utilisés :

  • Un nettoyage mécanique (rinçage à grand débit d’eau ou rinçage avec double pression d’air et d’eau – hydropneumatique), généralement en complément des traitements curatifs à l’aide de produits chimiques
  • Un nettoyage chimique ayant pour objectif de désincruster les dépôts, de les fragmenter et de les maintenir en suspension pour une évacuation par rinçage

Le professionnel peut également utiliser des méthodes de traitement en continu dites "douces", généralement mises en œuvre sur les installations collectives et ne nécessitant pas un arrêt de l’installation. Le traitement, alors peu "agressif", est plus long que le désembouage avec arrêt et permet de progressivement mettre en suspension les boues pour qu’elles soient captées par le clarificateur. L’application d’un traitement préventif contre la corrosion et le tartre vient à la fin.

Mesure de la qualité de l’eau pour les circuits fermés

La connaissance de la qualité et de la composition de l’eau est essentielle pour pouvoir proposer un traitement. Il est possible de réduire ces désordres grâce une analyse de l’eau révélatrice de la cartographie chimique de l’installation.

Lors de la mise en service et du suivi de l’installation, une attention particulière doit être portée par le professionnel à la qualité de l’eau des circuits de chauffage. Généralement, les fabricants exigent une adaptabilité de certaine grandeur caractéristique de l’eau à leurs matériels et non l’inverse, tributaire de la prise sous garantie en cas de dommages à leurs pièces si ces caractéristiques ne sont pas respectées.

Ainsi les principaux indicateurs de la qualité d’eau sont résumés dans le tableau ci-après :

Paramètre clé de la qualité de l'eau  A quoi sert cette caractéristique ?

pH

(potentiel hydrogène)

  • Connaître le caractère acide, neutre ou basique
  • Connaître la plage de passivation des métaux
  • Eau plutôt acide : propice à la corrosion
  • Eau plutôt basique ou alcaline : propice au tartre

 TH

(Titre Hydrotimétique ou dureté de l'eau)

  •  Indique la concentration dans l'eau du calcium (Ca2+) et le magnésium (Mg2+) intervenant dans la formation de tartre

 TAC

(Titre Alcalimétrique Complet)

  • Traduit la présence de plusieurs minéraux dont l'ion carbonate (Co32-) intervenant dans la formation de tartre
Conductivité
  • Capacité d'un fluide à laisser passer le courant
  • Plus l'eau est minérale, plus il est conducteur et l'effet de corrosion est important
Ions métalliques
  • La présence d'ions métalliques (fer, cuivre, ...) dans l'eau est un indicateur de corrosion
Ions chlorure
  • Favorisent la corrosion de certains matériaux comme le cuivre et l'acier inoxydable
  • Seuil de concentration imposé par la réglementation pour la consommation humaine
Turbidité
  • Caractéristique d'une eau trouble ou limpide

Bon à savoir : Résultats du contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable en ligne, commune par commune

Le site du ministère de la sante permet d’accéder directement aux résultats du contrôle sanitaire réalisé par les ARS en fonction de la région et de la commune choisie : MINISTERE SANTE 

Réduction des risques et prévention des désordres

Afin de lutter efficacement contre ces désordres, il est recommandé de prendre en compte ces problématiques à toutes les étapes de la vie d’une installation : conception, réalisation, mise en service, maintenance voire à l’exploitation. Le choix des produits de traitement (inhibiteurs de corrosion, produits antitartre…) doit être effectué avec l’aide d’un spécialiste car ces traitements doivent respecter quelques règles (empêcher la formation de tartre, de corrosion, de boue, protéger les métaux et être compatibles avec ces derniers, être stables et efficaces sur le long terme, correspondre aux réglementions en vigueur notamment pour la production d’eau chaude sanitaire…).

La qualité d’une eau de chauffage peut varier dans le temps. C’est pourquoi il est fortement recommandé aux professionnels d’intégrer un contrôle régulier de la qualité des eaux du circuit (pH, TH, TAC, conductivité, taux de fer, de cuivre…).

Une analyse d’eau isolée, réalisée à un instant donné, ne permet pas d’apprécier par comparaison l’évolution des grandeurs dans le temps. Avant tout désembouage, il est donc nécessaire de faire un diagnostic de l’installation qui a pour rôle de trouver la ou les causes du désordre (analyse de l’historique, examen du réseau et analyses de l’eau et des dépôts) afin de déterminer l’intérêt, la faisabilité, la méthode de désembouage et le choix du traitement adapté. Par ailleurs, en prenant l’exemple d’une installation multi matériau où l’on peut retrouver une incompatibilité entre les plages de pH, le choix de la meilleure solution de traitement préventif est déterminant pour lutter contre la corrosion.

