Suspension de délais pendant l’état d’urgence sanitaire : le droit de rétractation immobilier de vos clients n’est pas concerné !

Le gouvernement a suspendu certains délais légaux et réglementaires pour permettre de différer certaines démarches rendues impossibles du fait de l’obligation de confinement. Suite aux alertes de la FFB, une ordonnance vient de préciser que cette suspension n’est pas applicable aux délais de rétractation dont bénéficient les maîtres d’ouvrage et acquéreurs non professionnels dans le cadre d’un CCMI et d’une VEFA notamment.
10:1323/04/2020
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Les compromis de vente, les promesses de vente, les contrats de réservation et les contrats de construction de maisons individuelles sont bien souvent signés sous conditions suspensives.

 

Ces conditions suspensives permettent de signer le contrat tout en se laissant le temps de procéder à des démarches administratives (obtention d’un prêt, d’un permis de construire, d’une garantie financière, d’une assurance…). En CCMI, il est également classique de prévoir une condition suspensive de signature de l’acte d’achat du terrain.

 

Si une telle condition ne se réalise pas dans le délai fixé au contrat, le contrat sera caduc. Cela veut dire que le contrat sera considéré comme n’ayant jamais été signé et les parties seront libérées de leurs obligations. Si un dépôt de garantie ou une indemnité d’immobilisation a été versé(e), il (ou elle) devra être restitué(e) à l’acquéreur ou au maître de l’ouvrage, sans retenue ni pénalité.

L’article 1304-3 du Code civil prévoit qu’une condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. Dans ce cas, il n’y a pas caducité du contrat.

 

A titre d’exemple, la Cour de cassation a considéré que la condition suspensive d’obtention d’un prêt était réputée réalisée lorsque le bénéficiaire d’une promesse de vente avait sollicité un prêt à un taux d’intérêt bien inférieur au taux indiqué dans le contrat1.

  1. Arrêt Cass 3e civ 20 novembre 2013 n°12-29021

L’état d’urgence sanitaire rend laborieuses certaines démarches administratives liées à la réalisation des conditions suspensives. L’instruction des demandes de permis est par exemple stoppée dans bon nombre de communes et la plupart des établissements bancaires fonctionnent au ralenti. Certaines conditions risquent donc de ne pas être réalisées dans le délai prévu au contrat.

 

Les délais prévus dans les contrats immobiliers pour réaliser une condition suspensive sont-ils reportés ou suspendus du fait de l’état d’urgence sanitaire ?

 

Pour faire face aux conséquences de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a publié une ordonnance1 reportant le terme ou l’échéance pour les actes prescrits par la loi ou le règlement qui devaient être réalisés entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (soit le 24 juin 2020).

 

La circulaire d’application de cette ordonnance, publiée par le ministère de la justice, rappelle que cela ne vise que les actes prescrits par la loi ou le règlement et les délais légalement impartis pour agir. Les délais d’origine contractuelle ne sont pas affectés par ce texte. Les conditions suspensives prévues dans les contrats immobiliers ne sont donc pas concernées, même si le délai prévu pour leur réalisation expire entre le 12 mars et le 24 juin 2020. 

  1. Ordonnance n°2020- 306 du 25 mars 2020, publiée au JO du 26/03/2020

Y a-t-il une exception pour la condition suspensive d’obtention d’un prêt ?

 

L’article L313-41 du Code de la consommation prévoit que :

  • lorsque la construction ou l’acquisition d’un logement est financée par un crédit immobilier, le contrat est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement ;
  • et que la durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois.

 

Cette condition suspensive est donc imposée par la loi, qui prévoit même sa durée minimale.

 

Comme la plupart des délais légaux ont été reportés s’ils devaient prendre fin entre le 12 mars et le 24 juin 2020, il était légitime de penser que le délai de réalisation d’une condition suspensive d’obtention d’un prêt était concerné.

 

Le ministère de la Justice a toutefois publié une fiche qui indique clairement que la condition suspensive d’obtention d’un prêt (comme toutes les autres conditions suspensives) est exclue du dispositif de report des délais :

« Il n’en va pas différemment pour la condition suspensive d'obtention d'un prêt prévue à l’article L313-41 du Code de la consommation. Cette condition suspensive reste en effet d’origine contractuelle, même si la loi aménage cette condition. La loi prévoit seulement qu’en cas de financement de la vente par un prêt, l’obtention de ce prêt doit être une condition suspensive du contrat. Pour autant la condition reste contractuelle ; en outre la loi impose seulement un délai minimal pour l’accomplissement de cette condition, fréquemment allongé contractuellement. Au demeurant le mécanisme de la condition suspensive n’est pas un acte prescrit par la loi ou le règlement à peine de sanction. Par conséquent les conditions suspensives d’obtention d’un prêt dont le délai de réalisation arrive à échéance pendant la période juridiquement protégée ne sont pas prorogées ».

