Un chantier médiéval hors norme en Gironde

Depuis sept ans, des entreprises, des universitaires, des historiens et des bénévoles s’unissent pour donner naissance à un chantier unique en France, dont le premier coup de pioche a eu lieu en 2023. Sa particularité : donner à voir sur plus de quarante ans l’édification d’un ambitieux ensemble architectural allant du roman au gothique, en utilisant les techniques médiévales. Anatomie du chantier-école expérimental de Guyenne, près de Bordeaux.
13:4411/06/2025
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Bâtimétiers Numéro 79 | juin 2025

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Cette célèbre citation de l’écrivain américain Mark Twain sied bien à Valéry Ossent, porteur du projet du chantier médiéval de Guyenne, en Gironde. Un chantier pas comme les autres puisqu’il s’agit de bâtir un ensemble architectural allant du roman au gothique, avec les gestes, les outils et les techniques des bâtisseurs de l’époque médiévale.

 

Un défi exceptionnel qui s’inscrit dans le sillage des chantiers historiques du château fort de Guédelon en Bourgogne et de la frégate du xviiie siècle, L’Hermione, en Charente-Maritime. « D’ici quarante ans environ, une chapelle, un cloître, des bâtiments conventionnels et un édifice gothique inspiré des grandes cathédrales devraient s’élever sur un site de trois hectares, à La Lande-de-Fronsac, un village rural près de Bordeaux », promet Valéry Ossent, ingénieur ESTP.

 

Cet amoureux de la pierre précise d’emblée : « Notre projet ne comporte pas de dimension religieuse. » C’est en juin 2023 que les travaux ont démarré avec l’aménagement du terrain acquis auprès de la commune girondine, puis ont suivi les fondations de la chapelle, la construction de différentes loges, dont celle du forgeron, et la réalisation d’un jardin médiéval. « En une année, et grâce à un chantier rassemblant en moyenne cinq à dix personnes chaque jour, c’est un petit village médiéval autour de l’an mil qui est en train de sortir de terre », résume l’endurant Valéry Ossent.

 

Car entre le premier coup de pioche et la naissance du projet, qui prend officiellement corps via la création en 2018 de l’association La Fabrique de Guyenne, cinq années se sont écoulées. Cinq années au cours desquelles il a fallu expliquer, convaincre, fédérer et réunir des fonds. Mais le succès est au rendez-vous. Depuis, l’ouverture du site au public en 2024, de nombreux visiteurs sont venus admirer des tailleurs de pierre, des charpentiers et des maçons. 

 

Une démarche rigoureuse

« Nous sommes partis d’une page blanche, en nous référant toutefois aux codes architecturaux et historiques des bâtiments de la région », raconte Valéry Ossent. La conception de chaque édifice exige un travail minutieux de documentation en amont. C’est donc à un véritable travail d’archéologie expérimentale que se livre cette équipe d’experts méticuleux. Quant à la phase travaux, un comité de pilotage veille à son bon déroulement pour retrouver les gestes, les outils et les techniques d’antan.

 

« Il faut désapprendre ce que l’on sait, être ingénieux et faire simple », glisse le chef d’orchestre du projet. Le chantier a certes un pied dans le passé, mais un autre dans le présent. Tout d’abord, les normes de sécurité contemporaines sont respectées. Celles-ci ne font pas obstacle à l’avancée des travaux, ces derniers ne nécessitant pas de machines, d’électricité ou de fondations en profondeur. Ensuite, dans une logique de sobriété, les matériaux sont naturels (terre, paille, bois, etc.) et proviennent du site lui-même ou d’espaces situés dans un rayon proche.

 

« Et conformément à la dynamique actuelle de l’économie circulaire, nous récupérons des matériaux issus de chantiers de rénovation ou de démolition auprès d’entreprises locales, tandis que des agriculteurs nous donnent des pierres des champs, comme cela se faisait au Moyen Âge », indique Valéry Ossent.

La transmission au cœur du projet

Alain Iviglia, à la tête de TMH, une entreprise de la région bordelaise spécialisée dans la restauration de monuments historiques, accompagne ce projet depuis le début. Son aide se traduit par du prêt de matériel, de la fourniture de matériaux ou encore par des conseils techniques.

 

« Ce chantier médiéval mérite d’être mis en lumière car il est vertueux à maints égards. Il véhicule de la passion et de l’envie, il permet la transmission de savoir-faire anciens, tout en offrant une vitrine pour recruter dans le bâtiment, explique l’entrepreneur. Quand un jeune, après avoir visité le chantier, s’inscrit dans un lycée professionnel pour devenir tailleur de pierre, comme cela est arrivé récemment, c’est que nous avons gagné ! » La transmission est, en effet, au cœur du projet.

 

Elle est assurée par l’apprentissage, la formation et l’insertion professionnelle. « Ce chantier, c’est aussi un projet d’insertion destiné à accueillir un public fragile – jeunes en difficulté, adultes handicapés, chômeurs de longue durée. Ils viennent apprendre les gestes et le travail collectif pour retrouver confiance », confirme Valéry Ossent. C’est la raison pour laquelle le projet a bénéficié d’une subvention de la Fondation FFB.

 

Alors longue vie à ce rêve éveillé !

© Laëtitia Ladépèche 

Une aventure collective

 

Au-delà de la prouesse technique, consistant à travailler sans autre énergie qu’humaine et avec des outils d’époque, ce chantier se caractérise également par une communauté de passionnés animés par le feu du patrimoine. Et à chantier exceptionnel, organisation inédite. À la maîtrise d’ouvrage, on trouve l’association La Fabrique de Guyenne, présidée par Valéry Ossent.

 

La structure, adhérente de la FFB, emploie cinq salariés dont un conducteur de chantier. « En réalité, nous sommes maître d’ouvrage autoconstructeur, une singularité qui n’a pas empêché un porteur de risque de couvrir notre responsabilité civile », relève l’ingénieur. Pour garantir la rigueur du projet, l’équipe associative s’est entourée de professionnels du patrimoine et de la culture. Côté maîtrise d’œuvre, il y a un architecte du patrimoine qui peut compter sur un conseil scientifique réunissant des historiens, des chercheurs et des scientifiques – la plupart ayant œuvré sur le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris.

 

Un appui qui devrait s’avérer utile quand il s’agira de dessiner les plans du futur édifice gothique d’une trentaine de mètres. Sans oublier les quelque 150 bénévoles qui participent au projet. Pour fonctionner, le chantier médiéval compte concrètement sur la contribution de ces bénévoles, le mécénat, les subventions, outre les droits d’entrée des visites.

Situé à La Lande-de-Fronsac, à vingt minutes au nord deBordeaux, le chantier médiéval de Guyenne est ouvert au public toute lannée. Pour connaître les horaires : https://guyenne-medieval.com/projet

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