Cité judiciaire d'Aix-en-Provence : l'entreprise générale en soutien de l'audace architecturale

Lauréate du concours régional des Clés d’or de l’entreprise générale 2021, la cité judiciaire d’Aix-en-Provence a été réalisée dans le cadre d’un « nouveau marché d’ingénierie » (NMI), une formule contractuelle qui illustre la capacité de l’entreprise générale à fournir une synthèse des différents corps d’état à la maîtrise d’œuvre, et à lui proposer des variantes techniques innovantes pour optimiser la conception initiale du bâtiment.
8:3223/06/2022
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Bâtimétiers Numéro 67 | Juin 2022

Depuis sa livraison, en avril 2021, la cité judiciaire d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) est désormais bien campée sur ses bases.

À son arrivée, le visiteur est frappé par son socle, composé de quatre mégablocs en béton matricé coloré, dont le faux air de construction antique en matériau brut donne toute la solennité requise au lieu. Leurs façades aveugles abritent les salles d’audience, le sanctuaire où sont rendues les décisions de justice, à la faveur de la lumière qui descend des verrières zénithales. Leur réalisation a été l’un des défis relevés avec succès par l’entreprise de construction lauréate du projet, le groupe Fayat, qui l’a confiée à sa filiale locale, Bec Construction Provence. Tournant le dos aux cadres contractuels classiques, le maître d’ouvrage, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, a opté pour une formule innovante, le nouveau marché d’ingénierie (NMI), qui lui a permis de contractualiser le marché de travaux avec une entreprise générale, laquelle devient son interlocuteur unique et assume la responsabilité de tous les corps d’état techniques.

 

Dialoguer pour répondre à la complexité du projet

 

« En comparaison avec la conception-réalisation, ce cadre contractuel change beaucoup de choses pour l’entreprise générale, car nous ne sommes pas intervenus en phase d’appel d’offres, mais quatre mois avant le démarrage de la phase “PRO”, pour superviser le projet avec la maîtrise d’œuvre, assumée par Marc Barani Architectes comme mandataire, et, soit valider la faisabilité technique des ouvrages, soit proposer des variantes qui améliorent le projet, sur la base de notre expertise de constructeur, commente Guillaume Faure, directeur Travaux chez Bec Construction Provence et patron du projet. Ce dialogue s’est avéré très utile pour répondre à la complexité du chantier. » À titre d’exemple, l’entreprise a proposé de remplacer les fondations initialement prévues par micropieux en béton armé par des colonnes à modules contrôlés (CMC), composées de béton non ferraillé et d’un tapis de ballast permettant de répartir les descentes de charges – une solution d’un coût inférieur et facilement justifiable en fonction du sous-sol local. L’économie obtenue a été réinvestie pour améliorer les performances énergétiques du bâtiment, initialement conçu pour répondre à la RT 2005. Soixante-dix à quatre-vingts devis supplémentaires, sur différents sujets, ont ainsi été réalisés pour améliorer le bâtiment, sans en augmenter le coût.

 

Une expertise sur les ouvrages en béton

 

La réalisation des quatre mégablocs, signature architecturale du bâtiment, a exigé la recherche d’une méthodologie spécifique et la production de schémas et plans d’exécution entre Fayat Bâtiment et la maîtrise d’œuvre. Une trentaine d’échantillons ont été nécessaires pour valider la couleur et le design « planchette » recherché pour le parement fini. Mais la principale difficulté a été le coulage des voiles en béton matricé de 14 m de hauteur, sur une vingtaine de mètres en longueur, en une seule levée. « Nous avons superposé cinq rangées de banches, soit quarante-huit au total, inclinées à deux degrés pour suivre le design du projet, que nous avons renforcées, et nous avons établi avec notre partenaire bétonnier un protocole de coulage pour répartir le béton et maîtriser la pression énorme exercée dans les banches, explique le patron du projet. L’ensemble du socle a demandé trente-deux rotations de quatre jours chacune. » Dans l’impossibilité d’utiliser des banches d’angle, qui auraient fait apparaître une reprise de coulage sur la finition brute, l’entreprise a fait fabriquer des pièces spécifiques – tiges Artéon – pour assurer la tenue du coffrage sur toute la hauteur. Le résultat impeccable obtenu dès le décoffrage n’a demandé que quelques reprises ponctuelles.

