C’est un manoir avec parquets et plafonds d’époque richement décorés, porte à panneaux massive ancienne en chêne, escalier à vis… Pour redonner toute sa valeur à l’édifice tout en respectant son authenticité, l’architecte du patrimoine Pierrick de Vaujany a fait appel notamment à l’entreprise Logis Home implantée aux Avenières-Veyrins-Thuellin (Isère), dont l’expertise pointue, en particulier dans les enduits et décors à la chaux aérienne, lui a valu d’être labellisée « Entreprise du patrimoine vivant ». La société, qui compte seize salariés, dont une décoratrice ayant suivi une spécialisation de peintre en décor, a à son actif la remise en état de cent soixante-dix églises, ainsi que des manoirs, châteaux, demeures historiques. Le chantier, soutenu par la Fondation du patrimoine à travers l’attribution de son label, a mobilisé de nombreux savoir-faire traditionnels en raison de sa grande technicité.
Des enduits très particuliers
La pose des enduits a constitué une part importante des travaux. « Dans ce type de restauration, on utilise des enduits à la chaux aérienne qui ont une forte résistance à l’humidité et se mélangent très bien aux pigments naturels, comme l’ocre jaune, la terre de Sienne, ce qui permet un très grand nombre de techniques d’applications et de couleurs », détaille Stéphane Laut, président de Logis Home. Ainsi, le trumeau de la cheminée, qui était abîmé, a été restauré avec un enduit à la chaux en accord avec la pierre du linteau. Pour obtenir la bonne teinte et le bon grain, plusieurs tests ont été effectués avec des dosages de pigments différents à partir d’un enduit en poudre, à sec, qui a ensuite été mouillé puis séché. Autre particularité, le client souhaitait conserver une pierre d’évier d’origine. La technique d’étanchéité retenue tout autour a été celle du tadelakt, un enduit d’origine marocaine, qui convient bien aux formes arrondies. Le principe : la matière est polie avec un savon noir dilué dans l’eau et un galet jusqu’à ce que l’enduit soit complètement resserré. Tout un travail a également été effectué dans la partie basse de la cage d’escalier pour traiter les enduits intérieurs qui étaient soufflés. Les analyses réalisées sur les prélèvements ont confirmé une problématique de remontées capillaires avec présence de nitrates. Pour y remédier, les enduits ont été piqués sur deux mètres de haut. À leur place a été appliqué un enduit à base de chaux hydraulique destinée à laisser respirer le mur et conjuguée à de la pouzzolane, une roche volcanique à structure alvéolaire qui a la faculté de bloquer les nitrates, « une solution naturelle très efficace ».
Une palette de techniques autour du bois
Les finitions ont, elles aussi, fait l’objet de soins très spécifiques : au rez-de-chaussée, les portes neuves en sapin blanc et jaune ont été traitées à base de brou de noix pour imiter le bois ancien, en harmonie avec la porte en chêne d’époque du manoir. « Nous avons fait des essais sur des chutes de bois avec des dilutions différentes. Ce travail de précision a demandé trois jours. Les portes ont été traitées élément par élément en utilisant du scotch pour cacher les traits de pinceau et donner l’impression de planches de bois ajustées », indique Stéphane Laut. Au premier étage, les zones abîmées des plafonds en bacula (lattis bois) et plâtre, caractéristiques de cette époque, ont été purgées, les lattis changés et les fissures résiduelles réparées. Quant aux parquets, ils ont été restaurés suivant deux techniques : les lames neuves ont été traitées avec une lasure à base de brou de noix dans différentes dilutions afin de retrouver la teinte et l’aspect du parquet d’origine ; et, sur certaines zones du sol restées bétonnées en raison d'anciens conduits de cheminées, la décoratrice a réalisé un « faux bois » au moyen d’un décor bois en trompe-l’oeil. Enfin, les stylobates, soubassements en bois, ont été restaurés avec du mastic bois avant de recevoir une couche d’impression glycérophtalique afin de bloquer le vernis, puis une peinture microporeuse.
Décors et teintes, un travail d’artiste
Toujours au premier étage, les décors des plafonds ont été restaurés à l’identique, et les filets tracés, selon la méthode traditionnelle, à la main – et non en apposant du scotch de chaque côté du trait, ce qui aurait eu pour effet de donner un résultat trop parfait. La principale difficulté des travaux a consisté à obtenir une illusion d’alignement des décors sur les côtés et au centre, sachant que les pièces n’étaient pas symétriques. Forte de son expérience en décors d’église, l’équipe a travaillé visuellement, trichant sur les perspectives, en s’aidant de cordelettes mouillées employées à la manière de bandeaux. Les teintes – gris, rouge – ont aussi été soigneusement choisies. « Nous effectuons systématiquement une recherche méticuleuse de colorimétrie en grattant toutes les couches successives d’enduits afin d’être au plus près des tons originels. C’est ainsi qu’au niveau des soubassements, nous avons retrouvé les traces de badigeons et filets et les avons recréés à l’identique », souligne Stéphane Laut. Choix des tons, des matières et des techniques de restauration… Dans tous les cas, l’arbitrage se fait en concertation avec l’architecte et le maître d’ouvrage. La compréhension totale entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et entreprises est la première condition pour assurer la pleine réussite d’un projet de cette nature.