Loi relative à la sous-traitance : 50 ans déjà ! - sous-traitants, quels outils pour vous protéger ?

La loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance fête ses 50 ans cette année. C’est l’occasion de faire un point sur les mécanismes de protection qu’elle a instaurés, et qui restent encore bien souvent méconnus ou ignorés par les entreprises. Ils sont pourtant essentiels pour instaurer des relations contractuelles équilibrées.
9:0928/04/2025
Rédigé par FFB Nationale

Genèse et impact d’une loi essentielle

 

Dans les années 1970, en pleine crise économique, l’entreprise titulaire d’un marché qui faisait faillite mettait ses sous-traitants en situation d’impayés, et par effet domino, de nombreuses entreprises étaient contraintes de mettre la clé sous la porte.

 

Il était dès lors primordial d’instaurer de nouvelles règles plus protectrices.

 

C’est ainsi que la loi 1 relative à la sous-traitance a été adoptée le 31 décembre 1975. Ce texte a marqué une évolution majeure du droit des contrats, bouleversant les usages en vigueur.

 

Les mécanismes de protection prévus par la loi

 

La loi sur la sous-traitance a introduit des mécanismes fondamentaux visant à protéger les sous-traitants et à sécuriser leurs paiements.

 

Une loi d’ordre public 2

 

Cette loi a un caractère d’ordre public, ce qui signifie que ses règles sont obligatoires et ne peuvent être modifiées par un simple accord entre les parties, dans le contrat.

 

Cette règle obligatoire vise à protéger les sous-traitants, qui se trouvent souvent dans une position fragile face aux entreprises principales.

 

Ainsi, toute clause contractuelle contraire aux dispositions de la loi est nulle et donc inapplicable.

 

L’obligation de faire accepter le sous-traitant par le maître d’ouvrage et de faire agréer ses conditions de paiement 3

 

La loi a introduit des exigences en matière de transparence. Afin de protéger aussi bien les sous-traitants que les maîtres d’ouvrage, l’entrepreneur principal est tenu de faire accepter son sous-traitant et de faire agréer ses conditions de paiement par le maître d’ouvrage, que le marché soit public ou privé.

 

Le maître d’ouvrage doit donc donner son accord à l’intervention du sous-traitant.

 

Dans le même souci de transparence, la loi impose à l’entreprise principale de communiquer le contrat de sous-traitance au maître d’ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.

 

Le paiement direct des sous-traitants de rang 1 dans les marchés publics 4

 

La loi a rendu obligatoire le paiement direct par le maître d’ouvrage public pour tous les sous-traitants de rang 1 dont le montant des travaux est supérieur à 600 € TTC.

 

Afin de renforcer l’efficacité de ce dispositif et de prévenir toute tentative de contournement, la loi interdit formellement toute renonciation contractuelle au paiement direct. Cela signifie que, même si l’entrepreneur principal et le maître d’ouvrage en conviennent, ils ne peuvent pas écarter cette obligation, ce qui assure une protection renforcée pour les sous-traitants de rang 1 5.

 

L’action directe du sous-traitant contre le maître d’ouvrage 6

 

La loi a prévu un mécanisme, appelé « l’action directe » permettant au sous-traitant qui n’est pas payé par l’entreprise principale de demander directement le paiement au maître d’ouvrage.

 

Cependant, l’action directe n’est possible que sous certaines conditions : le sous-traitant doit avoir été accepté par le maître d’ouvrage, et ce dernier doit avoir agréé les conditions de paiement spécifiées dans le contrat de sous-traitance.

 

Le mécanisme prévu est assez simple à mettre en oeuvre. En cas d’impayé, le sous-traitant doit mettre en demeure l’entreprise principale, et adresser une copie de la mise en demeure au maître d’ouvrage. Si, dans le délai d’un mois, l’entreprise principale n’a toujours pas payé le sous-traitant, celui-ci peut exiger le paiement au maître d’ouvrage.

 

Attention : les obligations du maître d’ouvrage se limitent aux sommes qu’il doit encore à l’entreprise principale à la date de réception de la copie de la mise en demeure. Il est donc crucial d’envoyer rapidement la mise en demeure, afin de permettre au maître d’ouvrage de suspendre tout paiement à l’entreprise principale en attendant le règlement des sommes dues au sous-traitant.

 

La garantie de paiement pour les sous-traitants hors paiement direct 7

 

Pour les sous-traitants qui ne bénéficient pas du mécanisme de paiement direct, la loi impose à l’entreprise principale de fournir une garantie de paiement obligatoire au sous-traitant afin de sécuriser leurs paiements 8.

 

Cette garantie peut prendre l’une des deux formes suivantes :

 

  • une caution personnelle et solidaire, obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié et agréé (généralement, il s’agira d’établissements bancaires) ;
  • une délégation de paiement, acceptée par le maître d’ouvrage. Il s’agit ici d’un accord du maître d’ouvrage de payer directement le sous-traitant en lieu et place de l’entreprise principale.

 

Cependant, il est fréquent que l’entreprise principale ne fournisse pas cette garantie de paiement, tandis que certains sous-traitants ne la demandent pas, souvent par méconnaissance de leurs droits. Cette négligence peut s’avérer préjudiciable, car elle expose les sous-traitants au risque d’impayés, malgré les protections prévues par la loi.

 

La jurisprudence est venue renforcer cette exigence en imposant à l’entreprise principale de fournir la garantie avant la signature du contrat, ou, si les travaux ont déjà commencé, avant leur exécution effective 9.