 

Ainsi, si une promesse de vente prévoit une condition suspensive d’obtention du prêt qui expire le 27 avril 2020, cette promesse sera caduque si le prêt n’est pas obtenu à cette date.

 

Comment sécuriser les contrats signés contenant des conditions suspensives ?

 

Il est impératif de procéder à un audit des contrats signés pour identifier ceux pour lesquels les conditions suspensives risquent de ne pas pouvoir être levées dans le délai contractuel. A noter que certains contrats prévoient automatiquement un report du délai de réalisation des conditions suspensives si celles-ci n’ont pas pu être réalisées dans le délai prévu.

 

Si ce n’est pas le cas ou si la prolongation prévue n’est pas suffisante, il est impératif de proposer à vos clients la signature d’un avenant pour allonger le délai de réalisation des conditions suspensives.

L’avenant devra obligatoirement être signé par toutes les parties au contrat, avant la fin du délai de réalisation des conditions suspensives. Il ne faut pas s’y prendre au dernier moment car si la date prévue au contrat (le cas échéant prolongée selon les modalités contractuelles prévues) est dépassée, le contrat sera caduc et ne pourra plus faire l’objet d’un avenant, puisqu’il sera considéré comme n’ayant jamais existé. Il faudra alors procéder à la signature d’un nouveau contrat !
Dans le cadre d’un CCMI, une fois signé par toutes les parties, l’avenant devra être envoyé à chaque partie, par lettre recommandée avec accusé de réception, afin de purger le droit des clients de se rétracter de l’avenant. En CCMI, les juges ont en effet retenu que tout avenant modifiant l’un des éléments visés par l’article L231-2 du CCH doit faire l’objet d’une notification par lettre recommandée, le maître de l’ouvrage disposant alors d’une faculté de rétractation, au titre de l’article L271-1 du CCH1 . Le délai de réalisation des conditions suspensives ayant une influence directe sur la date d’ouverture du chantier, il est fortement conseillé de purger ce droit de rétractation pour un avenant de prolongation du délai de réalisation des conditions suspensives. L’avenant devra informer les clients de cette faculté de rétractation.
  1. Arrêt Cass. 3e civ. 30 janvier 2019 n°17-25.952

Pour rappel, les délais de rétractation ne sont pas suspendus pendant l’état d’urgence sanitaire. La signature électronique de cet avenant et sa notification par lettre recommandée électronique sont possibles, à condition d’utiliser des outils respectant les exigences réglementaires.

 

Pour les promesses unilatérales de vente : pensez également à prolonger le délai de levée d’option d’achat !

 

Une promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui scelle un engagement entre un vendeur et un potentiel acheteur (par exemple un vendeur de terrain et un promoteur, ou un aménageur et des particuliers intéressés par un terrain en lotissement).

 

Elle permet de réserver un terrain, une maison ou un immeuble à un futur acquéreur, qui dispose alors d'un délai pour décider ou non d’acheter (= délai de levée d’option d’achat).

 

En échange, une indemnité d'immobilisation est généralement versée au vendeur. Si l’acquéreur ne confirme pas sa volonté d'acquérir dans le délai prévu, la promesse est caduque et le vendeur retrouve sa liberté de vendre à quelqu’un d’autre, tout en conservant l’indemnité d’immobilisation prévue.

 

A noter que bien souvent des conditions suspensives sont prévues pour protéger l’acquéreur qui ne lèverait pas l’option faute d’avoir obtenu son prêt ou son permis de construire. Comme vu précédemment, en cas de non réalisation d’une condition suspensive, l’acquéreur pourra ne pas lever l’option d’achat tout en récupérant l’indemnité d’immobilisation qu’il a versé au vendeur. A noter que de plus en plus de promesses de vente sont signées sans condition suspensive d’obtention d’un prêt par exemple.

 

Or, comme indiqué précédemment, les délais contractuels ne sont pas suspendus ou prolongés pendant l’état d’urgence sanitaire. La circulaire d’application précitée indique clairement que le délai accordé à un acquéreur pour lever l’option d’achat, dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente, continue donc de courir et n’est pas prolongé.

 

Il faudra là aussi procéder à la signature d’un avenant à la promesse pour prévoir une prolongation contractuelle du délai de levée d’option d’achat.

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