Un arrêt du 10 mars 1 illustre la difficulté de prouver l’affichage régulier et continu d’un permis de construire.
Dans cette affaire, le Conseil d’État retient que la date de l’affichage ne peut pas être prouvée par une photo prise par le bénéficiaire de l’autorisation, parce que les métadonnées numériques peuvent être modifiées.
L’affichage du permis doit être régulier et continu
Rappelons que les tiers ont deux mois pour attaquer une autorisation d’urbanisme. Ce délai démarre à compter du premier jour d’un affichage continu de deux mois du permis sur le terrain 2.
À défaut d’affichage (qui ne remet pas en cause la légalité du permis), les tiers peuvent engager un recours à tout moment et jusqu’à six mois à compter de l’achèvement des travaux 3.
Il est donc primordial d’apporter la preuve de cet affichage.
Un affichage 4 régulier, c’est quoi ?
Pour être régulier, l’affichage doit répondre à plusieurs conditions prévues par le Code de l’urbanisme 5, à savoir :
- l’emplacement du panneau : il doit être positionné sur le terrain concerné par le projet et lisible depuis la voie publique ou un espace ouvert au public ;
- les dimensions du panneau : il doit est rectangulaire et faire au moins 80 centimètres de côté ;
- les mentions obligatoires sur le panneau :
- le nom ou la raison sociale du bénéficiaire,
- le nom de l’architecte auteur du projet (le cas échéant),
- la date de délivrance et le numéro du permis,
- la nature du projet, la superficie du terrain, la surface de plancher autorisée et la hauteur de la construction par rapport au terrain naturel,
- l’adresse de la mairie où est consultable le dossier,
- les voies et délais de recours, ainsi que l’obligation de notification de tout recours administratif ou contentieux 6.
Comment prouver l’affichage ?
Dans le cas visé par l’arrêt du 10 mars, le permis de construire avait fait l’objet d’un recours.
Le bénéficiaire affirmait que ce recours était tardif, car réalisé au-delà du délai de deux mois.
Pour prouver l’affichage, il avait produit :
- une attestation peu circonstanciée d’un voisin et celle d’un tiers (qui faisait état d’un affichage de deux jours seulement) ;
- des photographies du panneau qu’il avait prises en soutenant que les métadonnées numériques attestaient de leur date de prise de vue.
Ni le tribunal administratif, ni la cour administrative d’appel n’ont jugé ces éléments suffisants pour prouver l’affichage régulier.
Le Conseil d’État retient la même position en estimant que « compte tenu des possibilités techniques de modifier ces métadonnées numériques […], ces photographies ne pouvaient être regardées comme présentant des garanties d’authenticité suffisantes ».
Faute de preuve d’un affichage régulier, le juge considère que le délai de recours ne peut être considéré comme expiré ; dès lors, le recours des tiers ne peut être jugé tardif.
Bien que pouvant être apportée par tous moyens, la preuve de l’affichage doit donc présenter des garanties d’authenticité suffisantes.
La solution la plus sécurisante demeure ainsi le constat d’un commissaire de justice (au premier jour de l’affichage, après un mois et après deux mois).
D’autres modes de preuve ont toutefois déjà pu être admis : par exemple, des photographies prises par le bénéficiaire ont pu être un mode de preuve suffisant, car elles avaient été téléchargées dans un coffre-fort numérique 7.
Dans une autre affaire, la preuve avait pu être apportée par des témoignages multiples de personnes sans lien avec le bénéficiaire, attestant que le panneau était visible pendant au moins deux mois 8.
Cette affaire rappelle l’importance des précautions à prendre en matière de preuve de l’affichage, pour éviter toute ambiguïté quant à l’expiration du délai de recours des tiers.
Une preuve numérique ne peut être retenue par les juges que lorsque son authenticité est garantie.