 

À noter : des modèles de contrats de sous-traitance sont proposés par la FFB (conditions générales, conditions particulières et conditions particulières simplifiées). Un Mémento du sous-traitant, reprenant l’ensemble des règles applicables en matière de sous-traitance, est également disponible. Il contient de nombreux modèles de courriers et documents (modèles de courrier permettant de déclarer le sous-traitant au maître d’ouvrage, ou d’acte de caution de garantie de paiement…) facilitant le respect par l’entreprise principale de ses obligations légales. Demandez-les à votre fédération départementale.

 

Des sanctions dissuasives pour assurer le respect de la loi

 

Les sanctions pour nondéclaration du sous-traitant au maître d’ouvrage 10

 

La résiliation du contrat par le sous-traitant : pour obliger l’entreprise principale à faire accepter le sous-traitant et agréer ses conditions de paiement par le maître d’ouvrage, la loi prévoit une sanction claire ; si cette double exigence n’est pas respectée, l’entrepreneur principal reste engagé vis-à-vis du sous-traitant, mais ne peut plus se prévaloir du contrat à son encontre. Cette sanction implique que le sous-traitant peut résilier le contrat à tout moment.

 

La sanction visant le maître d’ouvrage 11 : la loi impose au maître d’ouvrage, dès lors qu’il constate la présence d’un sous-traitant non déclaré sur le chantier, de mettre en demeure l’entreprise principale de régulariser la situation. En cas d’inaction, il engage sa responsabilité et peut être condamné à indemniser le sous-traitant pour le préjudice subi (ici il s’agira le plus souvent du paiement des sommes dues par l’entreprise principale au sous-traitant).

 

Les sanctions prévues par d’autres textes : le non-respect de cette obligation peut donner lieu à des sanctions contractuelles, prononcées par le maître d’ouvrage, mais également à une amende administrative prévue par le Code du travail. Le CCAG-Travaux 12 ainsi que la norme NF P 03-001 13 prévoient que le maître d’ouvrage peut résilier le marché conclu avec l’entreprise principale si celle-ci ne déclare pas ses sous-traitants, en violation des obligations légales.

 

En outre, l’article L. 8271-1-1 du Code du travail sanctionne de 7 500 € d’amende les entreprises principales qui n’ont pas déclaré leurs sous-traitants au maître d’ouvrage.

 

Les sanctions pour absence de fourniture de la garantie de paiement 14

 

La nullité du contrat : l’article 14 de la loi de 1975 sanctionne par la nullité du contrat le défaut de garantie de paiement. Le sous-traitant peut l’invoquer à tout moment, y compris après l’exécution des travaux.

 

En cas d’annulation du contrat, le sous-traitant n’a plus la moindre obligation contractuelle vis-à-vis de l’entrepreneur principal : qu’il s’agisse du délai d’exécution, des pénalités de retard, de la retenue de garantie, etc., la nullité anéantit le contrat tout entier.

 

En outre, lorsque le sous-traitant a déjà exécuté des travaux, les juges vont estimer la valeur des prestations effectuées sans pouvoir se référer au prix défini dans le contrat.

 

Le maître d’ouvrage, qu’il soit public ou privé, a l’obligation de vérifier que le sous-traitant bénéficie bien d’une garantie de paiement, conformément à l’article 14-1 de la loi. S’il ne s’assure pas de cette formalité, il engage sa responsabilité et peut être tenu, solidairement avec l’entreprise principale, d’indemniser le sous-traitant en cas de non-paiement.

 

Les sanctions pénales pour les constructeurs de maisons individuelles : dans le secteur de la maison individuelle, des sanctions pénales sont prévues en cas de non-fourniture de la garantie de paiement.

 

L’article L. 241-9 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que l’absence de cette garantie peut entraîner une peine d’emprisonnement de deux ans et/ou une amende pouvant atteindre 18 000 €.

Quel bilan faut-il tirer de cette loi ?

La loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance avait pour objectif d’améliorer les relations entre entreprises principales et soustraitants, en introduisant des mécanismes de protection indispensables du sous-traitant. Bien que ces dispositifs assurent une meilleure sécurité des paiements et plus de transparence, ils restent encore trop souvent méconnus ou mal appliqués.

 

Malgré des sanctions dissuasives, certaines entreprises principales omettent leurs obligations, et des sous-traitants ne revendiquent pas toujours leurs droits. Il est donc essentiel de renforcer la prise de conscience collective pour garantir une soustraitance juste et équitable.

  1. Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.
  2. Article 15.
  3. Article 3.
  4. Articles 4-10.
  5. Les dispositions sur le paiement direct des maîtres d’ouvrage publics sont désormais regroupées dans le Code de la commande publique (articles L. 2193-11 à L. 2193-12 et R. 2193-10 à R. 2193-16).
  6. Articles 4-10.
  7. Article 14.
  8. Sont donc concernés les soustraitants de rang 1 dont le montant des prestations est inférieur à 600 € TTC, ainsi que les sous-traitants de rang 2 et plus en marchés publics et tous les soustraitants en marchés privés.
  9. Cour de cassation, 3e civ., 21 janvier 2021, 19-22.219, publié au bulletin.
  10. Article 3.
  11. Article 14-1.
  12. Le CCAG-Travaux 2021 est entré en vigueur le 1er avril 2021. Il s’applique aux marchés qui s’y réfèrent expressément.
  13. Norme Afnor NF P 03-001 (édition décembre 2017), cahier des clauses administratives générales applicables aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marchés privés.
  14. Article 14.

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