De plus, une vérification des canalisations et des raccords permettant de mettre en évidence une éventuelle fuite susceptible de laisser entrer l’oxygène doit être effectuée. Pour les circuits fermés de chauffage, en complément d’un traitement préventif, d’autres équipements nécessitent d’être installés :

  • Pour éviter d’introduire de l’eau dans le circuit, et donc à nouveau de l’oxygène, la mise en place d’un vase d’expansion bien dimensionné, qui compensera la dilation de l’eau du circuit lors de la montée de température et en maintiendra la pression, est primordiale
  • Des dispositifs de captation des boues en point bas de l’installation (pot à boue, filtre ou clarificateur) permettent de retenir les particules du circuit et de protéger la chaudière
  • Des dispositifs de dégazage (purgeur, séparateur d’air et centrale de dégazage) en sortie de chaudière et point haut permettent d’évacuer tous les gaz du réseau et surtout l’oxygène
  • Les vannes de vidange et d’isolement sont nécessaires pour rincer le circuit et vidanger l’installation
  • Des bouteilles de découplage peuvent jouer un rôle de décantation des boues et de dégazage
  • La mise en place de compteurs d’eau permet de quantifier l’appoint pour un dosage précis de l’inhibiteur de corrosion

Contaminations bactériennes dans les réseaux sanitaires

L’eau est un milieu favorable au développement d’organismes vivants tels que les bactéries. Dans les réseaux d’eau chaude sanitaire, les bactéries les plus connues et les plus surveillées sont les légionelles. Ces bactéries provoquent une maladie respiratoire nommée la légionellose. La contamination se fait par inhalation de gouttelettes d’eau contenant des bactéries en suspension dans l’air. Cette maladie à déclaration obligatoire touche plus particulièrement les personnes présentant des facteurs favorisants et peut prendre des formes bénignes à graves, voire mortelles dans environ 11 % des cas.

Les circuits de distribution d’eau chaude sanitaire peuvent donc constituer un milieu favorable au développement de la bactérie. Les équipements diffusant des aérosols comme les douches peuvent alors être impliqués dans la survenue de cas de légionellose.

Les mesures préventives

Les points fondamentaux de prévention pour la maîtrise du risque de développement des légionelles sont :

  • éviter la stagnation et assurer une bonne circulation de l’eau
  • lutter contre l’entartrage et la corrosion par un entretien adapté à la qualité de l’eau et aux caractéristiques de l’installation
  • maîtriser la température de l’eau dans les installations depuis la production et tout au long des circuits de distribution

La suppression ou la réduction des bras morts, la diminution des volumes de stockage de l’eau, l’augmentation et la maîtrise de la température de maintien peuvent être assurées par une bonne configuration de l’installation. La suppression des incrustations calcaires, des boues et du biofilm peut être obtenue par un nettoyage complet de l’installation. Une bonne maintenance d’installation est en effet une condition indispensable pour lutter contre la prolifération des légionelles. Enfin, le choix judicieux du matériau de canalisation permet de limiter les risques de prolifération des légionelles.

Les mesures curatives

Les traitements de désinfection peuvent être thermiques ou chimiques. Le choc thermique consiste à faire circuler de l’eau à une température de 70 °C pendant une durée de 30 minutes dans l’ensemble du réseau. Ce type de traitement est incompatible avec les conditions d’exploitation d’un réseau en acier galvanisé ou avec certains matériaux en matière plastique. Les traitements chimiques ou "chocs chlorés" consistent en l’introduction de produits chlorés en plus ou moins forte concentration.

L’arrêté du 30 novembre 2005

L’arrêté du 30 novembre 2005 relatif aux installations fixes destinées au chauffage et à l’alimentation en eau chaude sanitaire des bâtiments d’habitation, des locaux de travail ou des locaux recevant du public précise que pour limiter le risque lié au développement des légionelles dans les systèmes de distribution d’eau chaude sanitaire sur lesquels sont susceptibles d’être raccordés des points de puisage à risque, les exigences suivantes doivent être respectées pendant l’utilisation des systèmes de production et de distribution d’eau chaude sanitaire et dans les 24 heures précédant leur utilisation :

  • Lorsque le volume entre le point de mise en distribution et le point de puisage le plus éloigné est supérieur à 3 litres, la température de l’eau doit être supérieure ou égale à 50 °C en tout point du système de distribution, à l’exception des tubes finaux d’alimentation des points de puisage. Le volume de ces tubes finaux d’alimentation est le plus faible possible, et dans tous les cas inférieur ou égal à 3 litres
  • Lorsque le volume total des équipements de stockage est supérieur ou égal à 400 litres, l’eau contenue dans les équipements de stockage, à l’exclusion des ballons de préchauffage, doit être en permanence à une température supérieure ou égale à 55 °C à la sortie des équipements ou être portée à une température suffisante au moins une fois par 24 heures (voir tableau ci-après).
 Durée minimale d'élévation quotidienne de la température de l'eau dans les équipements de stockage à l'exclusion des ballons de préchauffage
Temps minimal de maintien de la température Température de l'eau
2 minutes > ou égale à 70°C
4 minutes > ou égale à 65°C
60 minutes > ou égale à 60°C

Surveillance dans les ERP

Les ERP ont des obligations de surveillance des légionnelles selon les dispositions de l’arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de production, de stockage et de distribution d’eau chaude sanitaire.

Le responsable d’installation (propriétaire, directeur de l’établissement ou exploitant contractuellement délégué) a notamment l’obligation de mettre en œuvre une surveillance de ses installations collectives d’eau chaude sanitaire reposant sur des mesures de la température de l’eau et des campagnes d’analyse des légionelles.

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