La Fondation Luma Arles, un campus au service des arts et de la culture, est notamment connue pour son emblématique tour Luma, inaugurée en 2021, un projet visionnaire signé par l’architecte mondialement connu Frank Gehry. Mais la tour est le totem de toute une ancienne friche industrielle, le Parc des Ateliers, qui fut naguère un site de la compagnie ferroviaire PLM.
La Fondation, à travers son atelier de recherche biorégional Atelier Luma, a en partie réhabilité le site en mettant en œuvre ses valeurs de respect de l’environnement et d’utilisation de matériaux biosourcés et géosourcés de provenance locale. C’est dans ce contexte que Maja Hoffmann a fait l’acquisition en 2020 de l’ancienne clinique Jean-Paoli, à proximité du Parc des Ateliers, pour la réhabiliter en logements étudiants et saisonniers, en réalisant notamment une innovante isolation thermique par l’extérieur (ITE) à base de bottes de paille.
« Cette paille provient des 15 000 hectares de riz qui sont cultivés dans la Camargue toute proche, explique Salvatore Tanzi, président de l’entreprise générale éponyme, basée à Tarascon (Bouches-du-Rhône), qui a dirigé les travaux. Il s’agit d’une utilisation innovante pour ce déchet de l’agriculture qui, sinon, n’aurait pas d’autre débouché que l’incinération. »
Après une première expérimentation concluante de l’utilisation de la paille de riz en isolation thermique par l’intérieur sur 2 000 m2 dans un premier bâtiment industriel du Parc des Ateliers, le magasin électrique, le procédé d’ITE de l’ancienne clinique Jean-Paoli a été mis au point par la SCOP Nebraska, spécialisée dans l’ingénierie des matériaux biosourcés pour le bâtiment.
Réalisé par l’entreprise Paipite sous la maîtrise d’œuvre de BC Architects & Studies, ce procédé consiste à fixer sur la façade en béton armé un principe d’épines verticales et de poutres horizontales en bois, de manière à obtenir des cadres de 4 m de longueur et de 3 m de hauteur environ, qui assurent le contreventement de l’ensemble. L’intérieur de ces cadres est ensuite comblé avec les bottes de paille, compressées au moyen de sangles fixées dans la façade. De nombreux essais ont permis de valider sa conformité avec la réglementation incendie en vigueur – résistance au feu et non-propagation en façade en cas d’incendie – auprès du bureau de contrôle, et un accompagnement de Socotec a permis d’obtenir un avis de chantier qui garantit son assurabilité.

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L’application d’un enduit de finition à la chaux vive de 4 à 5 cm d’épaisseur qui recouvre la paille, par l’entreprise La Pierre au carré, a permis de relever un autre défi majeur : protéger la paille de l’eau sur le long terme. En effet, des études ont montré que ces inclusions de chaux vive génèrent, au contact de l’eau, une recalcification du béton qui comble les fissures dans l’enduit en l’espace de quelques semaines (un procédé déjà utilisé dans l’Antiquité par les Romains). L’ITE en bottes de paille présente aussi des performances thermiques élevées, avec une résistance thermique R = 7,1 pour les bottes de 37 cm mises en œuvre sur ce chantier, ainsi qu’un long déphasage de quatorze heures environ qui permet d’obtenir un très bon confort d’été.
Pour finir, ce chantier à visée pédagogique a également permis de former des entreprises de l’isolation à ce procédé innovant. « Ce chantier a été possible grâce à tout un écosystème d’acteurs, conclut Salvatore Tanzi. Les bottes en paille récoltées auprès des riziculteurs camarguais répondent à un cahier des charges “bottes constructives”, et permettraient de réaliser un million de mètres carrés en ITE. Tout est en place pour une plus large diffusion de ce procédé. »