Une couverture ancienne restaurée dans les règles de l'art

La restauration récente de la couverture de l’hippodrome de la Bergerie, au Haras national du Pin, illustre les savoir-faire experts qui sont nécessaires pour redonner à une toiture inscrite aux monuments historiques toute sa fonction d’usage, en conservant son aspect traditionnel en harmonie avec l’ensemble du bâti.
14:2712/12/2025
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Bâtimétiers Numéro 81 | Décembre 2025

La restauration complète de la couverture des écuries de l’hippodrome de la Bergerie, partie intégrante de l’ensemble architectural du Haras national du Pin, qui recouvre plus de 1 000 ha situés à cheval sur plusieurs communes de l’Orne, est un modèle du genre. Surnommé le « Versailles du cheval », ce domaine construit sous le règne de Louis XV, entre 1715 et 1730, dans un style classique proche de celui des Grandes Écuries de Versailles, longtemps propriété de l’État, a été cédé au département de l’Orne qui a lancé un vaste programme de travaux pour le transformer en un pôle dédié aux sports équestres, au tourisme et à la culture, à l’activité économique et à la formation.

 

Transformer ce large complexe, classé aux monuments historiques en 1948, inclut notamment la restauration des couvertures des bâtiments, qui s’étendent sur quelque dix hectares de surface totale pour l’ensemble du domaine. C’est dans ce contexte que le chantier portant sur les écuries de l’hippodrome de la Bergerie, situées sur la commune de Ginai (Orne), ajoutées au domaine au xixe siècle et inscrites aux monuments historiques depuis 1995, a été confié à l’entreprise Bequet, spécialisée dans les métiers de la charpente et de la couverture en monuments historiques, implantée à Courgeon (Orne).

 

« Il s’agit d’un grand bâtiment en U, en maçonnerie de moellons et pierres de taille, explique Arthur Bequet, le dirigeant de l’entreprise, dont les deux grandes ailes mesurant 60 m de longueur abritent des boxes pour les chevaux, et la partie centrale, des logements pour les salariés de l’hippodrome. L’ensemble du chantier représente la rénovation de 1 600 m2 de toiture, et la pose de plus de 100 000 tuiles. » 

Une restauration complète de la charpente

 

Les travaux ont commencé par un relevé traditionnel complet de cette immense charpente, avec des prises de cotes manuelles afin de réaliser une maquette en 3D de l’ensemble. Un sondage minutieux de chaque pièce de bois a permis de répertorier toutes les pièces destinées à être changées, remplacées, réemployées à un autre endroit de l’ouvrage ou simplement conservées.

 

À l’issue de cette phase d’études, et après concertation et accord avec les services des Bâtiments de France, toutes les pièces de bois jugées nécessaires pour la restauration ont été commandées, à la bonne section et à la bonne longueur, et livrées sur le chantier. En préparation du chantier, des mesures de sécurisation du site ont été mises en œuvre, en particulier un étayage des planchers d’époque en terre battue, qui menaçaient de s’écrouler, sans oublier la bâche de protection contre les intempéries.

 

« Après avoir déposé la couverture et le support de couverture, nous avons pu commencer ce travail méthodique qui consiste à étayer la charpente à chaque point d’intervention, puis à couper la pièce, à la démonter, ensuite à retracer une pièce à l’identique pour la remettre en place et enfin à supprimer l’étayage, ajoute le chef d’entreprise. Pour ce travail long et exigeant, nos compagnons ont été mobilisés pendant cinq mois pour changer notamment 370 pièces avec parfois des entures à trait de Jupiter, ainsi que certains chevronnages, pannes et sablières, pour un total de 25 m3 de bois. » Une fois restaurée, toute la charpente, intégralement en chêne, a reçu un traitement contre les insectes xylophages, qui garantira sa durée dans le temps. 

 

Respecter l’authenticité de la toiture

 

La phase suivante a consisté à recréer le support de couverture, en conservant les déformations existantes dans le plan de couverture. « Il est essentiel de conserver ces déformations, ce qui permet de faire vivre la couverture, et de ne pas obtenir à l’arrivée une toiture totalement rectiligne qui aurait l’air neuve », ajoute Arthur Bequet.

 

Le support de couverture se compose d’une toile tissée, fixée sur les chevrons grâce à des contre-lattes, sur lesquelles on pose un lattage en sapin avec un pureau de 9 cm, ce qui permet une ventilation de la toiture, grâce à des entrées hautes et des entrées basses situées à la base et au sommet du toit. Le chantier se termine avec la pose des tuiles, en commençant par tous les raccords de couverture – tout ce qui est rive, arêtier, faîtage et lucarne – et en terminant par les parties centrales.

 

La toiture des écuries a été entièrement réalisée avec des tuiles neuves mais dites « à pureau variable », spécialement conçues pour les monuments historiques : leurs légères différences dimensionnelles, et les variations de coloris – un patchwork de couleur orangé, rouge brun, vert et jaunâtre – donnent à la toiture un rythme qui rappelle la mise en œuvre traditionnelle, tout en apportant les garanties attendues par le maître d’ouvrage. Sur les 100 000 tuiles posées, une sur sept a été fixée avec des clous en cuivre, afin d’assurer la stabilité de l’ensemble bien que, étant donné la faible inclinaison du toit, ce ne soit pas exigé par le NF DTU 40.23 « Couverture en tuiles plates de terre cuite ».

 

« Cette restauration est exemplaire pour le travail d’équipe effectué par les compagnons couvreurs, qui est nécessaire pour un ouvrage de cette ampleur, conclut le chef d’entreprise. Elle l’est tout autant pour la bonne gestion des interfaces, notamment par l’entreprise de maçonnerie, une façon de jouer collectif qui est propre aux entreprises de restauration des monuments historiques. » 

© ENTREPRISE BEQUET

Le chantier de restauration en faits et chiffres

  • Maître d’ouvrage : Conseil syndical du Haras national du Pin
  • Surface de la toiture : 1.600 m2
  • Charpente : 25 m3 de bois remplacé, dont 370 pièces d’enture
  • 100.000 tuiles à pureau variable 
  • Durée du chantier : 9 mois

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