Réhafutur : un démonstrateur pour les isolants bio-sourcés

Un peu plus d'un an après la fin des travaux, la tranche 1 du projet Réhafutur livre ses premiers enseignements. Les matériaux bio-sourcés confirment leurs performances. Un encouragement à les mettre en oeuvre à plus grande échelle.
11:0008/09/2016
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 44 | Septembre 2016

Comment mener à bien l'éco-rénovation d'un habitat ancien, en l'inscrivant dans le développement durable et en conservant son cachet patrimonial ? Tel était le défi de Réhafutur tranche 1 1 : une opération de réhabilitation de la « maison de l'ingénieur », une bâtisse de 395 m2 et quatre niveaux, datant des années 20 et située en terre minière à Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais). Les travaux - qui ont consisté à transformer le bâtiment en une maison à très basse consommation, avec un objectif de 34 kWh/(m2.an) - se sont déroulés entre juin 2014 et juin 2015. Le projet, initié par le cluster Ekwation - qui comprend notamment la FFB Nord-Pas-de-Calais -, est appuyé par l'association Création et développement des éco-entreprises (CD2E), avec le bailleur social Maisons & Cités. Conformément à la vocation de CD2E, ce « démonstrateur » avait pour but de vérifier la viabilité des solutions techniques mises en œuvre, dans l'optique de réduction des impacts environnementaux. À l'issue des travaux, il est devenu un ERP qui accueille notamment le siège du cluster Ekwation, les bureaux de la FFB Nord-Pas-de-Calais et un centre de formation et de qualification des entreprises à la mise en œuvre des matériaux bio-sourcés. Pour améliorer les performances thermiques de l'enveloppe, le groupement d'entreprises et le bureau d'études du projet ont imaginé une solution innovante.

UNE SOLUTION INNOVANTE POUR LES PONTS THERMIQUES

Pour conserver les façades traditionnelles en brique de terre cuite de la région minière, classée Unesco, la solution la plus performante, l'ITE, était exclue. Le groupement a donc décidé de désolidariser les murs de refend des murs de façade. « Pour ce faire, nous avons coupé l'extrémité des murs porteurs sur toute la hauteur, et nous les avons fermés avec un poteau en béton », explique Laurent Bondois, directeur général de Cathelain Novebat, le mandataire du groupement d'entreprises qui a pris en charge les lots démolition, grosœuvre et couverture. « Nous avons ensuite scellé horizontalement des tiges filetées en inox entre le mur et la façade, afin de conserver le contreventement de la structure. » Intérêt majeur du procédé : il permet de glisser les isolants dans le vide ainsi créé entre les murs de refend et la façade, ce qui supprime les ponts thermiques. Ces travaux ont été réalisés depuis les niveaux supérieurs jusqu'au niveau le plus bas, en étayant l'ensemble de la structure. Le lot grosœuvre comprenait aussi la réalisation d'ouvertures dans les murs porteurs, pour réorganiser les espaces, et un rejointoiement complet des façades en briques. Concernant les planchers, les poutres en bois en bon état ont été conservées, et un isolant a été passé en périphérie de dalle, entre les abouts des poutres, pour supprimer les ponts thermiques horizontaux.

PREMIER BILAN

Opération laboratoire, Réhafutur tranche 1 entend étudier le comportement des isolants bio-sourcés mis en œuvre, au moyen d'une instrumentation - le bâtiment a été équipé de 80 sondes - permettant de qualifier le confort d'ambiance, et en particulier de mesurer les températures intérieures et de façade, les flux de chaleur et l'hygrométrie sur l'ensemble des couches des parois opaques et des rampants de toiture. La température de l'air, le taux d'humidité et de CO2 seront aussi mesurés pour évaluer les performances de la ventilation double flux. Chacune des quatre parois a été isolée avec un matériau différent : béton de chanvre (façade sud-est), ouate de cellulose (façade sud-ouest), lin (façade nord-ouest) et laine de mouton (façade nord-est). Après un an de relevés, les premiers résultats doivent être analysés avec prudence : la façade nord-ouest (lin), peu exposée au soleil, présente un taux d'humidité trop élevé, de l'ordre de 90 %, alors que la façade sud-est (chanvre) est la plus performante avec 68 % d'humidité - les deux autres façades affichant un taux correct de l'ordre de 70 % d'humidité. Cependant, ces mesures sont entre autres parasitées par les phénomènes de séchage du bâti dus à son état initial (briques saturées en eau en raison de l'absence de gouttières, joints ciment dégradés...). Pour Alain Lucas, consultant éco-construction chez CD2E, le plus intéressant se situe dans le comportement du béton de chanvre : « Nous avons constaté que le volant thermique du mur - la différence de température entre la face intérieure et la face extérieure du matériau - reste faible par rapport aux autres solutions, et que les flux thermiques sont comparativement inférieurs. » Le déphasage thermique attendu au niveau des rampants de toiture, isolés avec de la fibre et de la laine de bois, est bien au rendez-vous.

Le projet vise aussi à évaluer l'efficacité énergétique de la ventilation double flux à récupération de chaleur, ainsi que son rendement. Des indicateurs qui seront établis après une analyse affinée des consommations du bâtiment sur un an.

« LES ISOLANTS BIO-SOURCÉS DEPLUS EN PLUSPERTINENTS »

Bernard LAFFAILLE, architecte

Architecte du projet, membre du collectif Arietur, Bernard Laffaille estime que les obstacles à l'utilisation des matériaux bio-sourcés se lèvent peu à peu : « On a longtemps mis en avant leur coût élevé, mais cet argument est de moins en moins vrai. Sur la maison de l'ingénieur, nous estimons le surcoût à 20 % environ, mais nous avons utilisé 4 matériaux différents, ce qui fait monter la facture. » L'architecte estime par ailleurs que, mécaniquement, le développement des filières associées fait baisser le coût des matériaux bio-sourcés, ce qui incite un nombre croissant de maîtres d'ouvrage à les inclure dans leurs cahiers des charges. Les obstacles se lèvent aussi pour la mise en œuvre : « Bon nombre de ces produits sont hors DTU, ce qui rend problématique leur inclusion dans l'assurance décennale, ajoute-t-il. Mais le retour d'expérience fait que les bureaux de contrôle ne s'opposent plus à leur mise en œuvre, à condition que les règles professionnelles soient respectées. » Sur Réhafutur, Socotec, en charge de ce volet de l'opération, s'est appuyé sur sa base de données sur les matériaux bio-sourcés pour valider leur intégration dans le projet. Pour Bernard Laffaille, ces matériaux donnent aussi plus de sens à la construction, dans le cadre du développement durable, et sont en cela un facteur de valorisation pour les salariés.

Pour en savoir plus

Fédération française du bâtiment Nord-Pas-de-Calais, tél. : 03 20 72 87 14.

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