Autre solution issue d’un dialogue technique : pour réaliser la salle des pas perdus – un grand espace vide situé au milieu du bâtiment, qui s’étend sur un double niveau surplombé par une double verrière – l’entreprise a fait préfabriquer vingt-six poteaux en béton armé ocre de 10 m de hauteur, de la même couleur que les voiles des mégablocs. « Le coulage en place de ces ouvrages n’aurait pas présenté toutes les garanties de sécurité pour nos compagnons, ajoute Guillaume Faure. Pour les mettre en œuvre, nous avons conçu un outil spécifique qui permet leur retournement à la verticale sans risque, mis au point par l’équipe chantier principalement pour ce projet. »

 

La valeur ajoutée de l’entreprise générale

 

Comme le montrent ces solutions innovantes, Fayat Bâtiment a été aux côtés du groupement maîtrise d’œuvre pour optimiser les procédés constructifs pendant toute la durée du projet. La partie supérieure de la cité judiciaire, qui se compose d’une structure en poteaux-poutres en béton à trois niveaux en appui sur les quatre mégablocs, habillée par un bardage isolé en tôle d’aluminium anodisé, abrite 173 bureaux destinés aux services administratifs. La mise au point de la façade, qui compte 264 brise-soleil fixes et 594 brise-soleil orientables, a exigé non seulement une parfaite coordination des quatre métiers concernés – gros œuvre, bardage, menuiseries extérieures, brise-soleil – sous la houlette de l’entreprise générale, mais, ici encore, l’élaboration d’une solution innovante : en l’absence de système satisfaisant disponible sur le marché pour l’ouverture des brise-soleil, qui était prévue manuelle, l’entreprise a élaboré une poignée inspirée du frein de vélo, qui permet de bloquer les brise-soleil en lames de verre en position ouverte, sans risque de les voir battre contre la façade.

« Ce type de travail est trop complexe pour être traité en lots séparés, conclut Guillaume Faure. Le rôle de l’entreprise générale est de centraliser toutes les informations des corps d’état techniques pour les transmettre à la maîtrise d’œuvre, afin de pouvoir prendre en commun des décisions éclairées, sans perte de temps pour l’avancée du chantier. » Pour remplir cet objectif, une cellule de synthèse a été mise en place, qui a fonctionné durant tout le chantier à raison d’une réunion par semaine pour traiter tous les sujets. En ce qui concerne le volet RSE, le chantier se solde par plus de douze mille heures d’insertion, réparties par l’entreprise générale auprès de ses différents sous-traitants, l’attribution de 88 % des travaux à des entreprises locales, et par un bilan à souligner de zéro accident du travail. Ce projet mené à bien avec brio est le lauréat de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur du concours des Clés d’or de l’entreprise générale 2021 organisé par EGF.

 

Acteurs et chiffres clés du projet

Maître d’ouvrage : Agence publique pour l’immobilier de la justice

Assistant maître d’ouvrage : SAMOP

Maître d’œuvre : Marc Barani Architectes

Maître d’œuvre d’exécution : Tangram Architectes

Entreprise générale : Fayat Bâtiment (Bec Construction Provence)

Montant de l’opération : 25,80 M€

Heures d’insertion : 12 377, dont 3 648 heures en statut cadre

Durée des travaux : 30 mois, y compris un mois et demi d’« arrêt Covid »

Date de livraison : 29 avril 2021

Guillaume Faure, directeur Travaux chez Bec Construction Provence, à Marseille (Bouches-duRhône) et patron du projet

« Le rôle de l’entreprise générale est de centraliser toutes les informations des corps d’état techniques pour pouvoir les transmettre à la maîtrise d’œuvre, sans perte de temps pour l’avancée du chantier. »

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